Après l’euphorie immobilière post-covid, l’année 2023 aura nettement marqué le pas en termes d’activité immobilière. Pourtant, les chiffres ne sont pas aussi mauvais qu’on pouvait l’imaginer à Dijon et sur la métropole. Explications avec Nicolas Taiclet, vice-président délégué pour la Côte-d’Or de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Dijon.
Peut-on dire que 2023 a été une mauvaise année pour le marché immobilier ?
« Incontestablement, oui. Le volume des ventes a fortement baissé en Côte-d’Or. Entre les appartements sur Dijon et les maisons dans le départements, on constate une dégradation des volumes entre 19 et 26 %. Ce qui est, reconnaissons le, énorme ».
Quelles sont les tendances majeures que vous observez aujourd’hui sur le marché immobilier de la Métropole dijonnaise ?
« Nous vivons une situation très surprenante avec une baisse des volumes qui ne s’accompagne pas d’une baisse des prix. Nous avons à notre disposition les chiffres de 2023 qui soulignent une petite augmentation en moyenne des prix que ce soit sur Dijon, sur la métropole ou sur la Côte-d’Or ».
Cette situation pour le moins inattendue, la retrouve-t-on dans les autres départements ?
« La Côte-d’Or a toujours bénéficié d’un marché qui échappe à la spéculation. On est bien loin des grosses variations de prix que l’on trouve dans les marchés de niche, dans les grandes métropoles, la région genevoise, la Côte-d’Azur, le Sud-Ouest… Quand cela baisse très fort ailleurs, la Côte-d’Or résiste. Et quand cela monte beaucoup ailleurs, les prix augmentent de façon raisonnable en Côte-d’Or. Depuis que je suis notaire, j’ai toujours connu cela ».
La situation du marché immobilier en 2023 a été marquée par une baisse notable des transactions. Cette situation va-t-elle perdurer ?
« C’est difficile à dire. Le marché de l’immobilier, c’est un peu comme la météo. Les prévisions ne sont pas toujours fiables. On observe chez nos confrères, depuis le début de l’année, une hausse des signatures de compromis. 2023 ne nous avait jamais réservé ces bonnes surprises. Est-ce que ce sont les premiers signes tangibles d’une reprise que nous annoncent des experts pour la fin du printemps et le début de l’été ? Je pense sincèrement que c’est encore un peu tôt pour l’affirmer même si certains indices semblent aller dans le bon sens ».
La baisse des transactions impacte-t-elle les prix de l’immobilier au m2 et dans quelle proportion ?
« D’une manière générale, non. Nous n’avons pas la baisse que nous attendions. On peut le voir dans les tableaux que vous publiez dans votre journal. En Côte-d’Or, sur une année glissante, c’est une hausse, pour les appartements anciens, de 1,2 % en Côte-d’Or et 0,9 % pour Dijon. Nous sommes évidemment très loin des hausses enregistrées ces années dernières ».
Cette baisse des transactions a également impacté l’activité des notaires. Certaines études n’ont pas eu d’autres choix que de procéder à des licenciements de personnels. Est-ce que cela a été le cas en Côte-d’Or ?
« A ma connaissance, il n’y a pas eu de licenciements secs en Côte-d’Or. Ce qui n’a pas été le cas dans certaines études, dans des grandes métropoles où plusieurs dizaines de licenciements ont été engagés. Ces chiffres-là, nous en disposons à la différence des non-renouvellements de contrats de stagiaires ou de postes, des ruptures conventionnelles qui ne sont pas portés à notre connaissance. Ce qu’on sait aussi, c’est que de nombreux stagiaires ne se sont pas vus proposer de CDI. Pour preuve, un de nos confrères côte-d’orien qui a fait passer une annonce pour recruter un clerc, a reçu plus de 80 candidatures… ».
Quels sont les quartiers de Dijon qui s’en tirent le mieux dans votre dernière étude ?
« Dijon nord où l’on constate une hausse de 5 % sur les prix de vente d’appartements anciens, les Bourroches avec + 4,3 %, Les Perrières avec + 4,3 %, Jouvence avec + 4 %, quartier Pouilly avec + 5 % ».
Et ceux qui s’en tirent le moins bien ?
« En moyenne, sur les appartements, nous constatons des hausses dans les prix à peu près partout. A l’exception des Grésilles (- 6,6 %), Chevigny-Saint-Sauveur (- 4 %), Quetigny (- 4 %) ».
Et dans les villes de la Métropole ?
« Fontaine-lès-Dijon (+ 5 %), Longvic (+ 8 %), Talant (+ 6,2 %). Ce n’est pas une surprise car ces communes figuraient déjà en bonne position dans notre dernière étude ».
Avez-vous remarqué des tendances particulières en termes de types de biens recherchés par les acheteurs à Dijon ?
« Ce sont les biens dont l’emplacement garantit une stabilité des prix même en cas de crise. On les trouve dans les quartiers périphériques du centre ville (Montchapet, Victor Hugo…). A cela, il convient de rajouter les biens avec une performance énergétique correcte. Aujourd’hui et encore plus demain, un appartement classé G sera très compliqué à vendre. L’étiquette énergétique fait désormais pencher la balance. Et une étiquette énergétique en dessous de E impose immédiatement une défiance ».
Les biens immobiliers situés le long du tram sont-il toujours autant recherchés ?
« Le tram constitue indéniablement une attractivité ».
A votre avis, sera-t-il toujours intéressant d’investir dans l’immobilier dans les prochains mois ?
« Oui. L’immobilier est un investissement à long terme. Sur 15 à 20 ans, on voit que la valeur de l’immobilier progresse. Cela reste un placement refuge. Il faut maintenant espérer un assouplissement, une amélioration de la législation sur l’investissement locatif. Il serait vraiment temps que les pouvoirs publics comprennent que ce n’est pas en tapant sur les bailleurs à coup de fiscalité qu’on va faire reprendre le marché de l’immobilier. Cette fiscalité dissuadent les investisseurs de se lancer dans des acquisitions immobilières ».
Comment se comporte le marché du neuf ?
« Le marché du neuf est à l’arrêt, bloqué par une concordance d’éléments défavorables. On peut citer, par exemple, les contraintes environnementales qui augmentent le coût de la construction, la hausse du coût des matériaux suite à la crise sanitaire puis à la guerre en Ukraine, mais aussi la hausse des taux d’intérêt qui limite d’autant les capacités de financement des éventuels acquéreurs ».
Est-il vrai que le marché du neuf pâtit de difficultés endémiques avec une offre de logements en baisse constante ? Ne serait-ce pas plutôt la hausse des taux d’intérêts qui dissuade les potentiels acheteurs ?
« Il y a un peu de tout cela. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a un vrai besoin de logements neufs. C’est une réalité. La fédération des promoteurs immobiliers estime qu’il faudrait construire 449 000 logements pour répondre aux besoins des Français. Pour autant, les logements neufs n’arrivent pas à se vendre. Dans notre région, l’offre est importante avec d’importants programmes en cours. Des programmes qui ont du mal car les prix ont augmenté de + 5 % sur la Côte-d’Or et de + 16,6 % avec une moyenne de 4 830 € au m². Dans le quartier Jouvence, par exemple, le neuf, c’est 5 360 € le m² !
En plus de cette hausse des prix, les taux d’intérêt ont fait très mal. Historiquement bas, ils ont connu une remontée à grande vitesse sur l’année 2023. N’oublions pas l’accès au crédit bancaire qui reste suspendu à des conditions parfois insurmontables… Tout cela explique l’effondrement du marché du neuf ».
Quelles sont les nouvelles règles d’octroi des crédits immobiliers ?
« Les règles, elles n’ont pas changé. Ou presque. Il est question désormais d’un « droit à la deuxième chance » pour des acquéreurs potentiels qui ont déjà essuyé un refus de prêt. On entend parler d’un peu plus de bienveillance cette fois dans le nouvel examen du dossier…
Le Premier Ministre, dans son discours de politique générale, fin janvier, a souhaité un « choc » dans l’immobilier avec une simplification au niveau de la performance énergétique. On attend… Simplification de la construction : on attend également… Une réforme pour simplifier l’accès au crédit : on attend la réforme…
On constate cependant un assouplissement du prêt à taux 0. Pour moi, ce sont des effets de manche. Ce n’est pas ce qui fera repartir le marché de l’immobilier. Et reconnaissons que les dispositifs d’aides à l’achat sont insuffisants ».
A votre avis, quelles sont les clés pour réussir son achat immobilier en 2024 ?
« L’emplacement, la qualité du bien, la performance énergétique… Et surtout partir sur un investissement à long terme ».
Au-delà de 2024, certains prévoient une stabilisation des prix de l’immobilier en 2025, voire une légère reprise. Les notaires partagent-ils cet optimisme ?
« Quand on voit les chiffres, on s’aperçoit que la stabilité, nous l’avons déjà sur 2023. Franchement, il m’est difficile de m’engager sur ce qui pourrait se passer en 2024. Le bon indice que je mettrais volontiers en avant, c’est la stabilisation des taux d’intérêt. Le marché de l’immobilier doit maintenant digérer cette hausse phénoménale des taux d’intérêt que l’on a subie ces deux dernières années. Du côté des banques, souhaitons un assouplissement dans l’octroi des crédits immobiliers ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre