Stade dijonnais : Souvenirs entre mêlées

Le Stade dijonnais a reçu de la Fédération française de rugby son billet d’entrée pour « la Nationale », une poule nouvellement créée, dans la suite du Top 14 et de la Pro D2. Une belle promotion qui ouvre les portes d’une véritable troisième Division, où le club de la Cité des Ducs évoluera en bonne compagnie, puisqu’il côtoiera quelques noms huppés de l’Ovalie : Bourgoin, Dax, Tarbes, Narbonne, Albi, Cognac… Une promotion qui peut s’avérer féconde, si les saisons qui s’annoncent sont réussies. Avec, peut-être, une montée vers les étages supérieurs et un Retour… aux Sources. Si bien que l’équipe dijonnaise retrouverait ainsi le concert des Grands et renouerait avec un passé faste, que les plus âgés des supporters n’ont pas oublié.

C’est le moment de se souvenir que le Stade dijonnais figura, pendant de longues années, à une place tout à fait honorable dans le Championnat de France de rugby qui se nommait à l’époque la 1re Division et… pas encore le Top 14. Si le club eut, dans l’après-seconde guerre mondiale, beaucoup de difficultés à assurer son maintien parmi l’élite, en faisant souvent « l’ascenseur », il parvint à se stabiliser et, en 1959, sous la direction de Pierre Conquet, il remonte en Division nationale, où René Busquet et ses coéquipiers l’installent pour vingt ans…

20 années de suite dans le concert des Grands

La performance mérite qu’on la rappelle ; certes, il ne s’agit pas d’embellir les souvenirs car, bien entendu, l’écart était sensible avec les grosses cylindrées du moment : Agen, Mont de Marsan, Brive, Lourdes, Tarbes, Pau, La Voulte, Narbonne, Auch, Dax, ou encore Béziers et, évidemment, Toulouse… Mais chaque saison, un classement satisfaisant, arraché de haute lutte, permettait le maintien parmi les meilleures formations de l’Hexagone. Il fallait, bien entendu, finir en bonne place dans son groupe de huit afin d’éviter la relégation et, si possible, décrocher la qualification. Une tâche compliquée, voire inaccessible, d’autant que, parmi les concurrents, figuraient toujours plusieurs monuments. Que la FFR répartissait méthodiquement dans chacune des huit poules d’alors. En 1960-1961, par exemple, le Stade se retrouve avec un quatuor de gros bras : Toulouse, Bordeaux, Tarbes et Bayonne. Difficile ainsi de se hisser dans les quatre places qualificatives… En 1973-1974, la bataille est aussi dure pour se glisser entre Agen, Toulouse, encore Tarbes et Bayonne, Avignon, Saint-Giron, Aurillac…

Un allié de poids

Mais la formation dijonnaise a un allié de poids… Son public, qui, fidèle, se presse dans les tribunes de l’ancien Parc des Sports. Il ne fait jamais défaut, y compris quand, la veille au soir, il est allé aux Poussots pour supporter les handballeurs du CSLD contre l’ASPTT Metz ou les Carabiniers de Billy-Montigny. Car, à cette époque, ce sont les mêmes qui, sur la place dijonnaise, vont au rugby, au handball, voire au football… Gourmets du beau jeu, ils passent avec délectation des contre-attaques d’André Sellenet le samedi à celles de Gérard Savin, le dimanche après-midi… Bien entendu, ils sont plus nombreux quand « un gros » se présente sur la pelouse de Montmuzart, bien entourée par exemple lors de la venue de Béziers à l’automne 1965, ou encore mieux du RC Narbonne en 70, avec les frères Spanghero et Jo Maso, ou bien du Stade toulousain des Rives et Skréla au printemps 74. L’assistance est fournie également pour les derbies contre le RC Chalon, le Stade montchaninois et le CO Creusot.

Un événement déclencheur

En 1965, survient un événement majeur, qui va donner au club un élan : l’équipe junior du Stade dijonnais conquiert le titre de Champion de France en battant le favori. Un exploit qui fait émerger un collectif solidaire, de haut niveau, composé de jeunes joueurs aux caractères bien trempés… Talentueux, rapides, solides, pleins d’adresse… « Qui voient vite et se déplacent vite ». Avec eux, l’équipe première sera armée pour dix ans ! Ils assureront, en effet, jusqu’en 1975, une solide ossature. Enrichie par quelques arrivées de qualité.

Et les bons résultats ne tardent pas à suivre. Avec six accessions de suite en seizièmes de finale du Championnat de France ! En 1967, l’adversaire est déjà Béziers qui ne l’emporte que par 3 à 0. En 1968, c’est le même écart de trois points qui sépare Dijon de Montauban (6 à 9). En 1970, les portes de la qualification se ferment de nouveau, face, cette fois, à Pau (24 à 17). En revanche, elles s’ouvrent les deux années suivantes où le Stade dijonnais élimine successivement Saint-Jean de Luz et Lyon. Quant à 1973, la défaite enregistrée contre Agen n’a pas à faire rougir (16 à 6).

Les deux accessions en huitièmes de finale sont évidemment des moments marquants : en 1971, elles opposent, sur le terrain de Montchanin, les Dijonnais, dans une rencontre épique, au futur Champion de France, l’AS Béziers, qui ne l’emporte que dans les ultimes minutes.

En 1972, Dijon affronte un autre Grand : le CA Brive, pour lui céder après une âpre bataille : 21 à 12. A noter que les deux fois, le Stade sera « sorti » par un adversaire qui continuera son chemin jusqu’en finale.

Sans oublier les deux excellentes performances en Challenge de l’Espérance : victoire en 71 face à La Rochelle (12 à 8) et accession à la finale l’année suivante contre Fumel.

Retour en haut de l’affiche

Après une longue période difficile, le Stade dijonnais retrouve la première Division, plus exactement, son groupe B dont il dispute et perd la finale face à Périgueux, 9 à 6, à la fin de la saison 92-93. Après avoir éliminé Saint-Gaudens en quarts et Lyon en demies. Une performance lui permettant de revenir en haut de l’affiche. En A, comme on disait à l’époque. Bien que se jouant dans un groupe relevé, le trajet 93-94 voit les Dijonnais terminer leur poule au 6e rang sur 8, entre le Stadoceste tarbais et le Stade montois. Une place assurant le maintien ! En revanche, 94-95 est plus tortueux : le Stade finit juste avant Tyrosse, dernier de la compétition. Ce résultat en demi-teinte le contraignant à descendre dans un groupe A2, duquel il se sort très vite. Puisque, en 95-96, avec une brillante seconde place en poule qui lui vaut d’aller en barrages face à Agen, il revient au sommet de l’élite. Pour une saison seulement…La formation de la Cité des Ducs terminant dernière de sa poule, loin derrière Brive et le Paris Université Club, à l’issue de 96-97…

Certes, tout n’est pas dit ici dans cette rétrospective forcément incomplète. Dont l’objectif est simplement de faire revivre quelques moments forts. Des moments qui comptent dans le passé du Sport dijonnais. Mais surtout pas de verser dans le conseil simpliste, au moment où l’équipe de 2020 va entrer en « Nationale ». Un « copiez vos aînés et vous réussirez » serait un peu court…et anachronique. Les périodes sont différentes et le monde du rugby d’aujourd’hui n’a plus guère à voir avec celui d’avant…En revanche, le ballon, lui, est toujours ovale et pour le conquérir et le conduire dans l’en-but d’en face, il faut toujours autant de sacrifices, de courage, de solidarité sans faille et d’adresse… Avec ces qualités et de l’ambition, la formation dijonnaise pourra nous offrir un beau parcours dans les années qui viennent…Bon vent le Stade !

André Grizot

 

Un titre prometteur

Parmi les souvenirs heureux, il faut mettre en bonne place le titre de Champion de France obtenu par les juniors à Lyon en 65, réussissant l’exploit de battre le Racing pourtant auréolé de six titres consécutifs. Les jeunes Dijonnais, après avoir fait chuter Grenoble, Béziers, Lannemezan en phases finales donnaient, devant les 30000 spectateurs de Gerland, la leçon au maître parisien : 12 à 6. En inscrivant trois essais par Belin, Brullebaud et l’arrière Crebier qui compléta le score par un drop. S’appuyant sur un solide paquet d’avants bien emmené par Lager, Bretenet et Barthomeu, une grande équipe se fit découvrir lors de cette finale, avec à la manœuvre pour mener le bal, le duo Equey-Savin, étincelant d’adresse et de vista, pour lancer leurs trois-quarts, fringants d’une classe prometteuse… Aux lendemains de ce titre, ces jeunes, pour la plupart, rejoindront l’équipe première pour lui assurer quelques beaux jours !

A deux doigts de venir à bout du grand Béziers

Le Stade s’est parfois hissé au niveau des plus Grands ; il fut à deux doigts de faire mordre la poussière au grand Béziers qu’il affronta en huitièmes de finale du Championnat de France dans un match de titans, au printemps 71, à Montchanin. La mêlée dijonnaise tint bon longtemps face à la lourde machine biterroise et les Chapuis, Milesi, Carminati, soutinrent courageusement et crânement la comparaison avec l’expérience des piliers adverses. Oudanovitch et Verguet soufflèrent même des balles en touche à l’attelage des internationaux Palmié et Estève. La troisième ligne Leduc, Pons, Salahub empêcha la paire Richard Astre-Cabrol de conduire le jeu comme elle l’entendait. Au contraire, Gérard Savin, intelligemment alimenté par son demi de mêlée et ses passes longues, utilisait sa botte à la perfection pour porter le danger chez l’adversaire. Ou bien, s’appuyant sur sa clairvoyance et une rapidité hors pair, servait ses arrières, plus créateurs et incisifs que leurs vis-à-vis. Il faillit ainsi envoyer Belin, Jeannin et Delsuc en terre promise… Longtemps, le score de 0 à 0 rendit nerveux le futur Champion de France qui ne dut, cet après-midi là, sa qualification qu’à la chance et à quelques fautes de son adversaire dans les ultimes minutes.

Toulouse à terre au Parc des Sports

Une vingtaine d’années plus tard, le Stade dijonnais, cette fois, tient… jusqu’au bout en mettant à terre, sur la pelouse du Parc des Sports, un Stade toulousain, qui va être sacré, huit mois plus tard, Champion de France et est à l’aube de son double règne hexagonal et européen. Un 3 octobre 1993, devant 5 000 spectateurs euphoriques, les essais transformés de Prompt et Labassa, les pénalités de Debarbieux et Miguet, complétés par le drop de Carteau terrassent 26 à 19 l’équipe haut-garonnaise. Où les internationaux, Emile Ntamack, Christophe Deylaud, Christian Califano, sans avoir mal joué puisqu’ils ont marqué trois essais, sont battus par plus forts qu’eux. Derrière leur capitaine Di Stephano, les Dijonnais ont fait bloc. En jouant… à la toulousaine ! Et c’est bien là le principal mérite des joueurs de la Cité des Ducs : ils l’ont emporté au courage et à la solidarité, alliés à un esprit d’attaque constant. Faisant circuler le ballon et, surtout, prenant, tous les risques…Tout en se transcendant !

Les souvenirs de Jean-Marc Chapuis

Arrivé au Stade en 69, Jean-Marc Chapuis conserve fièrement le souvenir des bonnes années 70. Pilier, il eut fort à faire, face à des premières lignes expérimentées, solides, à la carrure souvent internationale. Sans jamais plier, prenant toute sa part dans le combat toujours rugueux entre les paquets d’avants. Afin de conquérir des bons ballons pour son équipe…De sorte que, dans sa mémoire, demeurent encore gravés les liens forts qui unissaient les joueurs de la Cité des Ducs, soudés en un bloc respecté et redouté, y compris par les équipes les plus réputées. Parmi les faits marquants qui lui reviennent, ce sont bien sûr les deux matchs de huitièmes de Championnat de France, avec un comportement plus qu’honorable du Stade dijonnais face à ce qu’on faisait de mieux à l’époque : l’AS Béziers puis le CA Brive de Roger Fite. Ce sont aussi les émotions éprouvées à l’entrée sur les pelouses au milieu de stades pleins à craquer : celui de Clermont- Ferrand, en 72, pour le huitième de finale face aux Brivistes, l’impressionna : il était bondé ! Et pourtant, on était en terrain « neutre » ! Ce sont également les déplacements toujours très longs, jusque parfois dans les Pyrénées ou les Landes, effectués en autorail spécial, avant d’être remplacé par un petit avion qui avait parfois des difficultés à revenir jusqu’à Dijon, en raison du brouillard. Ce sont enfin les qualités de ses équipiers, avec une mention spéciale à Gérard Savin et Jean-Marie Pons : « Si ces deux-là avaient appartenu à une équipe du Sud-Ouest, ils auraient été sélectionnés en Equipe de France ! ».

Yvon Salahub : Le rugby et ses valeurs

Le regretté Yvon Salahub incarnait le rugby et ses valeurs. Doué de moyens physiques exceptionnels alliant force, vitesse et adresse, doté d’une intelligence de jeu conduisant ses partenaires à donner le meilleur d’eux-mêmes, il savait toujours mettre sa générosité dans l’effort au service du collectif. Formé au CS Beaune avec lequel il décrocha le titre national de troisième série en 1963, il fut quatre fois de suite Champion d’Académie avec l’Ecole Normale d’instituteurs. Leader écouté et montrant sans cesse la voie à ses coéquipiers de la rue Charles-Dumont, il entraînait les siens à la victoire. Notamment au cours de duels épiques face au quinze du lycée Hippolyte-Fontaine emmené par un jeune demi d’ouverture de classe…Gérard Savin. En avril 1965, il est sélectionné en Equipe de France scolaire et marque, à Dijon, sur la pelouse du Parc des sports, un essai face aux Gallois. Au poste de trois-quart aile… La même année, il rejoint le Stade dijonnais…et Gérard Savin. Pour, immédiatement, intégrer l’équipe première, alors dans la poule 6 du Championnat de France et prendre, dès le début de la saison 65-66, une part importante dans le partage des points face à Béziers : 3 à 3. Toujours en position de trois-quart aile. Avant de s’installer, pour longtemps, dans la troisième ligne stadiste, aux côtés de Jean-Marie Pons. C’est là qu’il va donner sa pleine mesure.