Dijon l’Hebdo : Comment avez-vous réagi à l’annonce de la candidature de François-Xavier Dugourd à la présidence des Républicains de Côte-d’Or ?
Rémi Delatte :« On est dans un processus de renouvellement des instances dans toutes les fédérations LR de France. Je suis au terme de mon mandat. Aussi j’ai, pour ma part, beaucoup réfléchi. Quelle doit être ma place en ma qualité de seul député représentant la droite et le centre en Côte-d’Or et à Dijon ? Comment donner le maximum de moi-même ?
Autre élément qui m’a aidé dans la construction de ma décision : quand je me suis présenté à la tête des Républicains il y a 3 ans, je m’étais fixé quatre objectifs : rassembler la famille, assurer un renouvellement des hommes et des femmes au sein du parti – c’est à dire réussir la transition générationnelle -, remettre de la transparence et il s’avère que depuis trois ans nous réunissons régulièrement les instances départementales, réanimer la fédération qui était à l’époque dans une véritable léthargie. Nous allons sur tous les territoires. Il y a bien longtemps que les LR n’étaient pas allés à Châtillon-sur-Seine, Is-sur-Tille, Arnay-le-Duc… Aujourd’hui, je dis « carton plein ». J’ai assuré cette renaissance de la fédération et je dois avouer que j’aspire à autre chose. Je veux faire de la Politique avec un grand P. C’est à dire élargir, dépasser les contours quelque peu étriqués des LR pour porter plus largement et plus fortement la voix de la droite et du centre. Voilà pourquoi je n’ai pas souhaité me représenter. C’est une décision que j’ai prise cet été. »
DLH : Aviez-vous fait part de votre décision à François-Xavier Dugourd ?
R. D :« Non. j’ai souhaité garder la confidentialité de cette décision. D’abord parce que mon mandat n’étant pas terminé, je ne voulais pas laissé s’aiguiser l’appétit de certains. Travailler jusqu’au bout, c’est dans mon tempérament. »
DLH : Et vous soutiendrez sa candidature ?
R. D :« Je voudrais rappeler que ce n’est pas seulement l’élection d’un président. C’est d’abord l’élection de l’ensemble des cadres du parti sur tous les territoires de la Côte-d’Or. En politique, on doit faire face à un écueil : on voudrait résumer une formation politique au travers de son président. C’est ce dont souffrent les Républicains aujourd’hui. Comme d’autres formations politiques d’ailleurs. Ce n’est pas un homme qui fait un parti. C’est une équipe, avec des sensibilités différentes, et c’est ce qui fait la force des Républicains. C’est l’héritage du RPR et de l’UDF rassemblés. »
DLH : L’annonce de la candidature de François-Xavier Dugourd s’est accompagnée de propos peu aimables à votre encontre. Il veut notamment « réveiller » la fédération…
R. D : « Je ne vois pas comment on pourrait dire que la fédération s’est endormie. Nous avons eu à conduire la campagne de 2017 qui n’était pas simple. 23 réunions publiques ont été organisées dans le département pour cette seule consultation électorale. Je rappelle aussi tout le travail qui a été mis en œuvre depuis presque trois ans sur les cinq circonscriptions. Ma grande satisfaction, c’est de voir l’émergence de nouvelles têtes parmi les trentenaires et les quadras. Dès lors, il faut savoir promouvoir et passer le relais aux générations qui montent. Et à l’occasion de la préparation des élections municipales, départementales et régionales, nous aurons de belles expressions de ce travail de fond que je veux continuer de faire car je ne resterai pas inactif. »
Quand on veut être président d’une formation politique, il faut s’assurer de ne pas entrer dans un système clanique. Durant mon mandat à la tête des Républicains de Côte-d’Or, j’ai veillé à associer l’ensemble des sensibilités. C’est dans mon tempérament. Je ne suis pas de ceux qui s’imposent, qui veulent imposer une ligne. Je suis de ceux qui écoutent, qui composent.
Je n’ai pas soutenu un candidat particulier à l’élection du président national. Je l’ai fait volontairement parce que je considère qu’un président doit respecter cette pluralité et ne pas s’engager dans un camp. C’est une dimension qui compte quand on veut être l’animateur d’une grande formation politique. »
DLH : Les territoires vous tiennent à coeur. Justement, François Sauvadet, président du Conseil départemental, est convaincu que la reconquête ne se fera pas depuis Paris mais depuis les territoires. Partagez-vous cette impression ?
R. D : « Complètement. Je suis dans cette logique. Il faut faire confiance au terrain. Ce n’est malheureusement pas le cas dans les formations politiques et dans la gestion de nos collectivités territoriales.Les partis doivent refondre complètement leurs statuts pour faire confiance aux décideurs locaux. Cela éviterait certainement des candidatures dissidentes. Il faut arrêter de penser que tout doit descendre de Paris. Nous avons la chance d’avoir parmi nos concitoyens un vivier fantastique d’émergence d’idées novatrices. »
DLH : Les présidents de départements et les maires de France étaient récemment à Marseille aux côtés de leurs collègues présidents de régions, pour réclamer à l’État davantage de marge de manœuvre. Le fossé ne cesse-t-il pas de se creuser entre les élus et Emmanuel Macron ?
R. D :« C’est évident. Ce n’est plus un fossé, c’est un véritable divorce. L’an dernier, le Président de la République avait annoncé la fin de la baisse des dotations des collectivités territoriales. Ce n’est absolument pas la réalité. La contractualisation qui est proposée aujourd’hui pour limiter les frais de fonctionnement des collectivités en est une preuve flagrante. On verrouille purement et simplement les finances des collectivités. On leur demande toujours plus. Cela se ressent particulièrement en milieu rural qui est devenu le parent pauvre de la politique du gouvernement. La ruralité est abandonnée au profit de la métropolisation de plus en plus prégnante. Cette dernière ne manque pas d’intérêt à condition qu’elle s’inscrive en équilibre avec le territoire rural.
Le désengagement de bon nombre de maires qui démissionnent de leur mandat, m’inquiète. On aura l’occasion de mesurer, lors des prochaines élections municipales, la gravité du problème.
Ce qui est également compliqué à gérer, c’est cette superposition grandissante des strates administratives. Il est urgent de simplifier les choses en matière de compétence. Je pense en particulier à cette proposition que nous avions faite d’imaginer un conseiller territorial qui aurait été à la fois en responsabilité au Département et à la région. C’était tout l’intérêt d’une cohérence que l’on pouvait développer au niveau de la stratégie des territoires et d’une politique à long terme. Sans compter les économies que l’on pouvait faire dans la mesure où c’était les mêmes élus. Mais non, on préfère en rajouter. Ce qui instaure à la fois confusion et même concurrence entre les collectivités. »
DLH : Comment analysez-vous la chute d’Emmanuel Macron dans les sondages, au-delà ce que vous venez d’évoquer ?
R. D :« C’est la désillusion complète. On a le sentiment d’une offre gâchée. On voit bien que le mirage Macron se dissipe avec toutes les belles promesses d’une république exemplaire, d’un pouvoir d’achat qui allait augmenter, d’un chômage qui allait diminuer, d’une croissance qui allait repartir… aujourd’hui, tout en train de s’effondrer avec des conséquences dramatiques évidemment sur les plans économique et financier. Cette année, sur ma circonscription, j’ai organisé le « Printemps des entreprises ». Ce fut l’occasion de mesurer les difficultés, les inquiétudes et la perte de confiance de l’ensemble des patrons rencontrés. Quant à nos concitoyens, il est facile de mesurer leur déception. Celle des retraités en particulier à qui on peut dire merci pour leur contribution à la CSG. L’augmentation des carburants qui pénalise les foyers notamment ceux qui ont fait le choix de vivre en milieu rural. Quant aux 80 km/h sur les routes départementales, c’est juste l’inverse de ce qu’il fallait faire… »
DLH : On mesure également des tiraillements, on entend des voix dissonnantes dans une majorité qui était jusqu’alors monolithique. Comment ressentez-vous l’ambiance au sein de l’Assemblée nationale ?
R. D : « Il y a eu tout récemment un signe très fort au moment où le ministre Bruno Lemaire a fait son discours de la loi PACTE qui doit moderniser, apporter de la souplesse et redynamiser le tissu économique. Une loi attendue qui avait déjà été reportée plusieurs fois. Quand le ministre est monté à la tribune, nous n’étions pas plus de 70 dans l’hémicycle. 70 en tout. C’est un signe. En coulisse, les parlementaires de La République en Marche n’hésitent pas à nous faire part de leurs doutes. Pour beaucoup, ils n’imaginaient pas les contraintes imposées aux députés en terme de disponibilité , de travail, de proximité avec leur territoire. Certains pensaient qu’ils suffisaient simplement de candidater sur internet… Ils ont découvert avec le temps que c’était beaucoup plus compliqué que ça… »
DLH : On est à 18 mois des élections municipales. Votre nom revient toujours avec autant d’insistance pour conduire la liste de la droite et du centre à Dijon…
R. D :« J’ai souvent remarqué que ceux qui courraient après les postes n’étaient pas toujours ceux qui les obtenaient. Ce que je souhaite, c’est d’être utile pour nos concitoyens. Utile pour mes idées. Sur Dijon et sa Métropole, il y a un véritable enjeu politique. Je prétends, et j’ai toujours agi comme ça, qu’avant de désigner les hommes il faut construire un projet à partir des attentes des électeurs. Ce travail, je l’ai commencé avec d’autres. Il est tout naturel, en tant que seul député de la droite et du centre de Dijon, que j’y prenne part et j’entends peser sur les choix que nous aurons à faire. Mon expérience sera utile même si je plaide pour l’émergence de jeunes candidats. »
DLH : Une fois le projet monté, serez-vous candidat ?
R. D : « En politique, il faut déjà penser aux autres avant de penser à soi. C’est le type même de décision qu’il faut prendre collectivement. C’est un enseignement que je tire des différents mandats que j’ai pu avoir. Je ne servirai pas mon camp si j’annonçais que j’ai la prétention d’être celui qui va conduire la liste. Je ferai tout pour que notre camp puisse retrouver la possibilité de conduire les affaires sur Dijon et sur la Métropole. Mais avant les municipales, il y aura les européennes… et là encore les Républicains sont en décalage. J’entends le Président du mouvement évoquer des noms de têtes de liste. Ce n’est pas par là qu’il faut commencer. C’est d’abord le projet qu’il faut penser. En ce sens, j’apprécie beaucoup le travail qui est fait par Valérie Pécresse qui a engagé, dans le cadre d’ateliers libres, une vraie réflexion, très concrète, à laquelle je participe à chaque fois que je peux ; »
DLH : Un autre nom circule dans les coulisses de la droite et du centre, c’est celui de Ludovic Rochette. Pas pour les municipales, mais pour les sénatoriales qui auront lieu en septembre 2020. Voilà une belle façon de promouvoir cette nouvelle génération, cette jeunesse politique, qui vous tient à coeur ?
R. D :« Une belle figure de la droite et du centre. J’ai beaucoup d’amitié pour Ludovic parce que je l’ai vu grandir. Je l’ai vu tout jeune maire, le plus jeune de France à l’époque. Je l’ai vu gravir les échelons, sereinement. Jamais dans la précipitation. Toujours dans l’équilibre et la sagesse qui le caractérisent. Et il vrai que Ludovic a acquis une vraie légitimité dans les territoires notamment au travers de son mandat de président de l’association des maires de Côte-d’Or qu’il assume avec une grande intelligence et beaucoup de pertinence. Il est aussi à l’aise dans la représentation des communautés de communes les plus grandes que des toutes petites communes. Et les grands électeurs sont essentiellement des élus municipaux… »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre