Le promoteur dijonnais Xavier Rouy qui préside la Fédération des promoteurs immobiliers de Bourgogne, fait le point de l’activité de son secteur, à la fois sur le territoire national mais aussi sur la métropole dijonnaise.
Dijon l’Hebdo : Conséquences de l’arrêt des chantiers pendant le confinement, il a été constaté, à la fin de l’année dernière, une dégringolade de la construction de logements neufs. Qu’en est-il aujourd’hui en France d’une manière générale et sur la métropole dijonnaise en particulier ?
Xavier Rouy : « Il est vrai que le confinement a eu pour conséquence l’arrêt des chantiers pendant un trimestre et quelques uns d’entre eux ont eu des difficultés pour redémarrer. Maintenant, l’effondrement de l’offre des logements neufs n’est pas directement lié à la situation sanitaire mais plutôt à un certain nombre de facteurs : l’année électorale et le gel de toute décision, évidemment, et, surtout, une tendance déjà ancienne au refus de beaucoup de Français de voir des constructions neuves dans leur proche environnement. L’acceptabilité du logement digne pour tous est un problème culturel et sociétal majeur. Ajoutez à cela les difficultés pour obtenir les permis de construire, les pétitions à répétition… et vous avez l’essentiel des freins à l’acte de construire. Au final, le confinement n’aura été qu’un révélateur de cette tendance lourde et pénalisante ».
DLH : Vous avez le sentiment que la situation s’améliore ?
X. R : « Non. Ça ne va pas mieux aujourd’hui. Au niveau national, l’offre commerciale est inférieure de 20 % à celle de 2019. Ce n’est heureusement pas vrai partout. Nous avons la chance sur l’agglomération dijonnaise d’avoir des élus qui ont pleinement conscience de la nécessité de bâtir pour loger dignement nos concitoyens et permettre à nos territoires de se développer. On sait qu’il faut à minima 500 logements par an sur notre secteur pour maintenir le niveau de population. Si on veut être attractif et attirer des entreprises, des talents ou plus simplement des gens qui ont envie de profiter de la qualité de vie qui est la nôtre ici, il faut une offre importante et variée de plusieurs centaines de logement disponibles par an dans la métropole dijonnaise, ce qui produit un effet très positif et qui occasionne des mouvements de population indéniable. On voit régulièrement des clients choisir Dijon au détriment d’autres métropoles. Nous avons moins de 9 mois de stock de logements disponibles, ce qui est faible ».
DLH : Et puis il y a eu le travail de cette commission nationale pour la relance durable de la construction mise en place par le Premier ministre Jean Castex et présidée par François Rebsamen qui propose, entre autre, au gouvernement un effort financier massif en faveur des « maires bâtisseurs » qui subissent un manque à gagner fiscal à cause de multiples exonérations de taxes locales…
X. R : « La fédération des promoteurs immobiliers est bien évidemment membre de cette commission dont la mise en place a été une véritable bonne nouvelle même si elle aurait pu être lancée plus tôt. Dans son intitulé déjà : « Commission pour la relance durable de la construction de logements »… Cela laisse bon espoir qu’un diagnostic objectif des freins actuels à la construction de logements sera réalisé pour proposer au gouvernement des mesures à même de les lever pour relancer durablement la construction de logements là où les besoins sont les plus importants. Les membres de cette commission sont bien conscients que le neuf est nécessaire, suscite une véritable appétence et qu’il faut trouver des solutions rapides et efficaces pour relancer une vraie dynamique de production de logements neufs ».
DLH : Les promoteurs immobiliers ont-ils la prétention d’être les meilleurs alliés des élus pour construire la ville de demain ?
X. R : « Mon propos sera peut-être jugé prétentieux… mais je serais tenté de vous dire que nous sommes véritablement les seuls alliés pour le secteur marchand/libre. Les élus donnent des orientations, des impulsions, instruisent les dossiers et, au final, ceux qui construisent la ville dans toute l’acceptation du terme, ce sont les promoteurs. Alliés et acteurs. Nous sommes ceux qui prennent les risques financiers, qui achètent les terrains, commercialisent les logements… C’est toute une alchimie complexe et beaucoup de travail pour les entreprises du tissu local que nous rendons possible grâce au savoir-faire de nos collaborateurs ».
DLH : Combien ça coûte en moyenne pour devenir propriétaire d’un appartement neuf à Dijon et sur la métropole en 2021 ?
X. R : « Les derniers chiffres mis à notre disposition par notre observatoire de l’immobilier neuf en place depuis maintenant 5 ans sur l’agglomération dijonnaise, montrent que le prix du m2 neuf moyen sur Dijon approche les 3 800 €. On le retrouve a un peu plus de 3 000 € sur le reste de l’agglomération ».
DLH : Ces prix sont-ils stables ou bien ont-ils connu des variations ?
X. R : « Ces prix sont en très forte hausse depuis deux ans. Entre août 2020 et août 2021, ils ont progressé de presque 7 % ».
DLH : Comment expliquer cette hausse ?
X. R : «Ça s’explique simplement : c’est un problème d’offre. Les terrains sont rares, très chers et donc impactent des prix de sortie plus élevés. Problème qui se cumule avec des hausses de coûts de construction assez vertigineuses ces derniers mois ».
DLH : La dimension environnementale impacte-t-elle aussi le coût des logements ?
X. R : C’est un impact qu’on a déjà en partie absorbé dans les coûts de construction au travers de toutes les règlementations thermiques précédentes. La RE2020 s’appliquera aux constructions neuves à partir du 1er janvier 2022. C’est une réglementation qui vise à diminuer l’impact carbone des bâtiments, poursuivre l’amélioration de leur performance énergétique et en garantir la fraicheur pendant les étés caniculaires. Elle aura aussi un impact sur le coût de construction. Après, il me semble que c’est très réducteur de prendre la question environnementale sous le prisme des règlementations thermiques. Les promoteurs ont déjà intégré bien d’autre dimension environnementale dans leur production, notamment qu’il est nécessaire de reconstruire la ville sur la ville car le modèle d’avenir ne repose certainement pas sur les lotissements qui consomment des hectares de terres ».
DLH : Peut-on donc dire que les promoteurs immobiliers sont des « acteurs de la ville durable » ?
X. R : « Indéniablement. A titre personnel, j’en veux pour preuve le slogan de mon entreprise qui est « Habiter la qualité durable… ». Pour moi, derrière le mot durable, c’est la qualité d’usage de ce qu’on fait, c’est la qualité et la durabilité des matériaux, c’est construire dans la ville pour réduire les distances et économiser du terrain, du transport… Voilà une démarche globale de développement durable ! ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre