Le patron rebelle avec un cœur gros comme ça

Il aura cultivé avec un entêtement farouche son image de rebelle. Provocateur toujours, exigeant, sans indulgence pour lui-même, s'appuyant sur un langage différent du ronron habituel et un ton à la fois gentiment moqueur, complice et confident, Patrice Tapie aura occupé jusqu’en 2014, une place à part dans le paysage socio-économique.

De famille, Patrice Tapie, Côte-d'orien pure souche qui a poussé son premier cri dans la plaine de la Saône, en aura connu deux : son foyer et la CGPME (1) dont il aura été la pierre angulaire pendant 20 années de bons et pugnaces services et qu’il a imposée comme un contre-pouvoir capable de contrarier n'importe quel pouvoir... L’organisation patronale à laquelle il adhère en 1981, peu de temps après avoir créé son agence de communication, il va la développer à sa façon pour en faire une des plus puissantes de l’hexagone. En 20 années de présidence (1994 – 2014), ce gladiateur des temps modernes souvent partagé entre consensus et dissidence, va faire de la CGPME une vitrine du syndicalisme patronal et un interlocuteur incontournable des politiques et de l’administration. Que dire en effet de l’énergie déployée pour aider les PME face aux banques, à l’URSSAF, à l’administration fiscale, aux juridictions professionnelles… ? Une disponibilité de tous les instants ! Et ce n’est pas le fait d’avoir reçu l’ordre du Mérite ou encore la Légion d’Honneur qui le feront baisser d’un ton, fermer les yeux ou détourner le regard. C’est mal connaître ce mousquetaire toujours prêt à brandir l'épée pour la bonne cause et qui campe volontiers, et sans trop se forcer, le rôle de l'empêcheur de tourner en rond.

Tout ce qu'il dit a du poids, de la densité, de l'intensité. Il a cet art consommé de capter l'attention, intéresser, passionner. De la chaleur la plus sincère à la sévérité la plus féroce, sans jamais oublier une pointe d'ironie délicate ou acide selon la cible. Pas étonnant donc qu’on joue des coudes pour être l'invité de ses diners-débats même si on sait que Patrice Tapie ne va pas servir que des gracieusetés à ses hôtes qu'il chatouille, gratouille ou houspille, selon ses humeurs. Ils sont nombreux à avoir fait les frais de l’étincelle qui marque les esprits ou du dérapage salutaire.
Les conventions annuelles de la CGPME attirent à Dijon des ministres de gauche comme de droite, des philosophes, des écrivains, des patrons qui viennent raconter leur success story… Cerise sur le gâteau : Lech Walesa en personne honorera son invitation.

En 2008, il est à l’origine d’une première nationale qui s’inscrit dans la droite ligne des récentes évolutions législatives européennes et nationales : un « Small Business Act » qu’il signe avec François Rebsamen afin que les TPE et PME locales puissent accroître leur part dans les marchés publics de Dijon et du Grand Dijon.

Les copains d'abord

Patrice Tapie dispose d'un atout formidable, imparable : il ressemble à ses adhérents, celui avec qui on a envie de boire un pot. Il fonctionne à l’affectif et prône la confiance réciproque. Les patrons reconnaissent en lui un vrai chef et un gros bosseur qui se met régulièrement en rogne contre pêle-mêle contre les entreprises du CAC 40, les politiques qui ne tiennent pas leurs promesses, les fonctionnaires obtus, sans oublier ceux qui ne renvoient pas l'ascenseur...

Mais derrière l’inépuisable combattant se cache comme souvent « un bon mec », un ami généreux qui aime les choses carrées. Un homme simple qui lit aussi bien le dernier Michel Onfray qu'un San Antonio, qui aime les copains d'abord, la chasse, la pêche, la cuisine, les Indiens d’Amérique, l'art africain et le rock. Au fond, un sentimental qui pique à l'extérieur mais est tout doux à l'intérieur.

Jean-Louis Pierre

  1. Confédération générale des Petites et moyennes entreprises
1952 : Naissance à Auxonne

1979 : Crée AMT avec son frère Alain

1981 : Adhère à la CGPME

1994 : Elu à la présidence de la CGPME

2014 : Quitte la présidence de la CGPME