Une seule chose est sûre… et paradoxale : le Rassemblement national est désormais… au centre de la politique française. Pour la Présidentielle, la seule question est désormais de savoir qui réussira à se hisser suffisamment haut pour affronter Marine Le Pen au 2e tour. Et, pour les régionales, l’interrogation réside dans le nombre de régions susceptibles de franchir, pour la première fois, le Rubicon. Enfin là nous devrions écrire le Suzon puisque la Bourgogne Franche-Comté fait partie de celles-ci…
Le réveil est susceptible d’être douloureux pour celles et ceux qui croient encore au plafond de verre si celui-ci explose au soir du 27 juin. Car la seule vraie question aujourd’hui est de savoir si les élections de juin 2021 offriront au Rassemblement national sa première victoire dans un scrutin régional. Et, parmi les 4 régions de l’Hexagone où les sondages envisagent une issue potentiellement favorable aux troupes de Marine Le Pen, la Bourgogne Franche-Comté figure en bonne place.
Certes, la région PACA, avec le changement de crémerie de l’ex-LR Thierry Mariani qui pourrait faire le beurre du RN et le bon baiser… non de Russie mais d’En Marche sur la joue droite de Renaud Muselier (au service de sa majesté… Emmanuel Macron pour faire imploser LR un an avant la présidentielle) a focalisé l’attention. A l’instar des Hauts de France où Xavier Bertrand n’a eu de cesse d’occuper le devant de la scène médiatique nationale, faisant de ce scrutin un tremplin vers le couronnement suprême… républicain s’entend.
Parmi les deux autres régions, qui n’ont pas eu autant les faveurs de BFM et de CNEWS (les deux thermomètres cathodiques actuels – il faut le reconnaître même si cela en refroidit plus d’un !), le Centre Val de Loire et… la Bourgogne Franche-Comté. Notre région qui, en 2015, avait déjà senti le vent du boulet… bleu marine. La candidate d’alors, Sophie Montiel, expurgée depuis du parti de Marine Le Pen, avait récolté au soir du 2e tour 32,44 % des suffrages, devancée de très peu par François Sauvadet (32,89%), la socialiste Marie-Guite Dufay s’étant imposée (34,68%) au terme d’une triangulaire qualifiée, déjà à l’époque, d’indécise.
Cette fois-ci, « l’ancien » et le « nouveau » monde sont prévenus et la première place au soir du 1er tour de Julien Odoul, jeune tête de liste RN, semble d’ores et déjà acquise si l’on en croit tous les sondages. Les interrogations, en revanche, concerne l’ordre – et le score – des autres listes principales. Ainsi que les alliances potentielles à l’issue de ce premier tour, où, rappelons-le, seules les listes dépassant 10% des suffrages exprimés peuvent se maintenir, celles obtenant au moins 5% ayant le droit de fusionner. Le suspense sera de courte durée. Le panorama du 2e tour sera connu rapidement puisque le dépôt des listes devra intervenir, au plus tard, le mardi 22 juin avant 18 h en préfecture. Et, comme nous l’avons vu lors du débat sur France 3 où se sont affrontées les 7 têtes de liste à Beaune, les stratégies de 2e tour sont d’ores et déjà dans tous les esprits.
Dernier tour de piste
Assistera-t-on à une nouvelle triangulaire ou à une quadrangulaire car, évidemment à la différence de 2015 – la comète Emmanuel Macron n’avait pas encore décollé et personne ne l’imaginait atterrir à l’Elysée –, il faut désormais composer avec LR-EM et le maire de Nevers, Denis Thuriot, qui porte la voix de la majorité présidentielle dans le débat régional. A droite, la ligne « très Laurent Wauquiez » choisie par le candidat LR, Gilles Platret, qui s’est alliée avec Debout La France, fera-t-elle mieux que celle du centriste François Sauvadet il y a six ans et, si oui, quelles seront ses réserves de voix pour le second tour ? La gauche retrouvera-t-elle toutes ses couleurs (notamment le Vert, les écologistes jouant cavaliers seuls au 1er tour, comme aux municipales à Dijon) et comment fera-t-elle, avec le PC déjà dans ses rangs, pour séduire jusqu’au Modem et aux électeurs de la majorité présidentielle… au cas où évidemment Denis Thuriot ne se maintienne pas – encore faudrait-il, pour cela, que le candidat de François Patriat ne sorte pas plus haut que les scores accordés par les sondages ? Ne vaudrait-il pas mieux, dans le cadre d’une triangulaire, comme certains grands élus le préconisent, que la liste de Marie-Guite Dufay ne fusionne pas, in fine, pour apparaître comme celle incarnant le mieux le Front Républicain ?
Alors que toutes ces questions alimentent les autres écuries, Julien Odoul, qui, même s’il a tendu la main aux électeurs LR sur le plateau de France 3 et qu’il s’est fait renvoyer à ses chères études par Gilles Platret, poursuit sa campagne tambour battant… Tentant d’élargir son socle de voix qu’il sait important dans l’Yonne, en Haute-Saône et dans la Nièvre, départements ruraux sans véritable métropole forte. La polémique, lancée par Libération, sur ses supposés propos « choquants » après le suicide d’un agriculteur ou encore la rupture avec son colistier Franck Gaillard, l’un des rares conseillers régionaux sortants reconduits mais à une lointaine 9e place sur la section côte-d’orienne, auront-elles des répercussions sur l’issue du scrutin ? Rien n’est moins sûr, car, comme ses affiches le rappellent partout sur le territoire de la Bourgogne Franche-Comté, les électeurs voteront autant pour lui que pour Marine Le Pen. Les régionales n’étant que le dernier tour de piste avant la grande course élyséenne, où, là aussi, toutes les formations politiques n’ont qu’une seule interrogation. Et vous la connaissez : comment vaincre le Rassemblement national !
Camille Gablo