Bruno Ciarrochi : Le champion, c’est lui !

C’est un anniversaire qui est passé totalement inaperçu. Comme si l’immense exploit de Bruno Ciarrochi un samedi pluvieux d’octobre dans un Wembley Hall plein comme un œuf, à Londres, était tombé dans les oubliettes du sport local. Pourtant, ce 22 octobre 1983, c’est ce jour-là qu’ont sonné les trompettes et résonné les tambours Dijon fêtait son premier champion du monde !

Allez, réfléchissez un peu… 1983, ça vous parle ? Cette année-là comme le chantait si bien Claude François, le professeur Luc Montagnier découvre le virus du sida, Peugeot lance sa 205… Côté sportifs, Yannick Noah remporte Roland-Garros, le PSG la coupe de France de foot -sans le Qatar-, Laurent Fignon le Tour de France, Nelson Piquet le championnat du monde de F1… et Bruno Ciarrochi le championnat du monde de kickboxing.

C’était le 22 octobre 1983 dans cette antre de la boxe qui a vu se dérouler tant de combats prestigieux que le champion dijonnais déjà tout auréolé de nombreux titres de champion de France et d’Europe ne fêtait pas la sainte Elodie mais son premier titre de champion du monde dans la catégorie des plus de 91 kg. Une couronne acquise face à l’Allemand Manfred Vogt, corrigé en moins de deux rounds. La ceinture de champion du monde, Bruno Ciarrochi la remportera à deux autres reprises : en 1985 à Budapest et en 1988 à Paris. Deux combats gagnés également par KO.

Création de SIG

Le temps a fait son travail. Il a creusé les joues, alourdi la silhouette. Pour autant, les souvenirs sont toujours là. En vrac, inoubliables. « A cette époque là, j’étais portier de boîte de nuit. Pour me rencontrer, il valait mieux vaut être noctambule. Je travaillais lorsque tout le monde, ou presque, dormait et je me levais au moment où chacun s’apprêtait à reprendre le travail après la pause déjeuner. Je m’entraînais tous les jours. Durement ».

La suite, en accéléré. Sous la pression amicale et affectueuse de ses patrons, celui que ses intimes surnomment Nino, crée une société de gardiennage et de surveillance, la SIG. Seul dans un bureau, avec une table et un téléphone, il se découvre une nouvelle passion : chef d’entreprise.

La SIG compte aujourd’hui 400 salariés et sa réputation a très largement dépassé le cadre régional. Car ce sportif tout feu tout flamme est tout sauf un homme dispersé. Il ne fait rien à moitié quand il s’agit de son travail. Qui ne se plaît que dans l’exigence. Vous ne le verrez jamais porter le costume cravate qui sied aux hommes d’affaires. Il ignore les couleurs criardes et porte cette neutralité vestimentaire comme un signe extérieur d’œcuménisme.

Bruno Ciarrochi : un nom comme un emblème, comme une raison sociale, comme une marque déposée. Un nom qui ne disait rien à personne en 1983 et qu’il a imposé, à partir de rien et pour tout le monde. Très peu de week-end, des vacances souvent passées dans le périmètre de son entreprise pour être prêt à rentrer au triple galop sur Dijon à la moindre alerte. Car il a la (bonne) manie d’être sur tous les fronts avec son sens aigu de la formule qui désarçonne souvent ses interlocuteurs.

Bruno Ciarrochi a conservé cette mentalité de champion du monde. C’est un garçon simple, loyal et droit comme il s’en rencontre peu. Il y a chez lui quelque chose d’humble et d’équilibré. Les mains dans le charbon et l’intelligence aux aguets, il sait s’en tenir à des idées simples et efficaces. Sa réussite professionnelle, il ne la brandit pas comme un champion soulève sa ceinture mondiale devant le public. A 64 ans, il ne recherche toujours pas la lumière. Sans la fuir, il s’en accommode, la supporte, mais la laisse volontiers aux autres. Il est comme ça Nino et on ne le changera pas.

Jean-Louis Pierre