SORTEZ CHEZ VOUS !

Puisque nous sommes (encore) contraint.e.s à être confiné.e.es, voici mon choix hebdomadaire, forcément très subjectif, pour continuer à sortir de chez vous tout en restant à la maison. Il y sera encore question de la Villa Médicis, de Marivaux et d’un monde du travail en pleine mutation.

# MUSIQUE Sur Arte Concert

CHRISTOPHE À LA VILLA APERTA (2014), réalisation Thierry Villeneuve.

En hommage au chanteur Christophe, grand collectionneur de films et compositeur de la remarquable B.O de LA ROUTE DE SALINA (1970) de Georges Lautner, vous pouvez revoir la performance qu’il avait livrée, seul au piano, dans les jardins de la Villa Médicis à Rome, en 2014, lors du festival Villa Aperta. Magnifique ouverture dans les rues de Rome, la nuit, à bord d’une vespa rouge pour l’introduction du « Beau Bizarre ».

Pour son premier concert italien depuis quarante ans, le dandy avait soigné son apparence : santiags, veste noire, lunettes bleues. Clin d’œil à ses racines transalpines, il avait enrichi son répertoire de belles bizarreries locales : « La Dolce Vita », « Le dernier des Bevilacqua », « Emo », traduisant même certains couplets pour l’occasion. Seul au piano, le crooner évoquait ces projets futurs – son nouvel album « Les vestiges du chaos » -, et déroulait ses succès fous –« Hou ! Hou ! », chantaient alors en chœur et en transe les groupies du pianiste. «Normalement, le chanteur quitte la scène, le public le rappelle, il revient, plaisantait Christophe peu avant la fin du concert. Avec moi, pas besoin de ça. Je me rappelle moi-même, comme ça je suis sûr que je suis là». Unique, solaire et solitaire.

https://www.arte.tv/fr/videos/055978-000-A/christophe-a-la-villa-aperta/

# THEATRE Site de la Comédie Française

LE PETIT MAÎTRE CORRIGÉ de Marivaux, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, réalisation Don Kent. Avec Florence Viala, Loïc Corbery, Adeline d’Hermy, Clément Hervieu-Léger, Claire de La Rüe du Can, Didier Sandre, Christophe Montenez, Dominique Blanc et Aude Rouanet. La pièce devait être jouée au théâtre Marigny du 13 juin au 2 juillet 2020.

Rosimond, Petit-Maître habitué aux manières de la Cour, se rend à la campagne où il doit épouser la jeune Hortense. Mais celle-ci, refroidie par leur première entrevue, entreprend avec sa servante Marton de le « corriger » et de mettre à l’épreuve les sentiments du jeune homme. Alors que Rosimond égare une lettre de son ancienne amante Dorimène, qui tombe malencontreusement dans les mains de Marton, l’arrivée de celle-là complique encore la situation : Dorimène prétend épouser Rosimond et jette dans les bras d’Hortense le jeune Dorante. Nous sommes bien chez Marivaux !

Clément Hervieu-Léger met ici le dix-huitième siècle en résonance avec notre époque, la langue y étant « plus simple que dans d’autres pièces de Marivaux, toujours aussi fine, juste et pleine d’humour ». Il révèle ainsi, à travers cette pièce que l’on n’avait plus vue à la Comédie-Française depuis sa création en 1734, un théâtre atemporel : « La notion de petit-maître peut nous sembler bien étrangère, mais ne connaissons-nous pas, nous aussi, de jeunes élégants et élégantes, aux manières affectées ou prétentieuses, pour qui la mode est le seul guide ? Si on le caricaturait un peu, c’est ce que l’on appellerait aujourd’hui un fashion addict. »

La réalisation est signée du prestigieux Don Kent, metteur en scène d’origine écossaise, qui réalisa de nombreuses émissions pour la télévision dans les années 1980-1990 (« Droit de réponse », « Les Enfants du rock », « Le Cercle de minuit » que vous pouvez retrouver sur le site de l’INA) et devient ainsi un spécialiste du direct. Documentariste (« De Serge Gainsbourg à Gainsbarre », 1994, « Jeff Buckley, Fall in light », 1999), il est un des grands noms de la captation de spectacle vivant, bien qu’il n’aime pas le mot : « Je n’aime pas les mots capter ou captation qui évoquent une cage. J’essaie toujours d’interpréter, d’amener quelque chose, une fenêtre. » Voilà qui est dit !

Diffusion sur France 5 le dimanche 10 mai à 20h30, également sur YouTube :

https://www.youtube.com/watch?time_continue=7&v=uMbZY7kjktE&feature=emb_logo

# FILM sur Arte Cinéma

RIENS DU TOUT (1992) de Cédric Klapisch avec Fabrice Luchini, Jean-Pierre Darroussin et Odette Laure.

On trouve tout aux Grandes Galeries, sauf la rentabilité. Les actionnaires nomment un nouveau PDG, M. Lepetit (Fabrice Luchini, auréolé de son succès dans LA DISCRETE), et lui donnent un an pour redresser la situation financière du magasin. Jeune loup déterminé, Lepetit réunit le personnel, lui prodigue de grands discours sur la vie au sein de l’entreprise, et n’a à la bouche qu’un mot d’ordre : soigner le facteur humain pour promouvoir le dépassement de soi. Les employés participent à des thérapies de groupe, chantent dans une chorale, sautent à l’élastique et Lepetit lui-même s’astreint à suivre les cours d’une conseillère en communication. En systématisant l’informatique, il réduit de moitié les frais généraux. Mais peu à peu, la belle ambiance se fissure…

Premier long-métrage de Cédric Klapisch avant LE PERIL JEUNE (1994) et UN AIR DE FAMILLE (1996), le jeune réalisateur compose ici une comédie qui oscille entre le burlesque d’un Tati et le sérieux d’un Depardon. Il brosse une galerie de portraits plus drôles et justes les uns que les autres. On y croise, au rayon mode, une jeune vendeuse vaniteuse, aux jouets, un chef de rayon don Juan et solitaire, à la peinture, une vieille employée qui donne des rendez-vous galants à sa caisse… Sans oublier le nouveau patron luchiniesque, parfaitement bien décidé à appliquer les recettes du management moderne. Un portrait réussi d’un monde du travail en pleine mutation. Déjà !

https://www.arte.tv/fr/videos/028065-000-A/riens-du-tout/

Belles soirées à vous toutes et tous, et surtout portez vous bien !

Raphaël Moretto