Cette année, l’histoire ne repasse pas les plats : la Covid 19 met entre parenthèses ce qui aurait dû être la 90ème édition. Si la Foire de Dijon m’était contée, nul doute que son chantre serait Françoise Colin.
L’éclipse la chagrine. Il n’empêche : à 87 ans, toujours pleine d’allant - elle est à elle seule une vraie leçon de vie pour tous les vieux grincheux de la planète, Françoise se prend déjà à rêver à la résurrection de la foire en 2021. D’autant souligne-t-elle que « nous fêterons alors son centenaire ». Françoise Colin, présidente d’honneur de l’Amicale des cuisiniers, est l’historienne de notre gastronomie régionale. D’ailleurs, elle a raconté le patrimoine culinaire dijonnais pour soutenir la candidature pour la Cité de la gastronomie - on était en 2012. Depuis, elle n’a cessé de nourrir l’art d’une cuisine de terroir et authentique. Et ce, bien avant que ce ne devienne « tendance » !
L'avocate incontournable d'une gastronomie dijonnaise de qualité
Françoise, en esprit toujours positif, envisage que les futurs 100 ans de la Foire - la 1ère édition remonte à 1921 - seront le bel âge pour en redémarrer les activités, en développer la dynamique économique, tout en offrant une nouvelle opportunité pour les Dijonnais, les Bourguignons ainsi que les habitants limitrophes de la région de refaire la fête au Palais des Congrès boulevard de champagne (1). La Foire, on l’a compris, est son enfant chéri, même si une fille et des petits-enfants comblent pleinement par ailleurs sa vie. Elle se plaît d’ailleurs à insister sur « l’aspect populaire et joyeux de cette manifestation, sans jamais tomber dans la vulgarité ». L’année 1973 constitue un tournant important dans sa vie et, par ricochet dans l’existence de la Foire : avec son mari Henri Colin, propriétaire et cuisinier du célèbre Pré aux Clercs à l’époque, elle y tient restaurant. Depuis, elle continuera à participer ou à animer la foultitude de concours qui assurent la promotion des jeunes générations qui se destinent aux fourneaux.
Dans les allées du Palais des Congrès et plus de cinquante ans après, elle en est un peu, beaucoup, passionnément l’âme, demeurant l’avocate incontournable d’une gastronomie dijonnaise de qualité. Pour Françoise Colin, l’art de bien manger ne consiste pas aller dans le sens de l’excentricité : « Il faut savoir allier le bon vin avec le bon plat, faire des mets raffinés et en mettre suffisamment dans l’assiette. Il y a bien sûr aussi une façon de présenter. »
Evoquer en compagnie de Françoise la longue et belle histoire de la Foire, c’est avoir au menu du jour le choix entre mille anecdotes toutes plus savoureuses les unes que les autres … Dans un éclat de rire, elle se remémore : « Il me revient, là tout de suite, un épisode amusant qui est intervenu dans le cadre des Etats-Généraux de la gastronomie. Le chef de cuisine Minard avait servi un met délicieux de lièvre aux raisins. Le commandeur des Cordons Bleus de l’époque avait fort apprécié, émettant toutefois la réserve suivante : « Peut-être que tes oignons pour accompagner ton plat étaient un peu trop sucrés ! »
Comme quoi, un gourmet averti doublé d’un chasseur de bons plats peut manquer sa cible…
Marie-France Poirier
(1) La première édition de la foire internationale et gastronomique de Dijon remonte à 1921. Elle a été créée par Gaston-Gérard, maire et ministre. Les deux guerres mondiales expliquent que sur 100 ans d’existence, la Foire affiche un peu moins d’éditions.
Le Monde à table
Françoise Colin est l’auteur de nombreux ouvrages sur la gastronomie. Elle a créé « l'Association européenne du monde à table », qui organise des dîners européens animés par des personnalités d'un pays à l'honneur. Elle fait partie de la confrérie des Chevaliers du Tastevin, est présidente de l'Amicale des cuisiniers de Côte d'Or...et est maintes fois décorée. Cheville ouvrière de la Foire Internationale, elle organise des conférences toujours très suivies.