Merci Stéphane Derbord !

Faire plaisir aux autres… telle a été la recette de la réussite de Stéphane Derbord, dont le nom rime avec excellence sur la place gastronomique dijonnaise. Portrait, à la veille qu’il ne rende son tablier, d’un (grand) chef ayant fait du partage l’ingrédient principal de sa célèbre table de la place Wilson.

« On ne peut pas faire de bonne cuisine si lon naime pas les gens… » Cette célèbre citation est de Joël Rebuchon mais Stéphane Derbord aurait pu tout autant en être lauteur, tellement ce grand chef dijonnais a, tout au long de sa carrière, placé « le partage » tout en haut du tableau noir de ses menus. Le fait que les inconditionnels de sa cuisine, les nombreux habitués de la Maison Derbord, comme daucuns aiment la qualifier, se pressent dans son établissement avant quil ne tire sa révérence le 15 décembre illustre à quel point il a su faire des émulesTout comme le fait que, même à la veille de raccrocher la toque, il préfère encore et toujours parler des autres plutôt que de lui.

Ne lui demandez pas de se souvenir par quels établissements il est passé avant darriver à Dijon en 2001, il vous répondra par une boutade : « Quand on parle du passé, ce nest pas bon signe ! » Si vous essayez tout de même den savoir plus, vous resterez encore sur votre faim : « Jai travaillé dans des petites et des grandes maisons, et les petites maisons sont aussi importantes que les grandes… »
Avec son éternel sourire au coin des lèvres, ses célèbres expressions qui ne sont pas sans rappeler le sympathique et brillant Vincent Lindon, il a lhumilité chevillée au corps : « Etre restaurateur, cest un véritable travail d’équipe, du plongeur au chef… » Comme derrière un homme se cache toujours une femme cest dautant plus vrai dans lunivers de la restauration , nous ne pouvons pas évoquer Stéphane sans parler de son épouse, Isabelle, qui a également fait de laccueil du grand art.

Ce duo a toujours œuvré pour « le bonheur du client ». Que ce soit dans la salle ou dans lassiette, « le client ne vient pas pour quon lui dise comment se comporter ou quelles sont les dernières tendances du moment quil devra apprécier. Non, il vient pour se faire plaisir. Je nai jamais participé à la conquête de linutile, jai toujours défendu le concret et la simplicité ».

Une place forte de la gastronomie
Cest ainsi que ses recettes, réussissant la délicate alchimie entre tradition et créativité, font la part belle à lauthenticité, à la qualité des produits, au travail des fournisseurs. Son imagination sest toujours adaptée aux bons produits de la régionCest cette marque de fabrique, toujours renouvelée, que le célèbre Guide rouge a récompensée en lui accordant une étoile dès 1993 dans son restaurant de Cosne-sur-Loire dans la Nièvre.
Huit ans plus tard, rejoignant la capitale régionale, il imposa son nom en prenant la suite dun autre grand pianiste de la scène dijonnaise : Jean-Paul Thibert. Cest ainsi quun Poitevin succéda à un Bressan qui, lui aussi, fit le choix de se retirer en pleine gloireStéphane Derbord revint, par là-même, sur ses terres estudiantines, puisque, 35 ans plus tôt, il essuyait les bancs de l’école hôtelière voisine du lycée Simone-Weil.

Ses anciens professeurs devaient, sans conteste, être fiers du parcours accompli par leur élève. Celui qui explique que « rien nest jamais acquis, que lon apprend tous les jours » a su faire conjuguer lancien relais de poste du XVIIe siècle de la place Wilson avec lexcellence. Et de conforter la Cité des Ducs comme une place forte de la gastronomieet du vin. Parce que, selon lui, « cest culturel le vin est indissociable dun bon repas ». Pour les bourgognes comme pour tous les produits locaux , Stéphane Derbord sest ainsi fait le chantre de nos terroirs.

Tout comme il na eu de cesse de simpliquer dans la défense de sa profession, avec de multiples engagements au niveau professionnel : que ce soit auprès de la Chambre de métiers, de lUMIHet plus récemment auprès de lAmicale des cuisiniers de la Côte-dOr dont il a pris la présidence. Des responsabilités quil nentend pas abandonnerafin d’être encore utile aux autres. Aussi, même sil cède son piano au n°2 de la Maison Lameloise à Chagny (3 étoiles au Guide Michelin), Tomofumi Uchimura, vous reverrez ce grand chef
Une bonne nouvelle puisque nous parlons dun grand monsieur de la gastronomie (mais pas seulement). Le dessert à cet article simpose de lui-même : Merci Stéphane Derbord !

Camille Gablo