3, rue du Palais

L’adresse abrite un relais de charme annexe de l’établissement mitoyen dans cette rue témoin privilégié de la hauteur de la pensée religieuse et la fougue de l’esprit des lumières dans l’épopée révolutionnaire. Mais il y a aussi étonnant : le résultat de l’esprit pratique faisant alliance avec la recherche. Là s’est produit ce qui fait dire qu’il doit y avoir du génie pour arriver au bout d’une recherche par un résultat, qui après coup, paraît évident. A rez-de-chaussée, est logée ce que le gourmet appelle les cuisines et le professionnel son laboratoire. L’emploi de ce vocable étonne le convive qui, jusque là, considère qu’il faut du doigté, de la sensibilité, du nez et du palais, toutes données qui ne sont pas scientifiques, pour la réussite d’un plat liée au goût de chacun. Or, donc les cuisines du restaurant “Le Pré aux Clercs”, propriété d’Henri Colin, cuisinier de renom, où il cuisine et cherche. Il cherche quel plat nouveau il pourrait inscrire à sa carte, recette pour affirmer son talent, sa différence sur ses confrères. L’on dit que c’est en pensant à un homme politique appelé “le canard” car comme le volatile par temps de pluie, il ne se mouille pas ! Qui dira comment est venue l’idée de faire mariné pendant deux jours, à part le porc, le lard, les foies de volaille en gros dés, et par ailleurs le canard découpé en lanières. Une même marinade faite de vin blanc, d’un bon verre de porto et d’un petit verre de cognac, pendant le même temps, cela ne paraît pas compliqué. La pâte brisée faite avec saindoux, œufs, eau et sel, on farce avec elle, une partie seulement, un moule rond à haut bord. On garnit, en commençant par le fond, d’une couche de farce, puis on dispose un lit de lanières de canard et ainsi de suite, jusqu’au bord. La partie réservée de pâte sert à établir un couvercle que l’on fixe aux bords. Pour avoir une belle teinte dorée, en fin de cuisson, à l’aide d’un pinceau, on badigeonne de jaune d’œuf battu.  On confie le tout pendant deux heures et demi au four, on retire et on fait couler lentement la gelée par la cheminée sur le couvercle dans la “tourte Henri Colin”. L’invention progressive a eut lieu là, tenant le chef en haleine. Le client ne voyait rien et dégustait, mais il y avait le baisser de rideau. M. Colin dans une tenue plus blanche que blanche, toque en tête, entrait en salle pour saluer, avec un mot charmant, chaque convive qui avait l’impression, vraie, d’une représentation réussie.

Dijon et la gastronomie
La cité ducale n’a pas attendu des bâtiments, des phases de développement, enfin la cité de la gastronomie pour être un phare de celle-ci. On pourra collationner, répertorier, inventorier, numériser, on ne mettra jamais en équation le savoir-faire d’une mère, d’une grand-mère. Comment mettre en rayon le jugé, la jugeotte d’une ménagère qui devant des restes de plats trop copieux pour le nombre de convives, sans crier “Eureka”, aura ce trait de génie pour concocter une recette qu’elle ne pourra jamais refaire à l’identique, qui va ravir au prochain repas toute la maisonnée. Dijonnaises, nombreuses sont les recettes, même si elles ne portent point cet adjectif, un exemple type : les escargots, car ils sont à la dijonnaise ou ne le sont pas. Nous avons vu la tourte de canard Henri Colin, le poulet Gaston-Gérard, les rognons à la dijonnaise, les poires belle dijonnaise et tout un florilège pour donner l’eau à la bouche. Il y a les restaurants célébres, hélas disparus, car c’est le chef et sa brigade qui fait d’une simple salle avec tables et chaises, un lieu de ravissement dont l’adresse se confie avec force commentaires. On peut se souvenir du Buffet de la Gare, en gare de Dijon-Ville, célébre tout au long de la ligne Paris-Lyon-Méditerranée. Il y a ceux qui passent les siècles avec des hauts et des bas, comme La Cloche, depuis le XVème siècle avec une apothéose au début du siècle passé qui faisait que la Reine d’Italie s’arrêtait spécialement pour s’asseoir à une table, tout comme le musicien de Saint-Saens. La gastronomie fréquente aussi les foyers. Les dijonnaises ont les gênes d’une cuisine raffinée et subtile, leurs maris une aisance pour le compliment qui réjouit et le doigté pour assortir les vins. Un peu d’histoire fera remonter le temps pour se souvenir de nouvelles tirées du recueil les “Cents Nouvelles Nouvelles” que le Duc Philippe le Bon aimait lire en sortie de table.