La piétonisation en marche

Rendre les centres-villes aux piétons est devenu une politique dominante. La capitale des Ducs de Bourgogne n’échappe pas à cette tendance. Mais qui gagne, et qui perd, à cette mise au pas des cœurs de villes ?
Dans les années 1970, les écolos allemands avaient un slogan radical : « Les m… dans les chiens, les chiens dans les voitures, et les voitures hors des villes ! ». Quelques décennies plus tard, édiles et urbanistes sont en train de leur donner raison, en donnant corps à leur Utopie de villes sans voitures. Deux principes (parmi d’autres) conduisent l’action des politiques d’aménagement des villes : des ronds-points au lieu des carrefours, et des rues piétonnes à la place voies de circulation automobile.

Et Dijon est la nouvelle pierre de choix à ce patient édifice de vaste entreprise, qui érige de nouvelles cités, boutant de plus en plus les voitures, les bus et les engins motorisés de toutes cylindrées en dehors d’hyper-centres (ou d’un castrum, dans notre cas) sacralisés, et entièrement dédiés à la cause pédestre.

Il y a peu encore, on se souvient que des centaines de bus arpentaient lourdement la rue de la Lib’ quotidiennement, en une noria ininterrompue, bruyante et polluante. Et ce qui est redevenue une Place Royale servait il n’y a pas si longtemps de parking aux cars étrangers, attendant moteurs non coupés leurs groupes de touristes. Une autre époque !

Cela a pourtant duré de longues années. Puis il y eut le chantier du tram, salissant, éprouvant. Mais une fois en fonction (sur le pourtour du centre-ville), celui-ci a laissé la place à un centre entièrement piétonnier, créant l’impression un peu irréelle de grand village urbain.

Au train où va cette piétonisation à marche forcée, à quand un hyper-centre élargi et entièrement rendu aux piétons, et qui couvrirait les grandes voies menant aux places dijonnaises, rue Chabot-Charny jusqu’à Wilson, rue Jean-Jacques jusqu’à la « Rép », et puis la rue Jeannin, et d’autres encore !?

Ces nouveaux centres ont bien sûr plus de partisans que d’opposants. Larges terrasses (mais encore leur faut-il le soleil pour se remplir !), rues vidées de leurs véhicules et propices à la déambulation, lenteur instituée, vélos publics filant en silence, bref, cette douceur recherchée comme antipode à la dureté de l’époque se matérialise, et prend corps sous nos yeux et sous nos pieds.
Les commerçants apprécient… ou pas. Car si certaines enseignes profitent de cette nouvelle donne, d’autres déplorent l’évaporation des clients, partis remplir leurs caddies dans les centres commerciaux des zones périphériques, si facilement accessibles en voitures ou en tram, justement.

Quant aux riverains, selon qu’ils possèdent un garage ou pas, ils considèreront différemment ces centres soudain quasi-inaccessibles à des autos diabolisées, alors que le stationnement devient un casse-tête et un poste de dépense. Mais ils boudent rarement leur plaisir, car leur habitat (et leur patrimoine) se trouvent valorisés par la force des choses.
Finalement, les écolos et les touristes jubilent unilatéralement devant ces centres-villes muséifiés, quasi-vidés de CO2, de bruits de moteurs, voyant l’auto mise alternativement à l’amende et au point mort. Et leurs conducteurs au pas, donc.