Le chef (g)astronomique

Tout comme le Guide Michelin qui lui a accordé une étoile dès 1993, nous plaçons Stéphane Derbord au firmament des chefs dijonnais des deux dernières décennies. Il faut dire que le grand chef du restaurant éponyme de la place Wilson aura été l’un des meilleurs ambassadeurs de la Bourgogne… et de la gastronomie.

Une très belle page (gastronomique) s’est tournée au mois de décembre dernier. Au moment où Stéphane Derbord a cédé ses fourneaux à Tomofumi Uchimura, second de cuisine de la maison Lameloise, trois étoiles à Chagny. Nous pourrions écrire un livre, tellement les recettes de ce chef emblématique de la Cité des Ducs ont su régaler les papilles des nombreux clients de son établissement. Des clients pour la plupart devenus des habitués inconditionnels… de ses recettes, conjuguant toujours tradition et créativité, et faisant la part belle à l’authenticité, à la qualité des produits et au travail des fournisseurs. 
Si nous devions délivrer, comme le célèbre Guide Rouge qui lui a accordé une étoile dès 1993 dans son précédent restaurant de Cosne-sur-Loire (le Sévigné), un astre aux meilleurs ambassadeurs de la Bourgogne, Stéphane Derbord serait tout en haut. N’ayant pas son pareil pour sublimer les bons produits de la région ! En revanche, pour parler de lui, il serait tout en bas, ayant l’humilité chevillée au corps et cœur. 
Plaçant la notion d’équipe au-dessus de tout, des plongeurs aux serveurs, en passant par les cuisiniers, il a toujours eu… le goût des autres. Appréciant faire bonne chère, la réalisatrice Agnès Jaoui ne nous en voudra de reprendre le titre de son film pour évoquer ce grand chef qui a marqué les deux dernières décennies à Dijon. Avec, aussi, une cuisine qui se fait au goût… du jour, les produits étant toujours de saison.

Du grand art

C’est en 2001 qu’il est revenu dans la capitale régionale, 35 ans après avoir essuyé les bancs de l’école hôtelière du lycée Simone-Weil. Et ce, en prenant la succession d’un autre grand chef, Jean-Paul Thibert… Tout comme celui-ci, il a érigé l’ancien relais de poste du XVIIe siècle de la place Wilson au firmament des adresses gastronomiques… mais aussi vineuses, puisque ce Poitevin d’origine n’en était pas moins devenu un Bourguignon converti. L’une de ses formules est toujours à consommer sans modération : « C’est culturel… le vin est indissociable d’un bon repas ! »

Avec son épouse Isabelle, Stéphane Derbord, qui est passé, rappelons-le, par de grandes maisons à l’instar de Guy Savoy à Paris ou encore l’Hôtel de Paris à Moulin, a porté haut les couleurs de l’art gastronomique bourguignon. Du grand art… Véritable chantre de nos terroirs, il s’est aussi impliqué dans la défense de sa profession, avec de multiples engagements au niveau professionnel : que ce soit auprès de la Chambre de métiers, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)… et plus récemment auprès de l’Amicale des cuisiniers de la Côte-d’Or dont il est le président.

Faisant de la rigueur et de la simplicité les deux principales qualités d’un chef, d’aucuns se souviendront longtemps de la notion de partage qui le caractérisait : « La cuisine, c’est une affaire de sensibilités mais c’est aussi et surtout s’ouvrir aux autres. Le client ne vient pas pour qu’on lui dise comment se comporter ou quelles sont les dernières tendances du moment. Il vient pour se faire plaisir. Je n’ai jamais participé à la conquête de l’inutile, j’ai toujours défendu le concret ».

Pour rester dans le concret et la simplicité, Stéphane Derbord était l’un des chefs dijonnais (g)astronomiques par excellence !

Camille Gablo

1960 : Naissance dans le Poitou

1976 : Ecole hôtelière du lycée Simone-Weil à Dijon

1990 : Prend la direction du Sévigné à Cosne-sur-Loire

1993 : Une étoile au Guide Michelin

2001 : Succède à Jean-Paul Thibert à Dijon

2018 : Président de l’Amicale des cuisiniers de la Côte-d’Or

2019 : Cession du restaurant au chef Tomofumi Uchimura