Pierre Pribetich : « En matière de logement, soyons concret et pragmatique »

Qualité de vie, qualité de ville, qualité de vivre en société... Pierre Pribetich, adjoint au maire délégué à l'urbanisme et président de la SPLAAD (1) évoque dans cette interview les enjeux du logement dont il affirme qu'il représente la première des solidarités.

Comment ressentez-vous cette rentrée 2022 ?

Pierre Pribetich : « La situation, on le sent bien, est tendue et elle pourrait l'être encore plus dans les mois qui viennent. En cause, la crise de l'énergie liée à la guerre en Ukraine avec la problématique de l'approvisionnement en gaz. Tendue parce que l'inflation est de retour avec des conséquences sur la hausse des prix des matières premières et tous les produits du quotidien, mais aussi pour un certain nombre de services qui répercutent l'augmentation des coûts. Ce sont les économies de chacune et chacun qui sont concernées. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que nos concitoyens soient en capacité de supporter de nouvelles restrictions après deux ans de crise liée au Covid. Tous les ingrédients sont réunis pour fragiliser la société ».

DLH : Cette fragilité que vous évoquez se répercute-t-elle aussi sur l'accès au logement ?

P. P : « Bien évidemment. C'est pourquoi nous construisons des logements pour répondre à cette première nécessité de nos concitoyens. Le droit au logement est un droit constitutionnel. Il est reconnu comme un droit social depuis 1946. Nous construisons, nous bâtissons parce que faire ville, c’est faire société. La volonté qui est la nôtre depuis 2001, c'est d'offrir une ville agréable à vivre et une vie décente à chaque habitant dans le respect de nos engagements pour la justice sociale et pour la transition écologique.

Faire de la politique, c’est faire des choix et les assumer. Agir dans le domaine de l’urbanisme, c’est faire en sorte que chacun ait un toit sur la tête et combattre le mal-logement. Cela passe par des objectifs très clairs : le refus de quartiers ghettos et donc l'acceptation de la mixité sociale en matière de logement, associé à un projet global social et écologique pour ne laisser personne sur le bord de la route. Celles et ceux qui portent en eux la solidarité doivent être conscients que la meilleure action est de satisfaire le besoin premier qui est celui de se loger ».

DLH : Les opérations d'urbanisme font de plus en plus souvent l'objet de contestations. Que faudrait-il faire pour retrouver de la sérénité dans ces dossiers ?

P. P : « Notre objectif n’est pas, et n’a jamais été, de bâtir pour bâtir. La Métropole ne cesse d'être en croissance démographique. A Dijon, en l'espace de 20 ans, ce sont 11 000 personnes qui sont venues rejoindre les 149 000 qui étaient recensées en 2001. Cependant, force est de reconnaître que l'urbanisme génère un climat de haute température. N'y voyez pas forcément un rapprochement avec le réchauffement climatique... Nous subissons une déformation des situations. Je rappelle que le but premier est d'offrir un logement à nos concitoyens. En 1960, il y avait 3 personnes par logements. En 2022, il y en a, en moyenne, 1,5 ! Deux fois moins. Quand on pose ce constat, si on veut éviter d'avoir la ville qui s'étale dans un état d'esprit non écologique, on est forcé d'engager une réflexion urbaine, intelligente, pour faire société, pour faire la ville, avec une volonté d'apporter ce premier élément de vie qu'est un logement. C'est bien une nécessité première que nos concitoyens puissent se loger dignement avec les qualités d'usage que l'on connait. La politisation de ce dossier qui est voulue par une partie des oppositions, et qui ne mène nulle part, est un mauvais service rendu à nos concitoyens. Nous avons là un théâtre politique d'ombres dont le jeu est de perturber la réalité des décisions à prendre pour mener à bien le développement d'une ville. L'objectif de François Rebsamen et de ses équipes, c'est de proposer des solutions concrètes et pragmatiques. A commencer par ne plus consommer les terres agricoles ».

DLH : Combien de nouveaux logements sont prévus dans les années qui viennent ?

P. P : « Ce qui a été acté dans le cadre du programme du PLUI-HD (2), c'est d'avoir, à terme, 15 000 logements neufs et 1 000 logements en réhabilitation sur l'ensemble des 23 communes qui composent la Métropole dijonnaise. Ca peut paraître beaucoup mais c'est peu au regard des besoins. Pour éviter que les prix et les loyers flambent, ce qui est tout de même la moindre des choses, il faut construire sur Dijon entre 400 et 500 logements par an pour maintenir la population. La règle à Dijon qui est imposée aux promoteurs, c'est qu'on ne peut construire que si tout a été préalablement vendu ».

DLH : Avec la SPLAAD, vous vous donnez aussi cette possibilité d'aménager des espaces qui dépassent le cadre de la Métropole...

P. P : « La SPLAAD intervient sur le territoire métropolitain mais également sur le territoire du Schéma de cohérence territoriale qui englobe, par exemple, la communauté de communes de la Plaine dijonnaise dont la ville de Genlis, désormais présente au sein de la SPLAAD. Genlis va ainsi pouvoir mener à bien des opérations qui vont lui permettre d'enclencher des aménagements en fonction de ses volontés municipales. Ce que la SPLAAD fait, en tant qu'aménageur, c'est d'apporter du logement aux communes qui le souhaitent et de répondre ainsi à cette première nécessité que j'évoquais en essayant de mener des opérations le plus proche possible de tous les services qu'offre une centralité et ainsi permettre de minimiser les dépenses de déplacements, par exemple. C'est important dans un contexte d'inflation préoccupante qui va renier progressivement le pouvoir d'achat de nos concitoyens. C'est le cas à Genlis où nous travaillons sur un projet à proximité de la gare. Et cela en prenant bien évidemment en compte tous les critères d'une écologie responsable. Car dans les opérations que nous portons, il y a toujours cette ferme volonté de végétalisation. Le projet sur l'ancienne usine Terrot, à Dijon, c'est plus d'un demi hectare qui a été dépollué et rendu à la nature en ville ».

DLH : Quelles sont les autres opérations sur lesquelles travaille la SPLAAD actuellement ?

P. P : « De grandes opérations, qu'on peut qualifier d'emblématiques, sont en voie d'achèvement sur la ville de Dijon : d'un côté, l'éco-cité Jardins des Maraîchers avec près de 1 500 logements et de l'autre, l'éco-quartier de l'Arsenal avec sensiblement le même nombre de logements mais aussi des services à la personne comme la Minoterie qui est un lieu pour le jeune public ou bien encore les Jardins de l'Arsenal qui est un parc public dont on ne parle certainement pas assez. Nous avons également une belle opération intitulée Belles House. Celle-ci constitue une opportunité réelle car nous proposons, avec deux promoteurs locaux, Voisin et Sopirim, 147 logements individuels en structure bois qui se situeront au cœur de l’Arsenal. Cela permettra de disposer dans ce quartier d’une véritable diversité de produits en terme de logements : nous aurons du collectif avec un immeuble de grande hauteur, la tour Elithis, du logement à loyer modéré, de l’accession abordable qui fonctionne très bien sur ce quartier mais aussi du logement individuel avec cette opération Belles House ».

DLH : L'éco-quartier de l'Arsenal, c'est, géographiquement, une partie de la Métropole qui est en pleine mutation ?

P. P : « L'opération des Grands vergers du sud entre Dijon et Chenôve, sur l'axe Jaurès-Carraz, s'étalera sur les décennies à venir : c'est l'aménagement de l'ensemble de cette avenue à la fois pour retrouver une qualité paysagère digne d'une Métropole capitale régionale, mais aussi offrir de la diversité de logements abordables en proximité des services et des centralités, avec un accès facile au tramway et aux transports publics. Nous sommes également engagés sur une grande et belle opération à Chenôve, à la fois sur la centralité et sur Kennedy. N'oublions pas, non plus, Quetigny avec l'opération « centre ville » qui est une reconfiguration de la centralité de cette commune ». 

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre

  1. La SPLAAD, Société Publique Locale « Aménagement de l'Agglomération Dijonnaise » constitue un outil privilégié de la sphère publique pour le développement du territoire. Elle peut intervenir pour ses collectivités membres, sans mise en concurrence préalable, tant dans le domaine de l'aménagement que de la construction.
  2. Plan Local d'Urbanisme Intercommunal Habitat et Déplacements.

Crédit photo : Jonas Jacquel