Eu égard à la 2e vague de la Covid-19, le gouvernement a refoulé la réouverture des restaurants, à la différence des autres commerces qualifiés, précédemment, de « non essentiels ». Plongeant, par là-même, les professionnels du secteur dans un désarroi compréhensif ! Ils avaient été les premiers à fermer lors du premier confinement, ils feront partie des derniers à rouvrir à l’occasion du second. Et l’on ne parle même pas des bars pour lesquels aucune ligne d’horizon n’a encore été dévoilée. Dans cette météo agitée, l’UMIH Côte-d’Or appelle ses adhérents à une mobilisation lundi 7 décembre à 15 heures à Dijon, la préfecture ayant accordé la priorité aux gilets jaunes le samedi après-midi… Les chefs qui aimeraient bien retrouver leur toque blanche devraient ainsi porter un gilet de sauvetage noir ce week-end dans la cité de la gastronomie par excellence ! Carnet de bord d’une profession qui a peur de couler…
Les restaurateurs comme les propriétaires de bar sont en pleine tempête. Certes ils sont beaucoup moins secoués que les skippers du Vendée Globe dans les Açores ou au Cap Horn mais leurs établissements devant rester fermés ils se sentent tout aussi solitaires… Tous ont, c’est certain, plongé un peu plus dans les grands fonds de la noirceur, en assistant à l’intervention du président de la République le 24 novembre dernier. Il faut dire que celui-ci ne les associait pas à la flotte des commerces « non essentiels » pouvant rouvrir le 28 novembre.
« C’est autour du 20 janvier que nous pourrons alors prendre, si cela est possible, de nouvelles décisions d’ouverture. Si le nombre de contaminations demeure en dessous de 5 000 cas par jour, les salles de sport et les restaurants pourront rouvrir et le couvre-feu pourra être décalé… » cette déclaration d’Emmanuel Macron a englouti leurs espoirs. Le chiffre d’affaires du mois de décembre, avec Noël et le jour de l’An, tombait ainsi à l’eau… et, au terme d’une année 2020, où, confinement puis reconfinement obligent, ils auront fait plus que tanguer, cette annonce leur a laissé un goût amer. Certains ayant peur de boire la tasse avec cette crise sanitaire sans précédent !
Sans omettre que le cap fixé par Emmanuel Macron (le 20 janvier) ne le fut qu’au conditionnel. Si bien que beaucoup ne croient pas à cette ligne d’horizon hypothétique. Mathieu Bouvier, qui connaît bien le monde marin puisque l’établissement dont il tient le gouvernail avec Stéphane Guagliardo, Les Marronniers d’Arc, est spécialisé dans… les fruits de mer, fait partie de ceux là : « Et même si l’on nous autorise à ouvrir à cette date, que se passera-t-il en cas de 3e vague, comme nombre d’épidémiologistes l’annoncent déjà ? Devra-t-on une nouvelle fois mettre la clé sous la porte ? Nombre de restaurants ne se relèveront pas de cette terrible année 2020 ! ».
« La solidarité de tous »
Et Mathieu Bouvier de relativiser les aides du gouvernement en estimant que ce ne sont que des bouées de sauvetage : « L’heure est pour beaucoup à la survie et le 1er trimestre 2021 risque d’être fatal ! » Tout en s’interrogeant : « Expliquez-moi pourquoi, alors que l’on a investi dans les protocoles sanitaires – pour notre part, le coût s’est tout de même élevé à 10 000 € –, nous n’avons pas l’autorisation d’ouvrir comme les autres commerces ? Là, l’injustice est manifeste ! Expliquez-moi également pourquoi la contamination serait plus importante dans des établissements comme les nôtres que dans les transports en commun, dans les supermarchés… Nous sommes les plus gros payeurs de l’Etat en terme de taxes et l’on nous empêche de travailler ». C’est la raison pour laquelle le capitaine des Marronniers d’Arc traça le premier sillon d’une mobilisation de l’ensemble de la profession : « Dans une ville, un département, une région gastronomiques par excellence, il faut en appeler à la solidarité de tous. Il faut montrer que tous ensemble nous ne lâcherons rien ! »
Richard Texeira, à la tête de la Brasserie Au Bureau, place de la République à Dijon, est dans le même sillage : « Nous avons respecté les protocoles sanitaires à la lettre. Aucun de mes 31 salariés n’a été contaminé et aucun de nos clients ne nous a remonté avoir attrapé la Covid-19 dans nos murs. Et je peux estimer leur nombre à 13 000 en moyenne par mois. D’où l’incompréhension quant à la non-réouverture de nos établissements. Cela fait des semaines que l’on demande au gouvernement des enquêtes sur la contamination dans les restaurants et celui-ci n’a encore rien produit ! »
« Nous ne voulons pas l’aumône »
Et cet Autunois qui a jeté l’ancre dans les anciens locaux du cinéma l’Alhambra d’analyser : « Nous bénéficions d’aides importantes mais ce que l’on demande juste, c’est de travailler. C’est tout un pan de l’économie qui est menacé avec nombre d’emplois à la clé. Nous mettons en difficulté nos salariés, les fournisseurs, toute la chaîne; et l’on nous laisse dans une totale incertitude ». Richard Texeira sonne également la cloche (tout comme sur les navires) : « Tout comme les autres régions qui se bougent, il est nécessaire de faire passer un message fort. Il est important de montrer notre ras-le-bol ! »
A quelques encablures de son établissement, place de la Libération plus précisément, Guillaume Bortolussi, à la tête de l’emblématique Café Gourmand, résume aussi parfaitement la position partagée par beaucoup de ses collègues : « On nous a contraints à énormément d’efforts pour nous adapter à la crise sanitaire et dans quelle mesure ne sommes-nous pas, nous non plus, essentiels ? Le gouvernement nous aide et on l’en remercie. Mais ce n’est pas l’aumône que nous voulons, nous souhaitons juste travailler ! Evidemment il nous reste la vente à emporter mais, en ce qui me concerne, cela ne peut pas représenter plus de 3% de mon chiffre d’affaires » Le carnet de bord des restaurateurs est actuellement on ne peut plus sombre…
Une fois n’est pas coutume, nous laisserons le mot de la fin à un Beaunois, qui, par le bais d’une photo sur les réseaux sociaux, a illustré, avec un humour non feint, la situation (plombée) des restaurateurs. Comme vous pouvez le voir ci-dessus, nu dans sa baignoire, le chef du Conti, Laurent Parra, tient dans sa main un écriteau où il est inscrit : « Restaurateur à l’agonie : ne nous laissez pas couler ! »
Camille Gablo