Philippe Maître : « L’écologie rejoint l’économie »

Avec l’éco-responsabilité et la sauvegarde de la planète chevillées au corps, comme l’illustre l’agence Les Toits de Lili qu’il a créée, le président de la FNAIM de Côte-d’Or, Philippe Maître, nous expose les enjeux actuels de l’immobilier. Que ce soit dans le domaine de l’habitat ou bien commercial…

Dijon l’Hebdo : Le marché immobilier dijonnais a été qualifié comme particulièrement stable ces deux dernières décennies. Mais depuis plusieurs mois les prix affichent une augmentation de taille. Certes, le jeu de l’offre et de la demande fait beaucoup pour cette tendance mais pensez-vous que cette évolution va perdurer ou que les choses devraient redevenir à la normale ?

Philippe Maître : « Nous avons vécu une certaine tension effectivement, avec un marché à forte demande, puisque, s’il est plus facile de vendre que d’acheter, il vaut mieux acheter avant de vendre. Et par conséquent, pendant une période, les vendeurs ont dû renoncer à vendre pour se consacrer à la recherche de logements. Mais la hausse n’est pas si forte que certains le prétendent, et la tension se relâche depuis quelques mois. Il faut être néanmoins vigilant, la hausse des prix fragilise les primo-accédant lorsque le pouvoir d’achat n’évolue pas ». 

DLH : L’éco-responsabilité est devenue on ne peut plus prégnante dans notre société. Et c’est particulièrement vrai dans le domaine de l’habitat (le logement représentant 43% des émissions de gaz à effet de serre). La crise sanitaire a accéléré cette prise de conscience. Vous faites partie de ceux qui n’ont pas attendu cette crise puisque vous aviez créé précédemment votre agence éco-responsable par excellence, Les Toits de Lili. Mais, eu égard aux tensions sur le marché, comment faire pour que le plus grand nombre ait accès à des logements réellement durables ?

P. M : « Nous savons depuis longtemps que si nous voulons préserver notre planète, nous devons changer de comportement et de manière de consommer. Le projet des Toits de Lili repose sur cette réflexion simple : comment pouvons-nous concevoir une agence immobilière qui apporte à la fois des services innovants à ses clients tout en réduisant l’impact de nos activités sur l’environnement ? Et nous avons ainsi repensé chacun des aspects de notre métier de manière à éliminer et à remplacer les fonctions les plus négatives par des outils plus vertueux, depuis le choix des matériaux, du mobilier et de l’énergie (100% renouvelable) jusqu’au mode de fonctionnement de l’agence qui nous permet d’affirmer que nous avons éliminé de près de 80% l’incidence environnementale de nos métiers. Le problème du logement c’est à la fois une conscience collective de limiter les émissions de gaz à effet de serre et une conscience individuelle qui est liée au prix de l’énergie, notamment avec la hausse brutale du prix du gaz et du pétrole. L’écologie rejoint en ce sens l’économie. Mais la rénovation énergétique a un coût. Aujourd’hui, on connait les sanctions pour les bâtiments énergivores, puisqu’ils ne pourront plus être proposés à la location, selon la mesure du nouveau DPE. Mais il faudra davantage d’aides publiques pour parvenir à rénover les immeubles anciens. C’est une vraie inquiétude pour l’avenir. Le fait de disposer d’un logement confortablement chauffé à moindre coût ne doit pas être un luxe. Nous observons depuis quelques années des écarts de prix entre les appartements à faible consommation et les moins vertueux. Ces écarts vont s’accentuer encore à l’avenir, avec les nouveaux outils de mesure de la dépense énergétique, avec un risque social élevé : des logements à faible prix mais difficiles à chauffer et d’autres à faible consommation mais inaccessibles aux moins favorisés. Un vrai débat pour les présidentielles ! » 

DLH : Vous êtes également expert en évaluation commerciale. Pouvez-vous nous en dire plus sur les tendances actuelles du marché des biens commerciaux ?
P. M :
« L’immobilier commercial est un marché principalement composé d’investisseurs, et les notions de rentabilité et de risques sont plus importants. Si  la demande est assez soutenue, les opérateurs sont aussi plus sélectifs dans  le choix de leurs investissements en fonction du secteur géographique ou du secteur d’activité. Par exemple, l’immobilier de bureaux a connu une forte chute en 2020 en raison du télétravail dans les grandes métropoles, mais en local la situation est plus nuancée. À Dijon, l’immobilier commercial du centre-ville est particulièrement dynamique en raison de l’attractivité de la ville et de l’impact mesuré de la crise sanitaire ». 

Propos recueillis par Camille Gablo