Il est d’ores et déjà possible de dresser le bilan du marché immobilier pour cette année et d’esquisser les grandes tendances de 2024. Les prix de l’immobilier au m2 baisseront-ils dans les 12 mois à venir ? Me Nicolas Taiclet, vice-président délégué pour la Côte-d’Or de la Chambre interdépartementale des notaires de la Cour d’Appel de Dijon, fait le point sans oublier de porter un regard sur les prévisions de l’immobilier en 2025.
Avant de dessiner les grandes lignes du marché de l’immobilier en 2025, prenons quelques instants pour faire l’état des lieux du secteur en 2024. Si vous deviez tirer un bilan, quel serait-il ?
« Baisse du nombre des transactions -moins 20 % en moyenne sur l’ancien, moins 50 % en moyenne sur le neuf-. Je vous donne des tendances sur le département de la Côte-d’Or qui ne sont pas très éloignées des tendances nationales. Baisse des prix également. Il y a encore peu, on se montrait étonné que, malgré la baisse du nombre des transactions, on ne constatait pas encore une véritable baisse des prix. Mais, cette fois, nous y sommes. Après une stabilisation qui a fait suite à une forte hausse post-covid, nous observons désormais une baisse généralisée des prix qui touche tous les quartiers de Dijon sauf un ou deux endroits qui sont des épiphénomènes. Dans l’ancien, sur Dijon, on est dans une moyenne de moins 5 à moins 6 %.
Tout récemment, François Sauvadet, président de l’association des départements de France, a rencontré la nouvelle ministre du Logement pour exprimer ses plus vives inquiétudes au regard de cette baisse des transactions et des prix qui a privé les départements de plus de 6 milliards d’euros cette année ».
A votre avis, quelles sont les causes profondes de ce recul ?
« Assurément la forte et rapide augmentation des taux qui, quand ils étaient au plus haut, a privé plus de 40 % des potentiels acquéreurs de la possibilité d’emprunter. Il faut avancer aussi l’augmentation importante des prix qui a également été un frein notoire. Nous étions quand même sur des hausses avoisinant les 10 % dans la période post-covid.
Il est bien évident que la hausse des taux et des prix a eu un effet très dissuasif, notamment sur les primo-accédants dont on sait qu’ils seront les acteurs de l’immobilier de demain.
Je ne voudrais pas, non plus, oublier les investisseurs qui, aujourd’hui, ont une fiscalité sur leurs investissements qui est la plus haute en France. Nous sommes dans les tranches maximum d’imposition sur la plus-value immobilière. Au maximum, 60 % ! C’est une fiscalité que je qualifie de confiscatoire. Dès lors, on peut comprendre ces décisions qui visent à orienter les investissements sur ce qui peut être le moins taxé… ».
Si le marché immobilier semble en meilleure santé qu’en 2023, il ne retrouve néanmoins pas sa forme de post confinement. Pensez-vous que l’on touche à la fin de la crise immobilière, ou celle-ci va-t-elle encore durer ?
« Il y a deux signes positifs. Le premier, c’est la baisse des taux d’emprunt. Au début de cette année, on voyait des taux sur 20 ans qui étaient de l’ordre de 4,5 %. Aujourd’hui, on retrouve des taux qui ont baissé d’un point, voire même un peu plus. Un point en moins va assurément peser sur les comportements des éventuels acquéreurs.
La stabilité des prix a été également un signe positif. Et maintenant que les prix baissent, on peut raisonnablement imaginer une relance des acquisitions pour l’habitation principale. Je vais vous donner l’exemple d’un couple qui a vendu un appartement de 18 m² rue Pierre Paillot, très bien placé entre la place Darcy et la gare. Un appartement loué 330 € par mois. Ces gens ont reçu la taxe foncière 2024 qui dépasse les 900 €, soit quasiment trois mois de loyer. Comment dire « investissez dans l’immobilier » et, dans le même temps, savoir que le premier trimestre de loyers va être absorbé par la taxe foncière ? A cela vous rajoutez les charges de copropriété, les assurances… Et si vous êtes dans les plus hautes tranches d’imposition, ce que vous allez gagner en net sera taxé à 60 %…
Et sur le neuf ?
« Je n’ai pas de boule de cristal… C’est très compliqué. Sur une année, les transactions ont chuté de 50 % et les prix, eux, ont augmenté de 6 %. En l’état actuel des choses, la relance me semble compromise sauf à ce qu’il y ait de nouvelles incitations à l’investissement locatif. J’ai le sentiment que ce n’est pas à l’ordre du jour dans le projet de loi de finances ».
Finalement, des besoins élevés en logements et des prix qui baissent, c’est plutôt une bonne nouvelle ?
« C’est une bonne nouvelle nuancée par les Départements qui demandent de l’aide. Je viens de vous dire que la baisse des transactions et des prix avait privé les départements de plus de 6 milliards d’euros cette année. A cela vous ajoutez 5 milliards de dépenses en plus en 2025… D’où cette petite musique qui se fait insistante et qui laisserait supposer que les frais de notaire augmenteraient. Le taux de taxe départementale sur une acquisition immobilière passerait de 4,5 à 5,5 %. C’est typiquement français. Quand vous avez 20 % de transactions en moins sur l’ancien qui privent les départements de 6 milliards de recettes, plutôt que de s’interroger sur les causes réelles de cette baisse, on préfère taxer un peu plus… ».
Malgré tout, peut-on encore affirmer que l’immobilier est un investissement sûr et stable, malgré la crise ?
« Oui. Je pense quand même que cela reste, dans l’ancien, un investissement concret qui reste encore attractif. On a des gens qui achètent pour louer et qui trouvent des locataires rapidement avec des taux de rentabilité brute de 5 à 6 %. Avec l’espoir d’une plus-value au bout de quelques années. Dans l’ancien, on est à 2 520 € du m². Même si vous mettez 1 000 € par m² dans une opération de rénovation, déjà vous pouvez les déduire de vos revenus fonciers dans un cadre locatif, vous arrivez à un coût de revient à 3 500 € du m².
Dans le neuf, c’est différent. Le prix moyen du neuf sur Dijon est de 4 640 € avec des pointes à 5 500 €. On est même à 5 840 € du m² sur programme dans le quartier Jouvence ».
Qu’est-ce qui vous interpelle le plus dans les statistiques que vous réalisez chaque trimestre ?
« Ce qui est surprenant, même si on s’y attendait depuis un certain temps, c’est la baisse généralisée. Une baisse homogène, y compris sur des quartiers que l’on pensait préservés. Sur le quartier Parc, sur les maisons anciennes, on constate une baisse de 18 % sur les prix de vente. Dans le quartier Jouvence, plutôt pavillonnaire, nous sommes à moins 12 %. A Fontaine-lès-Dijon, moins 12,5 %.
Pour les appartements anciens, c’est un peu moins flagrant. Dans le quartier Pouilly-Toison d’Or, on est à moins 7 %. A Montchapet, on est à moin 5,2 %. Pour autant, à Longvic, on constate une baisse de 20 %. C’est Montmuzard qui tire son épingle du jeu avec plus 2 % ».
En marge des taux d’emprunt, le logement et l’immobilier restent coincés entre le marteau de l’expectative et l’enclume d’un nouveau gouvernement dont on connaît la fragilité… La nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard, a promis de se concentrer sur trois objectifs majeurs : améliorer le pouvoir d’achat immobilier des ménages, relancer les projets de construction et optimiser la rénovation énergétique. Pour vous, ces objectifs sont-ils suffisamment ambitieux et sont-ils de nature à remodeler le paysage immobilier français ?
« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent… La relance de la construction, on en parle depuis des années et des années. Depuis trop longtemps. A Dijon, beaucoup de programmes sont à l’arrêt. Des promoteurs tentent de vendre en bloc… Avant de relancer la construction, il serait bon de prendre des mesures pour finir celles qui sont commencées et qui, pour certaines, sont dans l’impasse. On a besoin déjà d’une ou deux mesures concrètes. La rénovation énergétique, c’est très bien. C’est un enjeu environnemental et économique. Mais si vous êtes dans une copropriété, le diagnostic de performance énergétique va vous dire que pour améliorer les choses, il faut isoler par l’extérieur et installer des pompes à chaleur… Vous allez faire comment ?
Quant à l’amélioration du pouvoir d’achat immobilier des ménages, était-il utile d’augmenter la taxe pour le département d’un point ? De 8 % de frais de notaire, on va passer à 9 %. C’est cela l’amélioration du pouvoir d’achat ? ».
Qu’est-ce qu’on trouve précisément derrière le terme « frais de notaire » ?
« Les notaires encaissent et reversent une bonne partie. Grosso modo, dans les frais de notaire, vous avez déjà un taux de quasiment 6 % qui représente les taxes de publicité foncière au sens large – la taxe départementale, la taxe communale, les frais d’assiette et de recouvrement, la contribution de sécurité immobilière… Ensuite, on va être très transparent, l’étude notariale, c’est environ 0,8 % hors taxe du prix de vente. Généralement, il y a deux notaires et on se partage donc cette rémunération. Ensuite, il y a des frais de formalités qui s’élèvent entre 500 et 800 € hors taxe. Ce sont les demandes d’état civil, de casier judiciaire, de situation de surendettement, de relevés hypothécaires, d’urbanisme… ».
La loi Pinel, cette niche fiscale d’aide à l’investissement locatif va tout simplement disparaître à la fin de l’année 2024. Toutefois, des propositions de transition sont à l’étude au gouvernement pour continuer à soutenir les propriétaires souhaitant acheter pour louer. Si vous aviez un conseil à donner au gouvernement, quel serait-il ?
« Déjà de mettre en place, sur la fiscalité, ce que M. Macron a eu la bonne idée de faire sur l’investissement mobilier. Mettre en place un taux forfaitaire, comme la flat taxe, par exemple. Là, on n’est plus sur les mêmes taux fiscaux. Qu’est-ce qui justifie que quand on investit en Bourse, on est taxé à 30 % sur les produits qu’on reçoit et, dans l’immobilier, on peut être taxé deux fois plus ? Et pour relancer le neuf, il faut remettre en place des incitations à l’investissement ».
L’extension, annoncée par le Premier ministre, du PTZ à tout le territoire pourrait permettre d’aider un grand nombre de primo-accédants…
« Quand une mesure est bonne, il faut le dire. C’est une bonne mesure. Il y avait déjà eu un assouplissement avec un précédent ministre du Logement. C’est un outil formidable pour les primo-accédants ».
Pour les candidats à l’achat qui ont un projet en cours, conseillerez-vous de sauter le pas sans tarder face aux incertitudes qui pèsent sur les orientations économiques de notre pays et, par ricochet, sur la conduite des taux d’emprunt, pour l’heure favorables ?
« Les taux d’emprunt sont favorables et la tendance à la baisse ne devrait pas être contrariée à en croire la BCE. Aujourd’hui, dans ces conditions, entre un loyer et des échéances d’emprunt, il n’y a pas forcément de grandes différences. Autant payer pour être propriétaire plutôt que de rester locataire.
L’immobilier, il faut toujours le voir comme un investissement à long terme. Les crises sont cycliques. La dernière remontait à 2008. On s’en est sorti. Celle que nous subissons est apparue après le Covid. Elle est beaucoup plus longue et plus importante que celle de 2008. La baisse des taux, la baisse des prix, le prêt à taux zéro… amènent un vent d’optimisme quant à la reprise du marché immobilier dans l’ancien. Sur le neuf, je ne vois pas comment, avec la différence de prix entre neuf et ancien, une éclaircie peut apparaître ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre