39 rue des Godrans

A l’adresse, depuis peu, au rez de chaussée, deux commerces dédiés aux épicuriens ouvrent avec la tradition de l’immeuble.
Il faut reconnaître que le plaisir de manger, en prenant son temps, en discutant, en dissertant avec des voisins de table d’agréable caractère n’est pas nouveau à Dijon et dans la province. Le recueil  « Les  cent nouvelles nouvelles » colportées à la cour du Duché ne sont pas tristes, Philippe le Bon lui-même, dirait-on à l’époque ne rechignait pas à faire partager les cartes qu’il affectionnait. Enfin d’agapes, l’échason ayant mené son office, les histoires pouvant devenir lestes comme « comment jouer à la bête à deux dos ».
Anatole France, lors de ses visites au libraire Vernot de la place d’Armes pour demander, à son ami, son avis sur ses travaux en cours a admiré les cuisines ducales. Il s’en souvient et la « Rôtisserie de la Reine Pédauque » en porte les traces : le chef cuisinier sur son haut tabouret commandant les armées de marmitons, houspillant les goûte-sauces mouillant leur lèches de pain sur les marlis.
La scène est roborative.
Donc rien d’étonnant si à l’étage, au 39 rue des Godrans, Mademoiselle Litaut experte exercait, en artiste, son art des bonbons de chocolat. Sur des grandes tables à gibier dans de transparents bocaux de cristal, les productions la chocolatière faisaient de l’œil aux mateurs gourmands. La vedette de ces douceurs était la truffe au chocolat, élaborée à la crème fraîche et que Mademoiselle Litaut retirait de la vente après trois jours, question de fraîcheur. Il faut bien dire que cela n’arrivait jamais ou presque car les clients repartaient dans l’escalier avec leur cornet de bonbons.
Elle travaillait mainte fois son chocolat de couverture dans son laboratoire à côté afin d’obtenir une finesse incomparable du produit. Elle disposait vos achats dans de jolies boîtes de carton décorées de reproductions de gravures du XVIIIème siècle, ou de fines bonbonnières de porcelaine.
Sa renommée avait franchi les frontières de la province, de la France mais, elle ne se vantait pas d’avoir une clientèle de têtes couronnées. Son plaisir se voyait dans ses yeux quand des parents venaient à leurs enfants pour leur parfaire le goût.
Personne n’a pris la suite au grand dam des habitués, mais que les chocolats de Mademoiselle Litaut étaient bons.

DIJON ET LE CHOCOLAT

La renommée du chocolat de Dijon fut double : artisanale et industrielle.
On se souvient avec émotion des parfums subtils s’échappant des boutiques à l’ouverture et à la fermeture des portes par les clients toujours souriants. Des boutiques comme le Chocolat Duthu, rue de la Liberté ; la Maison Decosne, rue des Forges, de Mademoiselle Litaut (voir l’article) qui étaient toujours précieusement décoréesn des bocaux de cristal, des drageoires de porcelaine, des teintes très boudoirs avec moult rechampis. Exit ces boutiques qui, dans leur laboratoires, comme Duthu, importaient les fèves en sélectionnant les lieux de production et les toréfiaient.
Depuis quelques lustres, des boutiques de vente de produits industriels de différentes régions remplacent, si l’on peut dire, nos chocolatiers.
Heureusement, un meilleur ouvrier de France au centre de Dijon et au Japon perpétue la tradition tout comme son confrère , lui aussi au centre ville, avec sa spécialité « la demoiselle de Bourgogne ».
Le chocolat industriel c’était, et même à l’étranger, le chocolat Lanvin et son usine boulevard Carnot, dont par vent du sud, les arômes envahissaient les quartiers Nord. Lanvin et des accroches publicitaires : l’Oiseau Blanc ou Croc’en l’air le gavroche dijonnais, était présent au goûter des écoliers.
Mais surtout Lanvin reste dans l’esprit du public et les cours de communication avec Salvador Dali et le célèbre « Le suis fou du chocolat Lanvin ».

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Rue des Godrans

Longeur 359 mètres
Tenant : Place St Bernard
Aboutissant : rue de la Liberté (coin du Miroir)
Elle porte ce nom sur toute la longueur depuis la délibération municipale du 18 janvier 1831, auparavant, elle était dénomée « rue des Champs » ou des « Grands Champs ».
Contrairement à une certaine opinion les Godrans ne sont pas une spécialité culinaire de la ville. Il s’agit d’une famille qui, sur deux siècles, a donné des personnages qui ont œuvré pour la ville, sa renommée et leurs concitoyens.
Odinet Godran, qui par lègue de ses biens fonde le collège des Godrans (actuellement Bibliothèque municipale) pour l’enseignement des jeunes garçons (1581) Philibert Godran un des otages emmenés, en 1513, par les Suisses quittant le siège de la ville pour retourner dans leur pays.
Chrétien Godran, par deux fois maire de Dijon (1551 et 1555)
Philibert, Jean Godran (1606-1683) auteur d’une « Histoire abrégée des Chevaliers de la Toison d’Or  et des Ducs de Bourgogne ».