La gastronomie – la haute, celle qui se hausse du col de ses couvercles – est en France au cœur de tout. Les sociologues, les historiens, les romanciers, les philosophes, les économistes, la presse spécialisée, le sacro-saint Guide Michelin – qui vient de retirer une de ses trois médailles au restaurant Loiseau de Saulieu, bref tout le gratin hexagonal y voit avec justesse un pan entier du patrimoine, de notre culture, de notre art de vivre. Pas un citoyen qui ne se sente souverainiste, dès qu’on parle de la cuisine française.
Alors la star, c’est qui ? Le chef étoilé et sa galaxie de marmitons … Il est omniprésent à la télé, à la radio, le grand chef cuistot ! Lui, qui affiche parfois une légère outrecuidance à se prendre pour Le Caravage ou Francis Bacon. Un critique gastronomique en vient même à écrire propos d’une étoile supplémentaire accrochée à la toque d’un cuisinier célébrissime : « Cette distinction couronne des années de travail, un talent hors normes mais aussi une quête d’absolu qui fait écho à sa terre ». Alléluia ! On s’agenouille.
C’est dire si la future cité internationale gastronomique de Dijon – qui donnera la pleine mesure de son « mordant » en 2018 – s’avère une bénédiction des dieux pour la capitale régionale ainsi que pour le vignoble et ses 1200 Climats. Cet espace-phare s’étendra sur plus de 20 000 mètres carrés. Un bien joli coup de pouce pour l’attractivité économique, touristique, ou pour la recherche sur les avancées en gastronomie : congressistes et professionnels y trouveront un lieu d’envergure internationale. Depuis belle lurette, la cuisine, la bouffe (la grande), notre amour des vins s’inscrivent en capitales dans la conversation du Français lambda, ce qui constitue un sujet de fascination et de moquerie teintée d’envie pour bon nombre d’étrangers. On se serait d’ailleurs bien passé de la récente prestation de Pamela Anderson, la toute siliconée ex-bimbo d’Alerte à Malibu, à l’Assemblée Nationale : elle avait été appelée à la rescousse par de faux apôtres pour mener campagne contre le foie gras, le gavage des oies et canards. Les bécasses ne sont pas forcément dans l’assiette.
L’important est ailleurs… Il fut un temps – on était alors en 1689 – où les enfants se régalaient en apprenant à lire, à écrire en français ou en latin dans un abécédaire intitulé « Roti-cochon ». Il s’agissait d’une méthode pédagogique d’avant-garde, représentant chaque lettre de l’alphabet par l’illustration d’un ustensile de cuisine ou l’image d’un des animaux de la ferme. Pourfendre l’usage immodéré du sandwich, c’est donc la seule croisade qui vaille d’être menée, de nos jours. Car, celui-ci remplace souvent la convivialité d’un repas pris en famille ou entre amis par une trop riche couche de beurre et une trop grosse tranche de solitude. A méditer, afin que notre société perde de sa déliquescence, retrouve la frite et ait davantage la…patate.
Marie France Poirier