Depuis des mois, que dis-je, au moins deux décennies, les Urgences sont en… urgence absolue. Toubibs hospitaliers, chirurgiens, chefs de service, infirmiers ou infirmières observent une grève et maintiennent fermement leurs revendications, tout en prodiguant des soins ou en accomplissant des actes opératoires. Ils ne cessent d’affirmer que le capital vital des hôpitaux est engagé. Nul n’en ignore les raisons multiples : service des urgences en surchauffe, recours du public à celui-ci de façon pas toujours appropriée, absence de coordination entre la médecine hospitalière et le secteur libéral, manque de moyens dans les CHU ou les hôpitaux de petites villes etc.
Précisons que Paris est parfois plus mal loti que la province : de grands hôpitaux tels que Saint-Joseph dans le 14ème et Cochin, où l’accueil des malades ainsi que leur suivi dans certains services laissent à penser que le respect dû au malade est au mieux négligé faute de personnel et, au pire, bafoué !
Ne généralisons pas : les CHU de Nîmes, de Lyon, de Clermont-Ferrand, de Nantes, de Rouen ou de Dijon ou même de petites structures comme à Bagnols-sur-Cèze allient qualité des soins, hygiène rigoureuse et - ô miracle - humanisme…
Au plan national, qui profite d’un tel état des lieux ? Les gros hôpitaux privés régis par des fonds de pension australiens ou américains et qui semblent avoir pour l’instant la cote auprès des patients. Attention ! Ils sont administrés selon les lois du management moderne ainsi que dictés par le souci d’un retour rapide sur investissement au profit des actionnaires. A méditer…
Les rapports soins/malades sont complexes : les remboursements de la Sécu représentent une part importante du PIB. L’état de la santé apparaît souvent paradoxal en France : on a d’un côté une médecine hospitalière moderne, des blocs opératoires de pointe, des traitements très ciblés, donc coûteux, une avancée prometteuse de la thérapie génique, et d’autre part on déplore le dénuement criant de certains établissements en ville comme en zones rurales (1). Ajoutons par ailleurs le lobbying des firmes internationales pharmaceutiques ou des fabricants de matériel médical auprès des dirigeants du secteur hospitalier et des médecins chefs de service. Ces trusts pratiquent une politique offensive, orientent la recherche médicale ou les traitements, sans toujours afficher la préoccupation des patients. Enfin, n’oublions pas que les nouvelles aspirations exprimées par la société contemporaine ont un coût. Telles que ? Les banques de spermes, la PMA (alias procréation médicalement assistée) à tous les couples d’hétérosexuels, d’homosexuels, de lesbiennes en attente d’enfants. D’autant qu’inévitablement la GPA, la grossesse pour autrui, semble inéluctable dans l’hexagone, dans un avenir pas si lointain.
Oublions pour le moment le débat houleux lié aux questions d’éthique à propos du texte de loi relatif à l’extension de la PMA pour tous, et abordons un chapitre de santé fort mal remboursé par la Sécu ainsi que par bon nombre de mutuelles : les problèmes dentaires qui, faute de soins, peuvent générer à terme de gros soucis cardiaques ou autres… La pause d’un bridge, d’une couronne ou celle d’implant (de plus en plus proposée d’ailleurs par les chirurgiens-dentistes) s’avère hors de portée pour beaucoup de nos concitoyens. Un implant à quelque 2 700/3 000 €, est-ce raisonnable ? Une telle dépense a de quoi vous rester en travers de la… gorge. Qu’en pense le champion socialiste des « Sans-dents » François Hollande, qui a retrouvé tout son mordant depuis qu’il n’est plus au pouvoir ?
Marie-France Poirier
(1) Thérapie génique : méthode thérapeutique utilisant les gènes et l'information dont ils sont porteurs pour traiter une maladie génétique ou pour modifier un comportement cellulaire. La thérapie génique est aussi envisagée comme une technique thérapeutique applicable à des maladies non héréditaires telles que certains cancers ou le sida.