Le temps sec, chaud et venteux ainsi que l’absence de précipitation ces dernières semaines ont impacté les débits des cours d’eau justifiant ainsi de placer l’ensemble du département en vigilance. Antoine Hoareau, maire-adjoint de Dijon, vice-président de Dijon Métropole en charge de l’eau et l’assainissement, et président d’Odivea évoque cette situation préoccupante.
Comment avez-vous réagi après la décision du préfet de placer le département de la Côte-d’Or en situation de vigilance sécheresse et d’inviter la population à économiser l’eau ?
« Il est important de souligner que cette décision a été prise de manière concertée à partir de données scientifiques. Dans le cadre d’une réunion du comité départemental ressources en eau dans lequel siègent l’ensemble des services de l’Etat concernés par la situation hydrologique, l’ensemble des syndicats de bassin, les collectivités dont bien évidemment Dijon Métropole, ainsi que la Chambre d’Agriculture et le syndicat des irrigants, le préfet a proposé que l’ensemble du département soit placé en situation de vigilance. Une situation qui n’entraîne pas de restrictions sur l’usage de l’eau mais une démarche de communication en direction des usagers, en particulier les habitants du territoire pour les sensibiliser à la gestion de l’eau ».
Êtes-vous inquiet ?
« C’est assez inquiétant et c’est une bonne chose de prendre dès maintenant les bonnes dispositions. Quand on regarde les courbes, on s’aperçoit qu’on est sur des tendances à la baisse pour l’ensemble des cours d’eau du département. On constate en Côte-d’Or, depuis un certain nombre de semaines, une diminution importante des débits des cours d’eau et notamment quatre d’entre eux qui ont franchi le premier seuil de vigilance. Malheureusement, nous ne sommes que début juin quand l’arrêté est pris. C’est très tôt dans la saison. C’est dû à la situation météorologique que l’on a connue cet hiver, avec des mois particulièrement secs qui n’ont pas permis de recharger les nappes phréatiques et maintenir les débits des cours d’eau. Et quand la pluie est revenue fin mars – début avril, c’est la végétation qui en a largement profité ».
Après une sécheresse hivernale inédite en février et des pluies trop faibles au mois de mars, la situation des nappes phréatiques en France est inquiétante. Il en est donc de même en Côte-d’Or…
« Nous avons différentes typologies de ressources : des ressources liées à des sources -Suzon et Morcueil-, des ressources liées à des nappes. Celle de Dijon Sud ne s’est pas rechargée suffisamment cet hiver. Celle de Poncey-les-Athée, dans la nappe alluvénaire de la Saône, est dans une situation moins dégradée et devrait nous permettre une alimentation normale en eau potable durant l’été. Mais la vigilance s’impose sur la manière d’utiliser l’eau ».
Pourrait-on imaginer à terme des conséquences sur la consommation de l’eau au robinet ?
Aujourd’hui, on n’en est pas là. Nous avons des capacités de production qui nous sécurisent par rapport à nos besoins. Sur la Métropole, par exemple, pour l’ensemble des usages, 50 000 m3 sont nécessaires au quotidien et nous avons des capacités de prélèvement qui sont largement supérieures à ces besoins. Néanmoins quand on est dans les périodes les plus tendues, il faut qu’on ait conscience de la nécessité d’être économe ».
Quels sont les petits gestes utiles et nécessaires pour limiter sa consommation d’eau ?
« Un exemple très simple : un bain, c’est 150 litres d’eau. Une douche ouverte pendant qu’on se savonne, c’est 60 litres. Quand elle est coupée pendant qu’on se savonne, c’est 20 litres. Voilà une économie très concrète. On peut aussi installer des mousseurs sur les robinets qui vont limiter la consommation jusqu’à 50 %. Quand on lave des légumes, on garde l’eau et on la réutilise pour arroser les plantes ou les fleurs. On peut avoir l’impression que c’est dérisoire mais le dérisoire multiplié par le nombre d’habitants, ça peut engendrer beaucoup, beaucoup d’économie ».
Ce n’est pas la première fois que vous prodiguez de tels conseils à la population. Avez-vous déjà ressenti des effets positifs ?
« Absolument. On le constate au quotidien. La consommation individuelle d’eau tend à diminuer. Là où on était il y a une quinzaine d’années à 120 m3 par an pour un foyer, on se rend compte aujourd’hui qu’on est plutôt entre 95 et 100 m3. On voit bien que les gens font des efforts et on ne peut que s’en réjouir. La collectivité porte également une responsabilité en particulier sur la fuite dans les réseaux. C’est bien si chacun veille à ce qui s’écoule de son robinet, c’est encore mieux si toute l’eau qu’on prélève arrive dans les meilleures conditions dans les foyers sans fuites en amont.
Sur Dijon Métropole, nous avons aujourd’hui un taux de rendement qui est de 85 % alors qu’il était de 75 % il y a quinze ans. Nous visons les 91 % à l’horizon 2030. Chez Odivea, nous avons une équipe totalement dédiée à la recherche de fuites et nous avons mis en place la télé-relève pour que les particuliers puissent détecter s’ils ont une fuite chez eux ».
C’est d’autant plus important de consentir ces efforts quand on sait que cette eau qu’on consomme est 32 fois plus économique que l’eau qu’on achète en bouteille…
« Quand vous achetez de l’eau en bouteille, vous allez payer entre 120 et 150 € les mille litres. Nous, on vend l’eau du robinet à 3,70 € les mille litres. L’eau du robinet, elle est bonne, elle est saine, elle est de qualité et elle n’est pas chère. Et c’est le bien de consommation alimentaire le plus contrôlé ».
C’est à dire ?
« Nous pratiquons des analyses quotidiennement. En 2022, on a fait, uniquement sur le réseau de Dijon Métropole, 747 analyses. C’est à dire deux par jour. 431 sur les paramètres microbiologiques et 316 sur les paramètres physicochimiques. J’ajouterai également que l’eau est économe au niveau de l’empreinte carbone. Quand vous achetez une bouteille d’eau en plastique, à la fin vous avez un déchet qui va être consommateur en énergie pour son traitement et son recyclage. Sans compter sa fabrication, son transport… »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre