Satisfaire à des démarches administratives ne nous peint pas de rêves sur la Toile. Pas plus que sur une version papier. Bonjour les économies ! Car ces deux façons de procéder sont couramment obligatoires, en dépit du simple bon sens…
Une démarche administrative quelle qu’elle soit devient d’une complexité folle : on devient le prisonnier d’une jungle législative, d’une complication juridique qui prospèrent sur l’humus de textes plus ou moins abscons, voire totalement contradictoires. A accumuler des strates de circulaires, d’amendements aux décrets d’application des lois, l’usager (usagé ?) suffoque sous le poids de l’abstraction absurde. Il y aurait urgence à simplifier. Faute de quoi, on continuera à aller droit dans le mur, ou à recourir à ces sociétés de services fort onéreuses qui se font du fric sur le dos de la plupart de nos concitoyens confrontés à un décès dans la famille ou – autre cas de figure parmi mille autres – à l’admission d’un proche dans un EHPAD.
Imaginez ce monde à la Kafka que nous vaut désormais le moindre formulaire. Et dire qu’on s’est plu à nous dire et redire que l’usager est en pleine possession de ses droits, grâce à la révolution numérique. Jugez-en ! Pas moyen aujourd’hui d’accéder en direct au labyrinthe Google pour résilier un contrat, un bail ou pour inscrire un proche à un stage de formation ou encore pour satisfaire à une démarche administrative. On tombe sous le joug d’une attaque virale de pubs incongrues ou d’enquêtes de satisfaction surgissant plein cadre sur votre écran d’ordi. Alors qu’on s’emmêle les crayons à venir à bout d’un litige avec un organisme ou un service de l’Etat :
– Z’êtes content des nouveaux conditionnements des bouteilles de lait Lactabel ?
– Quelle note de satisfaction donnez-vous à notre service de livraison sur une échelle de 1 à 5 ?
– Votre dépanneur de chaudière vous a-t-il paru très compétent, compétent, peu compétent ou pas du tout compétent ?
V’lan, d’une pichenette, vous pensez avoir chassé l’inopportun questionnaire ! Et voilà que surgit, illico presto, dans un tintamarre assourdissant l’arrivée de la nouvelle cylindrée d’Auto +++ qui oblige à passer sous les roues d’une mini-vidéo de 40 secondes.
La séquence achevée, on vous retrouve à appuyer manu militari sur votre souris – clic gauche – transformée en chasse-mouche. Vous parvenez à accéder au fameux formulaire, dont l’accès vous fut refusé tout au long de l’acte I et de l’acte II de ce Courteline du jour. Jour de chance enfin : vous venez de taper le bon mot de passe et vous n’avez pas pommé vos identifiants. Très-très importants, les IDENTIFIANTS ! Sans eux, vous eussiez été replongé dans le safari de la fable dite de « l’Eléphant, la Grue, le Camion et la Théière ». Vous croyez, là, tenir le bon bout et pouvoir venir à bout de l’affaire du jour : le calcul des indemnités à verser dans le cadre d’une rupture d’un contrat CESU. Que ne vous a-t-on pas dit et redit que rien n’était plus fastoche pour boucler l’affaire qu’Internet ! Eh bien, c’est faux. La preuve ? Vous avez appelé en vain à la rescousse le cousin qui a fait –dites, c’est pas rien ! – Polytechnique, la belle-sœur qui est avocate, et le Jules sorti major de l’ENA – promotion Euclide. Au terme d’un week-end laborieux, tout ce beau monde s’est retrouvé bloqué à la case Départ du Monopoly de la paperasse et du Jeu de l’oie de la démarche maniaco-administrative. Vous reprendrez bien un Lexomil ?
Marie-France Poirier