Le marché immobilier dijonnais sous la loupe des notaires

Si le marché immobilier français témoigne d’une tendance généralisée à la baisse, la situation est différente sur la métropole dijonnaise qui résiste plutôt bien pour tout ce qui touche à l’ancien. Car du côté des logements neufs, la crise s’installe durablement au point de nourrir de réelles inquiétudes. Explications avec Me Nicolas Taiclet, vice-président des notaires de la Côte-d’Or.

Les prix immobiliers se contractent en France, mais le plus inquiétant, c’est que cette tendance pourrait s’amplifier. La pierre n’est-elle pas en train de dévaler la pente ? 

« Il faut déjà remarquer que chaque région a ses différences, ses disparités. Nos statistiques le démontrent. La contraction des prix se constate surtout sur les endroits où les augmentations avaient été les plus fortes. Si on porte notre attention sur la Côte-d’Or, on remarque une petite baisse qui se poursuit avec, cependant, sur certains secteurs, des hausses relativement importantes. Nous n’avons donc pas, dans notre région, une tendance à l’effondrement qu’on aurait pu craindre. Un effondrement lié à la hausse des taux, au ralentissement du marché, au ralentissement économique… Je préfère évoquer un ajustement des prix par rapport à l’offre et à la demande ».

L’instabilité politique dans laquelle nous sommes entrés depuis la décision du président Macron de dissoudre l’Assemblée nationale est-elle de nature à plonger un peu plus l’immobilier dans la crise ?

« L’instabilité politique n’est jamais bonne, d’une manière générale, au point de vue économique. Et, forcément, l’immobilier est à même d’être aussi impacté. On voit déjà que les taux d’intérêts des prêts consentis à la France augmentent. La différence, sur ce sujet, que l’on peut constater entre l’Allemagne et la France s’est accrue. La bourse a dévissé. Quelle va être la tendance sur l’immobilier dont on sait qu’il est soumis à une certaine lenteur, une certaine inertie, avant de réagir ? Cela va bien évidemment dépendre de la durée de cette instabilité politique. Si les prochaines élections législatives donnent une majorité avec des coalitions qui pourraient se dessiner, il n’y aura pas forcément d’impact particulier sur le secteur. Par contre, si l’instabilité s’installe dans le temps, l’immobilier sera inévitablement touché ».

Qu’est-ce qui vous amène, malgré tout, à exprimer un optimisme prudent concernant l’évolution du marché immobilier dans les prochains mois. Le rebond est-il vraiment possible ?

« L’investissement immobilier s’appuie toujours sur le long terme. La pierre reste quand même un refuge. La stabilité des taux que l’on constate depuis plusieurs mois, voire même une petite baisse de ces taux depuis quelques semaines, permettent de renouer avec des prêts d’une durée de 25 ans en dessous de 4 %. On retrouve ainsi des primo-accédants dans nos études. De son côté, la BCE a annoncé une baisse de ses taux directeurs pour l’été. C’est plutôt une bonne nouvelle. Voilà pourquoi nous restons malgré tout optimistes ».

Et puis, par principe, un notaire cultive toujours l’optimisme ?

« Pour ce qui me concerne, c’est dans ma nature. J’ai toujours préféré le verre à moitié plein au verre à moitié vide… ».

Quelles mesures faudrait-il pour relancer ce secteur d’activité mal en point ?

« La remise en place de mesures incitatives pour les investisseurs relève d’une impérieuse nécessité. Un programme de défiscalisation coûte certes de l’argent à l’Etat mais l’investissement immobilier rapporte. S’il existe des mesures de défiscalisation depuis des décennies, c’est que, forcément, l’Etat, les collectivités locales s’y retrouvent à un moment ou à un autre. Les budgets représentés par les droits de mutation sur les ventes immobilières sont loin d’être neutres pour le Conseil Départemental.

Je pense qu’il faudrait atténuer les normes énergétiques et c’est une bonne chose que d’avoir envisagé une réforme du DPE pour les petites surfaces qui représentent la majorité des investissements. Ensuite, il me semble important de maintenir la pression sur les banques pour qu’elles prêtent plus facilement aux primo-accédants ».

Justement, après avoir subi une forte augmentation en 2023, les taux de crédit immobilier sont tombés sous la barre des 4 %. Pensez-vous que cette baisse va s’installer dans la durée ?

« Nous n’avons pas de boule de cristal mais on l’espère. Il faut mettre en avant les signaux positifs : la stabilisation des taux dont il faut rappeler qu’ils ont été multipliés par 4 en l’espace de 2 ans, qui redonne de la confiance aux investisseurs et aux ménages. Il ne faut pas se faire d’illusion : des taux inférieurs à 1 %, complètement déconnectés de la réalité, on ne les reverra plus jamais ».

Comment se comporte le marché immobilier dijonnais ?

« Le marché immobilier à Dijon poursuit sa phase de stabilité et d’ajustement. Pour les ventes d’appartements anciens, pour la période avril 2023 – mars 2024, la tendance est à – 1,6 %. Sur 12 mois, on voit bien que la baisse des prix est très limitée dans un contexte de baisse des volumes de transactions (- 15 %). On constate encore et toujours des inégalités entre les quartiers. On est à + 2,3 % pour le centre nord (Montchapet, Victor Hugo), + 2,3 % également pour le sesteur Parc, + 0,5 % pour le Bourroches, + 2,1 % pour le quartier de l’ancien hôpital, dans l’environnement de la Cité de la Gastronomie, + 2,8 % pour Les Perrières… Par ailleurs, on est à – 0,1 % pour Jouvence-Drapeau, – 1 % à Pouilly… On est loin des hausses de la période post-covid ».

Et dans la Métropole ?

« La baisse des prix est plus accentuée sur la Métropole que sur le centre dijonnais, mais cela est quand même assez hétéroclite. Il y a un certain nombre de communes qui dévissent. Vous avez d’un côté, les valeurs sûres communes comme Fontaine-lès-Dijon (+ 4,3 %), Talant (+ 8,5 %). Du côté des communes qui faiblissent, je citerai – 3,4 % à Saint-Apollinaire, – 4,1 % à Quetigny, -3,3 % à Longvic, – 6,1 % à Chenôve… ».

Vous venez d’évoquer les prix pour les appartements anciens. En va-t-il de même pour les maisons anciennes ?

« Pas toujours et les surprises, bonnes et mauvaises, ne manquent pas. Au niveau des prix, on est à – 1,9 % sur l’ensemble de Dijon, – 0,6 % sur Jouvence-Drapeau, – 6,7 % pour Maladière qui était un quartier qui, jusqu’alors, résistait plutôt bien. Chevigny-Saint-Sauveur continue de dévisser avec – 11,5 % et il est surprenant de voir des baisses à Talant (-5,5 %) et Saint-Apollinaire (-5,6 %). Les bonnes surprises, ce sont, entre autres, + 14 % sur le quartier Parc, + 15,5 % pour Montchapet, + 12,2 % pour les Poussots, + 5,5 % à Marsannay-la-Côte… ».


Du côté de la construction neuve, peut-on dire que nous vivons une crise majeure du logement ?

« Sur le neuf, c’est effectivement une crise majeure. Bon nombre de mes confrères m’ont confirmé n’avoir rien rentré ou presque ces derniers mois. Autant j’affiche mon optimisme pour l’immobilier ancien malgré une baisse significative en certains endroits de la Métropole, autant j’exprime mon inquiétude sur le neuf où l’on ne constate pas de reprise malgré la stabilité et la baisse des taux d’emprunt.

Sur Dijon, nous avons eu 362 transactions dans le neuf sur un an. Cela ne fait même pas une transaction par jour. Il faut reconnaître que le prix moyen du m2 reste important à 4 880 € contre 2 500 € du m² pour l’ancien. On passe du simple au double ! Quand il y a de la défiscalisation derrière, l’acquéreur sait qu’il amortira en partie le coût de l’investissement sur la durée. Mais il n’y a plus de programmes de défiscalisation… ».

Comment expliquer cette situation ?

« Déjà par le coût du foncier. Dans Dijon, pour trouver des terrains à bâtir, les promoteurs sont contraints le plus souvent d’acheter des maisons pour lancer leurs programmes de logements neufs. Il y a aussi toujours l’impact de la hausse des matières premières sans oublier les normes éco-environnementales toujours plus contraignantes.

Dans le quartier Jouvence-Drapeau, sur les 173 transactions -pratiquement la moitié des transactions à Dijon sur une année-, on est à 5 400 € du m². A Chenôve, on est à 3 700 € du m². Quand on voit ces prix-là, il est légitime de nourrir des inquiétudes… ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre