Catherine Trottmann donne de la voix

La jeune Dijonnaise, Catherine Trottmann, est souvent sur les routes des plus grandes salles d’Europe mais sans oublier sa chère Bourgogne, elle nous accorde quelques minutes pour évoquer sa vie de chanteuse lyrique.

Dijon lHebdo : Il y a 10 ans, vous aviez du mal à convaincre votre entourage que vous vouliez devenir chanteuse lyrique, aujourdhui vous interprétez les plus grands rôles dopéra, que sest-il passé ?

Catherine Trottmann : « Je me suis laissée guider dans un torrent de belles choses, faites de travail et de chance. J’étais lycéenne quand jai intégré le Conservatoire de Dijon dans la classe de Roselyne Allouche et puis tout a été rapide : différents professeurs ont accepté de modifier mon emploi du temps pour que je puisse travailler le chant lyrique, jai eu mon bac et jai été reçue première au concours dentrée du Conservatoire de Paris. Mon arrivée à Paris a coïncidé avec un premier rôle, celui de lenfant dans lEnfant et les Sortilèges de Ravel, javais 18 ans ».

DLH : Ça nest pas trop jeune pour être propulsé dans ce monde ?

C. T. « C’était déroutant au début, j’étais attachée à Dijon et à ma famille, jai six frères et sœurs donc jai grandi très entourée tandis que là-bas je me suis retrouvée seule mais ladaptation sest finalement bien passée. Dailleurs les premières années se déroulent entre concerts ou récitals mais aussi au Conservatoire, donc il y a une période de transition. Et puis je revenais, et je reviens toujours régulièrement en Bourgogne, jen ai besoin ».

DLH : Comment décroche-t-on des rôles ?

C. T. : « Au Conservatoire, on peut nouer des contacts, des relations via les professeurs ou l’établissement qui organise des auditions. Ensuite, on entre dans une agence et on signe alors des contrats deux ou trois ans à lavance dans des Opéras. Il y a également des rencontres déterminantes : de mon côté, cest pendant une Académie d’été que jai rencontré le directeur de lOpéra de Metz qui ma offert mes premiers engagements dans une vraie maison dopéra. Pendant ma dernière année d’études je suis allée auditionner pour Dominique Meyer, directeur de lOpéra de Vienne qui ma proposé de venir y passer une année, où jai été plongée dans une vie de troupe, au milieu de stars du monde de lOpéra. Enfin, la médiatisation joue, jai été bien plus sollicitée après ma nomination aux Victoires de la Musique 2017 ».

DLH : Une personne vous a inspirée plus que les autres ?

C. T. : « Je dirais quune personne a été décisive, il sagit de Cécile Perrin qui était venue évoquer son métier au collège Pardé où j’étais alors élève en classe musicale. Son intervention mavait beaucoup marquée car javais compris que ce choix de vie était possible. Je lai croisée par hasard dernièrement à lOpéra de Paris, elle ma chaleureusement félicitée pour un concert auquel elle avait assisté, elle ne soupçonnait pas que nous nous étions rencontrées bien plus tôt ! Je lui ai rappelé ce souvenir et échanger notre admiration réciproque a été un moment très émouvant ».

DLH : Cest un milieu où être une femme est compliqué ?

C. T. « Oh que oui ! Une jeune femme se sent très vite menacée par un directeur, un chef dorchestre ou toute personne avec qui elle a une relation hiérarchique, il peut y avoir des pressions ou déviances comme dans nimporte quel domaine où il y a du pouvoir et de largent dailleurs. Je lai parfois mal vécu, être vue comme une proie est cruel ».

DLH : Est-ce que vous avez un objectif à long terme ?

« … Pas vraiment. Je vis ce quil marrive avec beaucoup de bonheur mais cest une vie de sacrifices, un monde compliqué, il y a beaucoup de lutte, le poids de la critique est lourd et puis cest un milieu élitiste donc assez fermé. Il y a également des éléments que je ne peux pas maîtriser comme le jeunisme, très présent à lOpéra, ou bien l’évolution de ma voix : à 27 ans je passe de mezzo-soprano à soprano, ce qui modifie lattribution des rôles. Si tout devait sarrêter ,ça ne serait pas la fin du monde pour moi, jen profiterai pour faire autre chose plus proche de ma Bourgogne chérie, peut-être autour de la restauration, du vin ».

DLH : Il paraît que vous avez un lien tout particulier avec le monde viticole

C. T. : « En effet, jai grandi au milieu des vignes entre la Saône-et-Loire et la Côte-dOr, jai un oncle vigneron et je suis même devenue Chevalier du Tastevin au Clos de Vougeot en mai dernier ! Je suis dailleurs actuellement en pleine répétition dun rôle en lien puisque je vais jouer la Traviata pendant 6 semaines à lOpéra Garnier ».

Propos recueillis par Caroline Cauwe