Trois grandes notes de musique et s’en vont…

« Trois amis, trois maîtres qui m’ont marqué, accompagné au cours de ma vie de compositeur et de trompettiste. Ils viennent de nous quitter récemment. J’en ai une peine infinie, énorme… » Au siège de l’association Vivartis dont il est le fondateur et l’âme, Thierry Caens évoque ainsi sobrement la disparition de Michel Legrand, Marcel Azzola et Jean Guillou. Trois géants, dont il entend perpétuer l’héritage musical, rendre hommage au cours des nombreux concerts qu’il donne, ainsi qu’à travers ses propres compositions. Ne vient-il de signer la belle réalisation musicale du film dédié au renouveau et à la réouverture en mai du Musée des Beaux-Arts ?

Dijon l’Hebdo : Vous dites fréquemment que Michel Legrand a été un repère dans votre carrière…

Thierry Caens : « Oh ! Je n’aime pas trop ce mot de carrière, je lui préfère « parcours ». Disons qu’il a été un ami, et un ami qui n’a cessé de m’accompagner, de me suivre : c’est ainsi qu’au sommet de sa gloire, il n’a pas hésité à participer au festival « Musique au Chambertin » que j’ai fondé. Ce qui me charme chez lui, c’est la palette de cet esprit curieux, éminemment inventif. Palette fantastique, à laquelle je me réfère et me réfèrerai toujours. Sa musique m’a illuminé : elle est merveilleuse, joyeuse, tellement romantique, avec ses pointes de langueurs nostalgiques… Son art a consisté à écrire une musique sophistiquée, tout en étant accessible au plus grand nombre. C’est là une équation très difficile à réaliser. Il a su créer un style qui a marqué profondément la musique aux USA principalement : il a écrit des œuvres orchestrales magistrales, tout en composant des partitions pour Sinatra, Michael Jackson, etc.

Justin Hurwitz, le compositeur de la musique du célèbre film La La Landa déclaré dans de nombreux interviews combien Michel Legrand – notamment par le biais des Demoiselles de Rochefort– avait été source d’inspiration ! »

Dijon l’Hebdo : Est-il exact, à votre avis, de dire que la France, contrairement aux USA, s’est montrée ingrate à l’endroit de Michel Legrand ?

T.C : « C’est à mes yeux, là, une injustice criante. Quand je pense que Melville a refusé la musique qu’il avait composée pour son film Le Cercle Rouge ! Michel a signé des compositions magnifiques pour le cinéma américain ; c’était une personnalité « hors des clous » ; et c’est ce qui, précisément, a empêché une partie de l’intelligentsia française de l’apprécier à sa juste valeur… C’était un génie qui a réalisé ses envies de s’échapper vers de nouveaux horizons. Sa femme Macha Meryl a l’intention de faire davantage connaître sa musique, ou plutôt toutes ses musiques. Je me propose d’ailleurs de l’aider… » 

Dijon L’Hebdo : Reprenons votre mot « Trois amis, trois maîtres », et revenons à Jean Guillou, organiste, pianiste, compositeur et grand improvisateur ainsi qu’à l’époustouflant Marcel Azzola.

T.C : « En effet, j’ai beaucoup travaillé avec Jean Guillou, titulaire de Saint-Eustache, et dont j’ai été le trompettiste attitré. C’était l’un des derniers à posséder le brio, la technique, la virtuosité au service de l’improvisation à l’orgue. Sa culture allait au-delà de l’instrument pour toucher à l’écriture savante et orchestrale. D’ailleurs lors du festival TC 31à Dijon en 2015, je lui ai rendu hommage en donnant son concerto King ArthuretEbauche d’un souffle. Quant à Marcel Azzola dont on ne compte plus les compositions pour le cinéma – le grand public le connaît surtout pour avoir été l’accordéoniste de Jacques Brel -, il m’a fait l’amitié de participer à « Musique au Chambertin ».

Propos recueillis par Marie-France Poirier