Bilel Latreche : « Je ne vais pas à Bangkok pour faire du tourisme »

Heureux qui comme Bilel va faire un beau voyage... pour tenter de conquérir la toison et puis s'en retourner, plein d'usage et raison, vivre entre sa famille et ses amis... Si le célèbre poème « Heureux qui comme Ulysse » -quelque peu maltraité- de Joachim du Bellay traite le thème du voyage dans un registre à la fois lyrique et élégiaque, il en sera tout autrement pour le boxeur dijonnais Bilel Latreche qui fera un déplacement de plus de 9 000 kilomètres pour tenter de conquérir, lui, une nouvelle ceinture continentale. Ce sera le dimanche 11 juin prochain à Bangkok.

Dans quel état d'esprit êtes vous à quelques jours de votre combat ?

« L'intérêt pour moi, c'est de gagner un titre à l'extérieur contre un champion en titre. C'est vrai que, jusqu'alors, tous mes titres, je les ai gagnés chez moi. Ma victoire contre le Colombien Diaz, à Dijon en fin d'année dernière, a attiré l'attention de promoteurs qui m'ont proposé de boxer à l'étranger. Et là, il m'était difficile de refuser. Ce sera évidemment une autre pression, différente de celle que l'on subit à la maison. C'est le champion en titre que j'affronte. Mon adversaire aura le soutien de milliers de supporters car la boxe est un grand dénominateur commun en Thaïlande et le public est très chauvin. C'est un peuple de guerriers passionnés par tous les types de boxe et ils ont beaucoup de champions du monde dans les petites catégories et on a tendance à l'oublier.

C'est incontestablement le pays qui a fait le plus de progrès dans ce sport sur toute la zone asiatique. Je sais que je vais combattre dans une ambiance particulièrement hostile mais je vais à Bangkok pour gagner et envoyer un message très fort aux promoteurs et aux fédérations. J'ai bien analysé la boxe de mon adversaire et je ferai tout pour ne pas aller au bout du combat. Mon objectif sera de tenter le KO avant le gong final. C'est tout le sens de ma préparation. L'à peu près n'existera pas. Seul le travail paie. Ca passera... ou ça cassera ! »

Cet adversaire, quel est-il ?

« Il s'agit de Toedsak Sinam. Je suis mieux classé que lui. Je suis dans le top 15 mondial de la WBO et mon adversaire est dans le top 100 de la WBC mais c'est quand même lui qui porte la ceinture. En cas de victoire, il ferait un bond considérable dans le classement. On comprend donc que sa motivation sera totale.

Le Thaïlandais est plus jeune -il a 27 ans-, plus petit que moi, droitier, très puissant sur les coups qu'il porte essentiellement au corps avant de viser la face. A la différence du Colombien Diaz qui se jette sur ses adversaires, sa boxe est plus académique. Son point faible, c'est la défense et je compte bien l'exploiter. Son bilan est de 30 combats, 20 victoires dont 16 par KO, 10 défaites dont 5 avant la limite. Il a gagné 3 titres. Je vais devoir être très vigilant pendant le 1er round car je m'attends à un orage ».

Où en êtes-vous de votre préparation ?

Ma préparation s'est faite dans les meilleures conditions possibles. Elle a été progressive. Aujourd'hui, je suis à 9 entraînements par semaine. Des entraînements très durs qui m'imposent une gestion particulière de la récupération. Je fais attention à tout : les petites blessures, les moments de repos... Pour vous faire sourire, je mets même le chauffage à fond dans ma voiture pour m'habituer à la forte et humide température qui m'attend en Thaïlande.

Le combat de mars contre le franco-polonais Trenel m'a fait beaucoup de bien car je suis resté dans un bon rythme. Je suis très vite dans mes marques car je n'ai pas eu beaucoup de temps de pause. Je sens que je progresse encore. Et je suis en mesure, sur certains coups, d'abréger le combat à n'importe quel moment ».

Le repas type de Bilel Latreche dans le cadre de cette préparation ?

« Le matin, deux yaourts 0 % avec des petits fruits, framboises, myrtilles, et un ou deux petits biscuits complets mais pas plus. Pour la boisson, un petit café ou un chocolat chaud. Le midi, 150 grammes maximum de filet de poulet ou de dinde avec une portion de légumes verts cuits. Une collation vers 16 heures, quasiment identique à celle du matin.

Le soir, c'est un yaourt ou une soupe, et ça s'arrête là. C'est là que le mental intervient. J'attendrai mon retour à Dijon pour retrouver un de mes desserts préférés : une fontaine de chocolat chaud qui s'écoule sur des fraises. J'ai beaucoup de mal à réussir ce dessert, mais c'est promis, je vais m'entraîner ! »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre