Coupez

Comédie de zombies de Michel Hazanavicius, avec Romain Duris, Bérénice Béjo, Grégory Gadebois, Finnegan Oldfield, Matilda Lutz, Sébastien Chassagne, Raphaël Quenard, Lyes Salem, Simone Hazanavicius et Jean-Pascal Zadi.

Un tournage de film de zombies dans un bâtiment désaffecté. Entre techniciens blasés et acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur semble investi de l’énergie nécessaire pour donner vie à un énième film d'horreur à petit budget. L’irruption d’authentiques morts-vivants va perturber le tournage…

Jeux de massacre

Alors que le jury du festival de Cannes vient d’offrir sa deuxième Palme d’Or au réalisateur Ruben Östlund, pour TRIANGLE OF SADNESS, après le dérangeant et irrévérencieux THE SQUARE, le journaliste Jean-Baptiste Morel twitte, un peu dépité semble-t-il  : « Si on m’avait dit que je verrais plus de vomi et de diarrhée dans un film de #Cannes2022 que dans tous les films de Franck Gastambide cumulés, franchement j’y aurais pas cru. » Nous vérifierons cela sur les écrans dijonnais prochainement.

De vomi et de diarrhée, ainsi que de gerbes de sang, il en est également question dans COUPEZ, la dernière comédie de Michel Hazanavicius, qui a eu l’honneur de faire l’ouverture de notre grand festival international. Le film aurait dû s’appeler Z, comme la célébrissime œuvre de Costa Gavras (1969) dénonçant la dictature des colonels grecs - la dernière lettre de l’alphabet apparaissait régulièrement sur les murs pour Zei : il est là, il est vivant. Cette lettre n’ayant plus du tout la cote cette année, l’opus d’Hazanavicius, remake de NE COUPEZ PAS ! (2019) du Japonais Shin'ichirô Ueda, s’est logiquement appelé COUPEZ !, comme l’éclat de voix du zombie quand il ne crie pas « Bras ! » ou celui du réalisateur à la fin d’une prise sur le plateau de cinéma.

Un crescendo abracadabrantesque en trois actes

COUPEZ raconte la réalisation d'un film de série Z en trois actes : une première demi-heure désarçonnante, en un seul plan séquence, met en scène une équipe de cinéma dont le tournage d’un film de zombies est perturbé par le jaillissement de vrais morts-vivants : monstres verdâtres, poursuites, cris, vomissements et geysers d’hémoglobine sont au rendez-vous. Nous sommes alors des spectateurs perplexes devant un jeu de massacre aux dialogues crétins et saugrenus.

Puis un premier retour en arrière s’opère, qui correspond à ce qu’on appelle la pré-production dans le jargon cinématographique. Rémi (Romain Duris, parfait), un réalisateur de films publicitaires et institutionnels, souhaitant retrouver la popularité qu’il a perdue auprès de sa fille Romy (Simone Hazanavicius, fille de Michel, « tiens, tiens »), accepte de réunir une équipe « de cinéma » pour tourner ce fameux plan séquence, tourné et diffusé en direct sur une chaîne de streaming japonaise. Au sein de l’équipe, Raphaël (Finnegan Oldfield), une étoile montante dont on mettrait bien « deux ou trois coups de hache dans la gueule », juste histoire de ne plus l’entendre, est sans cesse force de propositions … pas toujours bienvenues.

Enfin la troisième partie, désopilante, est en quelque sorte le making of du tournage catastrophique du plan séquence du début, permettant au spectateur de comprendre la véritable histoire de cette galère innommable. COUPEZ est un hommage au cinéma artisanal, et à celles et ceux qui le réalisent avec certes plus de passion que de talent. Difficile de ne pas penser à la NUIT AMERICAINE de François Truffaut, où le plateau de tournage devient un lieu de séduction, détestation et pouvoir, mais également à la CITE DE LA PEUR d’Alain Berbérian, comédie déjantée dont l’intrigue se déroulait pendant le festival de Cannes.

Musicien en déroute

Le son et la musique tiennent ici une place importante. Alexandre Desplat signe la bande originale de COUPEZ, succédant à Ludovic Bource et Howard Shore dans l'univers du réalisateur. Pour la première partie, Desplat prend en charge les divers titres musicaux de cette BO, avec un rythme samba, des textures terrifiantes, un air romantique, mettant aussi en abime la palette d'un musicien de film de zombies. Puis, dans les parties deux et trois, le compositeur apparaît à l'image sous les traits de l’irrésistible Jean-Pascal Zadi, complètement dérouté lorsque l'équipe improvise et s'éloigne du scénario, ne sachant plus quelle musique jouer et créer en direct. COUPEZ se terminera par la chanson du groupe de rock britannique The Fratellis, « Chelsea Dagger », évitant alors la sortie de piste totale tant redoutée. Et ne vous sauvez pas avant la fin du générique, pour voir l’ultime gag de cette comédie réussie, à la structure étonnante, hommage haut en couleur, plus tendre qu’il n’y parait, au septième art et à celles et ceux qui le façonnent. La classe américaine !

Raphaël Moretto