Le circuit Dijon-Prenois change de pilote

C’est un virage qui vient d’être pris dans la gouvernance du circuit Dijon-Prenois. Après 17 années de dévouement et de succès en tant que président, Yannick Morizot transmet le flambeau au nouvel actionnaire Vincent Martin, PDG du Groupe Roger Martin. Yannick Morizot explique ses motivations.

Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision de transmettre la présidence ?

« C’est la raison qui préside à cette décision. Et la raison, en toute transparence, c’est l’âge. A un moment donné, il faut savoir passer la main au bon moment même si la passion demeure intacte. Aujourd’hui, je ne suis plus un homme d’avenir. Je suis un homme du présent, le plus longtemps possible j’espère. Derrière cette décision, il y a la volonté d’élargir l’horizon avec l’intégration d’une nouvelle génération. Cette nouvelle génération amènera une nouvelle vision de l’exploitation du circuit pour nous projeter dans le temps.

L’arrivée de cette nouvelle gouvernance, désormais majoritaire dans le capital, et qui a désigné Vincent Martin comme président, témoigne d’une volonté commune de préserver l’ADN de l’entreprise tout en s’inscrivant dans une dynamique de modernisation et d’innovation. Ce changement stratégique vise à renforcer les ambitions du circuit, tant sur le plan sportif que sur les plans économique et environnemental ».

Votre décision s’accompagne d’un mouvement significatif au sein du capital de la société qui gère le circuit. Quels sont les nouveaux actionnaires ?

« Cette décision entraîne l’arrivée de deux nouveaux partenaires dans l’association, dont Vincent Martin qui occupe désormais la présidence. Je suis foncièrement fier et heureux de l’avoir à nos côtés. C’est un chef d’entreprise bien connu qui est à la tête du groupe Roger Martin et qui est également impliqué dans le monde automobile. C’est un passionné que je connais depuis très longtemps et qui a toujours manifesté un intérêt réel et sincère pour le circuit.

La structure du capital du circuit a donc été modifié. Vincent Martin, accompagné d’anciens et de nouveaux associés, est majoritaire dans cette structure. Il était donc naturel qu’il devienne le président. Cette passation s’est faite en parfaite harmonie. Nous voulions vraiment que mon successeur incarne l’esprit régional et les valeurs que nous portons depuis la création du circuit. C’est la continuité que nous recherchions ».

Si vous deviez tirer un bilan de vos 17 années de présidence…

« J’ai pris la présidence en 2006 à un moment où le circuit était dans une situation économique extrêmement délicate avec un modèle de gestion qui n’était pas adapté pour obtenir les résultats permettant de continuer à investir. Notre volonté était de projeter le circuit dans l’avenir. Je rappelle que nous sommes une entreprise indépendante qui ne bénéficie d’aucune subvention. Nous fonctionnons sur nos fonds propres. Les deux premières années ont été très difficiles. Après une période de stabilisation, j’ai embauché un très bon directeur d’exploitation en la personne de Lorenzo Cristofoli. Dès lors, le circuit a pris son rythme de croisière permettant de financer les équipements. Une démarche soutenue par le conseil d’administration et par une équipe de terrain fiable et efficace qui apporte un large concours au succès du circuit Dijon-Prenois ».

La sécurité est une de vos préoccupations majeures ?

« On le sait, la vie d’un homme n’a pas de prix. Nous avons eu de grosses pressions des fédérations automobiles pour la mise aux normes du circuit. D’où la mise en place de travaux très importants dont la longue courbe de Pouas pour commencer. Notre première victoire, elle était là. Nous démontrions que nous avions la capacité financière pour répondre aux exigences des fédérations et de nos clients car n’oublions pas que nous sommes aussi d’une certaine manière des hôteliers ».

Et le DTM est arrivé ?

Les Allemands ont toujours porté un regard intéressé sur le circuit de Dijon-Prenois. L’organisation DTM (1), que l’on voyait sur les plus grands circuits, nous a contactés et 2009 a vu le jour la première édition de cette épreuve. Le résultat financier a été catastrophique. Mais je le dis positivement car cela nous a permis de fixer précisément ce qu’il fallait faire pour accueillir une grosse compétition comme le DTM. Mais quelque part, nous avions tout lieu d’être satisfaits devant le formidable potentiel que représentait cette compétition. Souvenons-nous qu’il y avait une file de voitures ininterrompue entre Prenois et Dijon…

Nous avons refait 3,8 km de piste avec les abords. Tous ces investissements ont été réalisés avec le souci d’y associer une sécurité maximum. Les gens qui nous fréquentent, motards ou pilotes automobiles, sont heureux d’être sur une piste agréable, qui va vite et qui, en même temps, est très sécurisée ».

La présidence, vous auriez pu la transmette avant ?

« C’est vrai. J’aurais déjà pu passer la main en 2014. La structure tournait bien. Les équilibres étaient trouvés et les objectifs financiers remplis. Mais je suis un homme de projets. C’est pourquoi j’ai entamé avec mes amis administrateurs, avec lesquels j’ai toujours travaillé dans la confiance, une réflexion sur notre infrastructure s’inscrivant dans la valorisation de notre capital. Ma proposition était simple : tout casser et recommencer ! En 30 minutes, tout était réglé. J’avais le feu vert pour démarrer les grands travaux avec un autre soutien : celui des banques qui ont toujours été très réactives.

La première phase a concerné l’organisation même, c’est à dire la tour centrale qui allait proposer tous les services possibles -zone médicale, vidéo, chronométrage, speaker… Nous sommes allés dans les détails, avec Lorenzo, jusqu’aux prises de courant. Tous les jours, nous étions présents sur le chantier.

La dernière tranche a démarré en 2019. Quelques mois avant le covid. Nous n’avons heureusement pas été pénalisés comme beaucoup d’entreprises l’ont été. Nous avons redémarré sur les chapeaux de roue avec une occupation incessante du circuit du 5 mai jusqu’à la fin de l’année. Notre organisation et nos moyens de résilience ont fait le reste ».

Et le dernier projet concerne la piste de karting ?

« Oui. Nous allons procéder à une extension de la piste de karting, avec moins de virages, pour pouvoir accueillir des essais de voitures -l’électrique et l’hydrogène sont bien évidemment ciblés- quand le karting ne sera pas occupé. Je précise bien que ce ne sera pas une piste de vitesse mais une piste d’essai. Nous avons l’arrêté préfectoral pour démarrer les travaux. Je peux dire que c’est dans la corbeille de la mariée. C’est un vrai projet de développement qui vient s’ajouter aux 230 jours d’occupation sur une année ».

Quel aura été le meilleur moment de ces 17 années de présidence ?

« Il n’y en a pas un en particulier. Chaque jour passé sur le circuit aura été un bon moment. Vous savez ce qui m’importe, ce n’est pas l’image de Yannick Morizot, c’est l’image du circuit sur lequel vivent de belles passions. L’essentiel, c’est de répondre aux exigences de nos clients et de faire en sorte que nos 180 partenaires soient heureux d’être à nos côtés ».

Vous n’avez eu de cesse de moderniser la structure ? Qu’est-ce qu’il manque aujourd’hui au circuit pour s’adapter aux enjeux de demain ?

« C’est l’affaire du nouveau président dont on sait que c’est un formidable développeur. Une perche lui est tendue avec ce projet d’extension de la piste de karting qui pourra faire la part belle aux technologies nouvelles et à la mobilité ».

La présidence que vous abandonnez au profit de Vincent Martin ne signifie pas pour autant une sortie définitive. Vous occuperez désormais les fonctions de directeur-général. Quel sera votre rôle ?

« Mon rôle ne changera pas en termes de responsabilités et de management au quotidien. Le nouveau président en a décidé ainsi et je suis très heureux de travailler à ses côtés. Mon rôle sera aussi de trouver un successeur dans ces fonctions de directeur général ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre

 

(1) Le Deutsche Tourenwagen Masters est un championnat allemand de voitures de tourisme