La gestion de l’eau et de l’assainissement de Dijon est assurée depuis le printemps dernier par une Société d’économie mixte à objet particulier (Semop) dont Dijon Métropole et l’entreprise Suez sont coactionnaires. A travers ce partenariat, Dijon Métropole souhaite optimiser le prix de l’eau pour les usagers tout en renforçant sa capacité d’investissement et d’innovation en faveur de la transition écologique et de la protection des milieux naturels. Explications avec son président, Antoine Hoareau.
Dijon l'Hebdo : C'est au printemps dernier qu'a été officiellement lancée ODIVEA. Qu'est-ce qui a motivé la création d'une telle structure ?
Antoine Hoareau : « Il faut déjà savoir qu'en 1991, l'eau de Dijon avait été privatisée auprès de la Lyonnaise des eaux, sans marché public, pour une durée de trente ans. Le 1er avril 2021 a marqué la fin de ce contrat dont on peut dire qu'il avait été, à l'époque, mal négocié. François Rebsamen a souhaité que la collectivité Dijon Métropole puisse reprendre la main sur cette ancienne délégation de service public. C'est pour cela qu'il a été décidé la création d'une société d'économie mixte à objet particulier -une SEMOP- qui est une structure détenue à parité entre Dijon Métropole et un partenaire privé que nous avons choisi après une procédure d'appel d'offre, en l'occurrence Suez. Cette nouvelle SEMOP a pour vocation de retrouver, dans sa gouvernance, des élus désignés par le conseil métropolitain. Ce qui donne aux citoyens, à travers leurs élus, un nouveau pouvoir dans la définition des objectifs prioritaires dans la gestion de l'eau et de l'assainissement du territoire métropolitain ».
DLH : C'est une première en France ?
A. H : « C'est effectivement une première en France parce qu'elle est multi-services. C'est la première SEMOP qui est dans la globalité de la gestion du petit cycle de l'eau, de la distribution de l'eau jusqu'à l'assainissement ».
DLH : Concrètement, ça fonctionne comment ?
A. H : « Nous avons 80 agents qui sont détachés auprès de l'entreprise ODIVEA pour laquelle ils travaillent quotidiennement. Ils gèrent à la fois l'approvisionnement en eau, la distribution au robinet et, ensuite, son retraitement avant qu'elle ne soit rejetée dans le milieu naturel. C'est vraiment l'intégralité du cycle de l'eau qui est géré par la société ODIVEA pour 15 communes du territoire métropolitain ».
DLH : Un programme d’investissement de 100 M€ est prévu sur 9 ans afin de répondre aux enjeux écologiques. Dans quelles directions seront utilisés ces fonds ?
A. H : « Les 100 millions d'euros se répartissent ainsi : 60 millions d'euros sur l'assainissement et 40 millions sur la distribution de l'eau potable. Notre objectif, c'est d'abord de sécuriser notre ressource en eau et de nous améliorer encore sur le rendement du réseau. Ca passe par l'entretien des canalisations, la recherche de fuites et la lutte contre le gaspillage. Aujourd'hui, nous avons un réseau qui a un rendement de 85 %. En 2030, à la clôture du contrat, nous espérons être à 91 %. Pour l'assainissement, notre objectif est de limiter au maximum l'empreinte carbone de la Métropole sur les milieux naturels. Et cela passe par l'amélioration de nos dispositifs d'assainissement. La station d'épuration de Dijon-Longvic, Eauvitale, est déjà extrêmement performante. Rappelons que sous l'impulsion de François Rebsamen, elle a bénéficié d'un énorme plan de reconstruction il y a une quinzaine d'années. Et on peut toujours améliorer les dispositifs au travers de plusieurs projets, notamment la micro-filtration des micro-polluants et des micro-toxiques qui peuvent se trouver encore dans l'eau. L'objectif est d'avoir une eau la plus propre possible à la sortie de notre station d'épuration pour limiter notre empreinte carbone ».
DLH : Renforcer la maîtrise du prix de l’eau reste certainement aussi un de vos objectifs prioritaires ?
A. H : « Nous voulons une eau qui soit accessible à toutes et à tous. Nous voulons une ville à vivre pour tous. Et cela passe par une politique importante en terme de maîtrise des prix des services publics. A l'occasion de la négociation de ce contrat, nous avons pu diminuer d'environ 16 % le prix de l'eau à Dijon pour l'ensemble des abonnés. Ce qui ne compromet en rien le financement de l'intégralité des investissements. Ils seront tous tenus ».
DLH : D'où vient l'eau qui est consommée à Dijon ?
A. H : « On a quatre principales ressources. La première, c'est la source historique du Suzon qui nous alimente pour environ 30 % de nos consommations. Ce sont les eaux du Rosoir et la source du Chat qui sont canalisées depuis le XIXe siècle pour alimenter le réseau de Dijon. La deuxième ressource, c'est le champ captant de Poncey-les-Athée – Flammerans, sur la nappe alluvionnaire de la Saône. La troisième ressource, c'est la source de Morcueil, dans la vallée de l'Ouche, qui bénéficie d'un traitement extrêmement performant dans la nouvelle usine Henri-Navier, à proximité du lac Kir. Et, enfin, la quatrième ressource, c'est le champ captant des Gorgets. Il y a ensuite d'autres plus petites ressources mais les quatre que je viens d'évoquer représentent 90 % de l'alimentation en eau. Il est intéressant de noter que nous ne dépendons pas d'une seule et unique ressource. Il n'y a donc pas aujourd'hui de problématiques liées à la quantité d'eau ».
DLH : Comment s'effectue le contrôle de la qualité sur l'eau ?
A. H : « L'eau, c'est le bien de consommation le plus contrôlé en France. La réglementation sur la qualité de l'eau est extrêmement stricte. Les contrôles se font quotidiennement par les équipes d'ODIVEA mais aussi par les pouvoirs publics. Nous avons une eau de qualité toute l'année pour l'ensemble des habitants de la Métropole. Et l'intérêt d'avoir plusieurs ressources, c'est que si un jour l'une venait à être défaillante, on aura cette possibilité d'aller chercher de l'eau ailleurs ».
DLH : Et cette eau, elle n'est pas seulement destinée aux habitants de la Métropole ?
A. H : « C'est vrai qu'elle n'est pas destinée uniquement aux habitants de la Métropole. Historiquement, depuis la création des réseaux, nous avons aussi alimenté les différentes communes qui se trouvent sur le trajet entre nos ressources et la Métropole. C'est notamment le cas avec le Sinotiv'eau qui est un syndicat d'adduction d'eau d'une grande partie de la Plaine dijonnaise. Je pense notamment aux communes de Genlis, Poncey-les-Athée, Bellefond, Asnières-les-Dijon, Messigny-et-Vantoux... qui n'ont pas d'eau ou qui sont traversées par nos réseaux, et qui profitent de l'eau de Dijon. On comprend bien que notre objectif n'est pas de nous accaparer les ressources mais, au contraire, de pouvoir proposer à toutes ces communes une eau de qualité à un prix tout à fait raisonnable et dont le traitement et les financements ont été mutualisés ».
DLH : Vous ne manquez donc pas d'établir des alliances avec les collectivités territoriales voisines ?
A. H : « Exactement. La Métropole a vocation à rayonner et notamment à partager et mutualiser ses ressources auprès des autres communes du département. Nous avons, par exemple, tout récemment, alimenté la commune de Messigny-et-Vantoux qui ne dépendait auparavant que de la source du Suzon. Celle-ci peut avoir en certaines périodes de l'année des pollutions au nitrate. C'est pourquoi nous avons installé une canalisation de secours entre Dijon et Messigny. C'est une des vocations de la Métropole que de s'allier avec les territoires qui l'entourent pour apporter des services à leurs habitants même si ces communes ne sont pas membres de la Métropole ».
DLH : Et n'oublions pas que le 1er réseau d'eau potable de France a été installé à Dijon...
A. H : « C'est effectivement l'ingénieur dijonnais Darcy qui, dans la première moitié du XIXe siècle, est à l'origine du premier réseau d'adduction d'eau potable en France depuis les sources du Suzon. N'oublions pas, non plus, la légende entretenue autour du Suzon qui voulait que Dijon périsse par ce cours d'eau...
Aujourd'hui, le réservoir Darcy ne sert plus à l'alimentation en eau potable. C'est un lieu de stockage des eaux pour l'arrosage des pelouses sur le parcours du tram. Le dernier week-end de novembre (les 27 et 28) et le premier week-end de décembre (les 4 et 5), deux journées portes ouvertes seront proposées pour découvrir ce réservoir (1). C'est un lieu insolite avec de magnifiques installations ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre
(1) : Une visite toutes les 30 minutes. Réservations au 03 80 42 11 59.