C’est dans l’Erre : L’important c’est d’aimer

 

Les films et les séries que j’adore adorer – ou abhorrer…

 

Andrzej Zulawski est un cinéaste très apprécié des Polonais, des alcooliques et des critiques de Télérama (lesquels ne sont pas toujours alcooliques – c’est dommage, ça les rendrait peut-être plus sympas). Après des débuts dans sa patrie polonaise, Zulawski s’est installé en France où son principal titre de gloire est d’avoir pris pour compagne Sophie Marceau encore bien jeunette et d’en avoir fait une femme très belle et très classe (Ah ! Pygmalion !…). A cela près qu’il est impératif, pour qu’elle le demeure (belle et classe), qu’elle évite de s’agiter, de boire ou de parler, au festival de Cannes, ou ailleurs.

C’est en cela que réside le hic, puisque notre pervers Zulawski a tendance à confier à ses actrices fétiches, et donc à Sophie, des rôles verbeux où l’on s’excite, où l’on se tord dans les affres de la passion, où l’on se contorsionne parce que le Diable et le feu au cul travaillent fortement des protagonistes énervés. Car Zulawski est un Slave, un de ces êtres exaspérants au tempérament outrancier et fébrile qui, entre deux pogroms, aiment à s’épancher, à se répandre dans des effusions fangeuses, dans des torrents de sentimentalisme dégobillant et braillard, sur fond de violons tziganes en train de couiner. Et il aime faire la même chose au cinéma, Zulawski. Malheureusement pour nous. Et pour Sophie.

C’est avec La Femme publique (1984) que Zulawski atteint le sommet de son art en nous montrant des acteurs qui surgissent gueulards, la boutique à l’air, pour bien nous prouver à quel point ils ressentent, en nous montrant surtout Valérie Kaprisky exécuter des bourrées tétaniques entièrement à poil en faisant tournoyer ses seins, longs et fournis, comme des hélices d’avion.

L’important c’est d’aimer (1975) n’atteint sans doute pas de tels sommets artistiques. Quand il le réalise, Zulawski n’a pas encore rencontré Sophie Marceau ni Valérie Kaprisky. Il se contente de dézinguer Romy Schneider, ainsi que quelques autres acteurs appréciés de l’époque (Fabio Testi, Jacques Dutronc, Claude Dauphin…) en testant de manière encore relativement modérée leur capacité à vociférer et à grimacer.

 

Romy joue ici le rôle d’une actrice

La première séquence nous montre Romy Schneider en combinaison de soie, un imperméable sur les épaules, tourner la scène finale d’un film de série Z, sous la direction d’une réalisatrice hystérico-glapissante. Romy doit crier « Je t’aime ! » à un autre personnage agonisant et baignant dans un sang artificiel qui a, de surcroît, éclaboussé tout le décor sordide qui les entoure. Car la malheureuse Romy joue ici le rôle d’une actrice, Nadine Chevalier, qui n’est plus guère sollicitée, sauf pour des films de cul ou de vagues polars trash, tellement bas de gamme, qu’il n’y a plus de gamme. Elle est si écœurée par ce qu’on lui demande qu’elle a d’ailleurs le plus grand mal à déclamer « Je t’aime ! » au figurant barbouillé de peinture rouge qui mime sans conviction une mort atroce.

Naguère, en effet, Nadine Chevalier fut une actrice cotée qui faisait parfois la une de revues prestigieuses. Maintenant, il lui faut, « pour bouffer », tourner dans les pires pornos, et par exemple, dans Nymphocula, son rôle le plus marquant dans le genre, et qui fait pourtant l’admiration de son mari, interprété par Jacques Dutronc. C’est un mari charmant, d’ailleurs, attentif, profondément amoureux, mais qui ne glande pas grand-chose : sa principale occupation semble être de sautiller dans leur appartement, en faisant « Hop ! Hop ! » tel un kangourou germanopratin. C’est inepte ? Oui.

Aussi, quand elle rencontre le beau et ténébreux reporter-voyou-photographe Servais (Fabio Testi), elle tombe immédiatement amoureuse de lui. Et lui de son côté éprouve pour elle un coup de foudre fulgurant (pléonasme). Elle s’offre alors au paparazzi. Mais ce dernier est tellement épris qu’il refuse (ben tiens, c’est logique). Ce qu’il veut, Fabio Testi, c’est lui redonner de l’être, de l’existence, comme actrice, comme femme. Alors, il emprunte à un truand cynique, Maselli, une importante somme d’argent pour financer une production de Richard III, dans un théâtre d’avant-garde, afin d’offrir à nouveau un rôle noble, valorisant à Romy Schneider – celui de Lady Anne, je le précise à l’intention des amateurs de Shakespeare. Mais la pièce sera un échec, Servais remboursera Maselli avec un jour de retard, le truand, vexé, le fera rouer de coups par ses hommes de main, Romy Schneider (débarrassée de son mari qui, entretemps s’est opportunément suicidé) viendra embrasser le visage tuméfié, sanguinolent de son amoureux. Ça me paraît plutôt dégueulasse, mais l’important c’est d’aimer.

 

Références : L’important c’est d’aimer, France, 1975.
Interprètes :Romy Schneider, Fabio Testi, Jacques Dutronc, Claude Dauphin, Klaus Kinski.
Edité en DVD chez Studio Canal.