Thierry Coursin : “Une volonté de porter une vision libre et différente”

 

Le patron de la Société Est Métropole s’est trouvé ces temps derniers sous les projecteurs de l’actualité avec la présentation de ses projets novateurs, notamment la prise en charge de la construction du nouveau siège de la Caisse d’Epargne de Bourgogne – Franche Comté et du parking silo mutualisé à Valmy. Entretien avec ce chef d’entreprise qui remet le bois au goût du jour.

 

DLH : Qu’est-ce qui explique votre intérêt pour le bois ?

Thierry Coursin : « Je l’ai expliqué récemment dans un article  co-signé dans l’édition numérique du journal Les Echos avec l’avocat Jean-Marc Peyrical, président de l’APASP, l’Association pour l’achat dans les services publics. Le bois a le vent en poupe, tant pour les constructions privées que publiques. Léger, isolant, esthétique, il  présente de nombreux atouts qui en font un matériau de plus en plus privilégié dans la construction pour des avantages tels que des chantiers propres et secs, la rapidité d’exécution et la modularité possible des bâtiments. Même si elle ne représente encore que quelques pour cents de la réalisation des équipements publics, la construction en bois tend à se développer, tout particulièrement dans le logement où, selon les organismes professionnels, la barre des 10 000 logements réalisés avec ce matériau a été dépassée en 2017 contre à peine 5 000 deux en auparavant. Mais, ici et là, ce sont des parkings, des établissements scolaires, des équipements polyvalents ou encore des centres aquatiques qui voient arriver le bois pour tout ou partie de leur réalisation. »

 

Dijon l’Hebdo : Vous n’êtes pourtant pas réputé pour construire des logements mais plutôt des immeubles à vocation tertiaire ?

Thierry Coursin : « Effectivement. En fait, ma réflexion a débuté dans les années 2012 / 2013 quand j’étais directeur général de la SEMAAD (1). Je cherchais à positionner notre activité promotion dans un contexte différent pour à la fois ne pas être dans un système concurrentiel vis à vis des promoteurs locaux et ne pas me retrouver dans un jeu de dialectique de prix avec les fournisseurs de matériaux et les constructeurs que sont les grandes entreprises nationales. Et, dans cette recherche, une piste potentiellement intéressante est apparue : la construction bois.

Du bois, j’avais surtout en tête le savoir-faire ancestral dans la réalisation des charpentes et les immeubles en structure bois qui font la fierté de nos centre-villes historiques… »

 

DLH : Avec qui avez-vous partagé cette réflexion ?

T. C : « J’ai cherché des personnes qui pouvaient représenter la construction en bois en Bourgogne – Franche-Comté. J’ai rencontré différents organismes. La réponse a été surprenante : « On ne s’est pas quoi vous dire tant il est vrai que c’est la première fois qu’un promoteur vient nous chercher sur ce terrain… ». Je me suis aperçu qu’il y avait beaucoup d’acteurs de taille différente, mais aucun qui ne pouvait répondre au projet que je souhaitais défendre. Personne n’était en capacité à cette époque de m’aider à concevoir des immeubles de bureaux ou de logements en R + 5. C’est alors qu’a débuté la quête de sachants sur la construction bois. »

 

DLH : Et vous avez trouvé ?

T. C : « Au début de l’année 2014, grâce à la directrice en charge de la promotion, j’ai été amené à rencontrer quelqu’un qui avait déjà été vu par la SEMAAD : l’architecte Mathias Romvos, de l’agence Graam. Un authentique spécialiste du bois, installé à Montreuil, en région parisienne. Egalement professeur à l’école d’architecture de Belleville. J’ai découvert ce qu’il avait construit jusqu’à présent. C’est lui qui va véritablement m’éveiller à l’esprit bois. »

 

DLH : C’est donc là que l’histoire commence ?

T. C : « Oui. Je savais que la Caisse d’Epargne de Bourgogne – Franche-Comté avait entamé une réflexion pour construire un nouveau siège. J’ai tenté ma chance. C’est ainsi qu’en 2015, j’ai pu proposer, pour la première fois à M Jean-Pierre Deramecourt Président du directoire, un immeuble tertiaire en construction bois. La Caisse d’Epargne affichait déjà une belle sensibilité en direction de cette filière et venait même de prendre des parts dans une entreprise, la scierie Monnet-Sève à Sougy-sur-Loire, dans la Nièvre. Je me souviens que ma première discussion avec Pierre-Yves Scheer, membre du directoire, s’est tenue sur un quai de la gare de Lyon, à Paris…

Une parenthèse s’est exercée avec la privatisation de la SEMAAD dans laquelle s’est d’ailleurs impliquée la Caisse d’Epargne. Pour autant, on a continué de travailler sur la probabilité de construire le nouveau siège. C’est à ce moment là qu’on a posé des chiffres, des ratios, et mis en évidence la rentabilité de la construction bois. »

 

DLH : Et puis il y a eu aussi Woodrise, le premier congrès mondial des immeubles en bois qui s’est tenu en septembre dernier à Bordeaux ?

T. C : « De toute la Bourgogne Franche-Comté, j’ai été le seul à signer la « wood alliance ». L’Alliance internationale Woodrise vise à former une communauté engagée d’Etats, de politiques, d’organisations non gouvernementales, d’entreprises et d’acteurs de la construction ou du bois, afin de convertir le monde du BTP à l’évolution vers le biosourcé. Il s’agira de réduire l’empreinte environnementale, de stocker du carbone au lieu d’en émettre et de développer tout un écosystème économique basé sur des circuits courts, valorisant des ressources locales de façon responsable.

Toute la planète bois s’était donnée rendez-vous pour cet événement international dédié à la construction bois de moyenne-grande hauteur. L’occasion pour les acteurs de la filière de lancer une initiative destinée à promouvoir, à l’échelle planétaire, l’utilisation de ce matériau durable dans la construction.

En 4 jours, près de 2 500 participants sont venus à Bordeaux pour rencontrer les 110 entreprises exposantes au Congrès Woodrise. L’occasion était belle d’y montrer le projet de construction en bois du future siège de la Caisse d’Epargne Bourgogne – Franche-Comté. L’occasion aussi de présenter Forestarius, une entreprise créée avec l’appui de la SEM, du cabinet Graam et du groupe Roger Martin pour attirer l’attention de tous les observateurs. C’est en quelque sorte notre « bras armé » en la matière. »

 

DLH : Ce projet de siège social, il est désormais sur les rails ?

T. C : « Il l’est. Le permis du siège et du parking est purgé. La SCCV Tertiaire Valmy qui est détenue à 100 % par LCDP a la propriété de ce permis de construire qui comprend à la fois le siège social, d’une surface de 9 500m2 , et le parking démontable et remontable de 563 places qui représentent le plus grand ensemble immobilier bois construit en France. Les travaux vont commencer prochainement. Sachez aussi que la présentation du prochain siège de la Caisse d’Epargne figure en bonne place à la Maison de l’architecture, à Paris.

On a inventé un parking qui renvoie à une nouvelle conception de l’urbanisme. Notre monde a changé et avec lui les usages. Et le monde du bâtiment n’y échappe pas. Nous en avons l’invention et nous allons la développer. Pour cela LCDP, la holding qui détient Forestarius et 40 % de la SEM, a créé une filiale qui s’appelle LCDP Parking. »

 

DLH : Vous ne voyez désormais que par le bois ?

T. C : «Je ne prétends pas qu’il faille construire tous les bâtiments en bois. Le siège de la Caisse d’Epargne va d’ailleurs démontrer la belle complémentarité du béton, du bois, du verre et du métal.

Ce que nous voulons montrer, c’est l’envie de prendre position, à notre façon, sur un marché qui souffre de modèles dominants d’organisation et de pensée. Une volonté de porter une vision libre et différente. En ce sens, Forestarius offre une solution constructive globale, de l’investissement à la vente en passant par la ressource et sa transformation. Forestarius s’est construit sur sa capacité à mener des opérations complexes dans une pensée différente pour une plus grande performance environnementale, économique et sociale.Et puis, le bois participe à faire vivre une filière courte dans notre région, forte d’activités et d’emplois. Pour cela nous sommes très attachés à la formation de tous les acteurs présents et potentiels,ce sera l’objet de l’Institut Technologique du Bois dont nous portons le projet avec la Région Bourgogne Franche-Comté travers de M Sylvain Mathieu son vice-président en charge de la Forêt et par ailleurs, Président du Parc du Morvan  »

 

DLH : C’est quoi la grande valeur du bois ?

T. C : « Le plus naturel de tous les matériaux de construction offre non seulement des possibilités techniques et architecturales uniques mais aussi des avantages écologiques. Le bois est naturellement «high tech». Le bois répond aujourd’hui aux plus hautes exigences techniques. Il s’adapte à tous les programmes et à toutes les dimensions et il est accessible à tous les projets quelle que soit leur destination. Pour donner un ordre d’idée, sur le prochain siège de la Caisse d’Epargne, à Valmy, nous monterons 800 m2 de plancher par semaine.

Il apparait tout d’abord que le domaine du bois a fait l’objet ces dernières années d’importants progrès techniques. Beaucoup le considèrent aussi, notamment du fait de sa souplesse et de son faible poids, comme une solution particulièrement adéquate pour l’extension et surtout la surélévation du bâti en béton traditionnel. Enfin le bois porte l’ambition des Immeubles de Grande Hauteur qui représente le défi global d’avenir pour les maîtres d’ouvrage tels que nous.»

 

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre