Au mois de janvier 1964, des murs tout neufs entourés de graviers et sans aucune grille sur la rue accueillent près de 1 000 élèves : Montchapet était sorti de terre.
Au moment de son ouverture, cela fait 20 ans que l’Education nationale cherche à alléger les effectifsdu lycéeCarnot. Et ni Hyppolite Fontaine ni le Castel, construit seulement deux ans avant Montchapet, ne résolvent le problème deseffectifscroissants. Car comme dans le reste de la France, Dijon fait face à une urbanisation et une démographie grandissantes -l’année 1962 voit ainsi surgir le campus universitaire et le centre hospitalier du Bocage- etentreprend le terrassement dulac Kir et fait débuter la construction de ce nouveau lycée.
Cinq ans plus tôt un avis favorable avait été donné à son édification sur un terrain d’environ 4 ha, étendu à 7 ha en 1959, au lieu-dit « les Génois ». À ce moment-là, le boulevard Pompon n’est pas encore rattaché à l’avenue Victor Hugo et le quartier est un ensemble de cultures, de jardins et de vergers entre Fontaine-lès-Dijon et Talant. Initialement prévu pour la rentrée 1963, la mise en service ne se fait qu’en janvier 1964 car le rude hiver précédent a retardé les travaux. Les élèves sont donc répartis quelques mois entre les lycées Carnot, Hyppolite Fontaine et le Castel.
Seul établissement dans le secteur nord-ouest de Dijon, le lycée attire rapidement du monde, et chaque année un peu plus. 25 ans après sa création, les quelque 950 élèves de départ sont devenus 1 750 et l’utilisation de préfabriqués peu confortables est donc devenue obsolète. En 1988, « l’extension » est construite au bord de la rue Pierre Loti et parachève ainsi un ensemble moderne composé de six bâtiments entourés d’une esplanade dallée et de grandes pelouses.
Entre-temps, un projet a été abandonné, celui du nom de l’établissement. Il aurait dû s’appeler Édouard Estaunié, en hommage à l’académicien né en 1862 à Dijon, mais le quartier l’avait emporté et le lycée était déjà naturellement nommé Montchapet, ou, plus souvent, « Montchap’ ».
Pas de barrière, pas de passé et pas non plus baptisé du nom d’un homme illustre, telles ont été la modernité et la simplicité qui ont fait l’essence de Montchapet.
Caroline Cauwe
Ils y étaient la toute première année
Colette Meunier, professeur de physique-chimie : « Arriver dans un lycée encore en chantier était particulier car je traversais en petits talons des cours de graviers ou de terre, mais ce lieu plein d’espace et de lumière a immédiatement plu à tout le monde, élèves comme professeurs. Nous étions une équipe composée de jeunes enseignants uniquement et l’atmosphère était très amicale. À l’époque, il n’y avait pas de barrières autour, c’était ouvert, et au sens propre comme figuré car le proviseur, M. Raoux, a été l’un des premiers à instaurer ce qu’on appelait « un lycée expérimental », et ceci avant mai 68. C’était tellement original que j’avais des appels de collègues en poste aux quatre coins de la France pour savoir ce qu’il s’y passait exactement. C’était un système basé sur l’auto-discipline, la cafétéria était par exemple gérée par les élèves eux-mêmes, ils avaient beaucoup d’autonomie et nous avions nous-mêmes une grande liberté. Avec d’autres professeurs, M. Denisot et M. et Mme Ratel, nous avions notamment organisé des classes de neige alors que ça n’existait pas encore, dans le Jura puis les Alpes, tout ça était vraiment nouveau. Une personnalité marquante a été la seconde proviseure, Mme Litovsky, car elle alliait modernité et discipline. Elle a d’ailleurs été la 1èrefemme en France proviseure d’un lycée d’État mixte, c’était au début des années 70. J’ai quitté Montchapet dans les années 90, j’y suis donc restée 30 ans et j’en garde d’excellents souvenirs ».
Alain : « À ce moment-là, on ne différenciait pas collège et lycée, je suis donc arrivé en classe de 3ème au lycée Montchapet, après 3 mois passés à Carnot. M. Gounand était le surveillant général, il poussait des cris pour terroriser les plus petits mais nous on savait qu’il n’était pas si terrible, on l’appelait le « sur-gé », et quand on voulait prévenir un copain qu’il était dans le coin on disait : « Sus ! Y’a le sur-gé ! » Je faisais partie des élèves sportifs et nous étions souvent inscrits dans diverses compétitions. Mon plus grand souvenir est notre victoire au championnat de France d’athlétisme en juin 66, c’est M. Ratel qui nous y avait emmenés et nous étions rentrés de nuit depuis Alençon. Arrivés à Dijon à 3 heures du matin, nous avions fêté la victoire dans une brasserie en face de la gare et bu du champagne dans la coupe gagnée ».
Philippe : « J’ai passé le premier trimestre au lycée du Castel puis j’ai intégré Montchapet, pendant mon année de 5ème. J’ai un souvenir très précis de M. Raoux qui était un grand barbu avec une certaine aura, de M. Denisot, un professeur de lettres facétieux et de M. Gounand, qui faisait peur comme surveillant général mais en tant que professeur d’histoire il était passionnant. En plus des cours traditionnels, nous pouvions assister à des cours très modernes comme celui sur le système binaire mais ça ne faisait pas partie du programme, c’était pour les élèves qui le souhaitaient. L’autre particularité était que tout était ouvert sur les alentours, je m’en souviens bien parce qu’une jeune fille ravissante habitait l’un des jardins qui touchent le stade et pendant le cours de sport, tous les garçons louchaient en direction de ce jardin ».
Propos recueillis par C. C