Quelle que soit l’époque, quelle que soit l’appartenance sociale, le jouet se voit attribuer une double fonction : amuser un enfant, lui procurer du plaisir, l’entraîner dans un monde enchanteur, tout en l’éduquant et en structurant son intelligence. Le magasin de jouets « Le Diablotin » était situé au 44 rue Monge. C’était l’endroit magique par excellence : il apportait des images de leur enfance aux parents ; et les enfants, les yeux éblouis, ne savaient plus où donner de la tête. D’un rayon à l’autre, c’était le paradis sur terre. A cinq ans, quelle petite fille ne fait pas des péchés d’envie devant une dînette bien rangée dans sa jolie mallette en osier ou en carton ? Et puis, il y a cette petite gazinière en bois avec sa série de petites casseroles si adorables… Ah, et cette poupée blonde avec une tête en porcelaine si belle, si merveilleusement habillée. Oh ! Mince, voilà votre petit-frère qui vient vous tirer par la manche : il veut absolument vous montrer, vous sa grande sœur, une boîte de meccano jusqu’ici inédite, et qui devrait permettre de construire des garages, des bateaux de guerre, des cuirassés, des… Et des… Mais la petite fille que vous êtes n’en a cure. Elle se fiche totalement des soldats en plomb, des trains électriques. Ce qu’elle convoite, c’est une petite salle de bains présentée dans une grande boite, dont les montants figurent des murs carrelés. C’est d’un moderne absolument incroyable. Et tout le sortilège qui en émane provient de sa miniaturisation.
Mais « Le Diablotin », c’est aussi l’univers des landaus comme des poussettes, des Youpala ! Au moindre rayon de soleil printanier, le marchand n’hésitait pas à exposer sur le trottoir ces landaus si anglais, si smart. La nacelle était gracieusement suspendue sur des ressorts qui reposaient des roues à rayons. Quelle classe !
Le propriétaire du « Diablotin » n’avait pas son pareil pour apprendre aux mamans à bien bloquer le frein de la voiture d’enfant. Gare aux mères de famille étourdies ! Souvenez-vous de la célèbre séquence des marches d’Odessa dans le film d’Eisenstein Le Cuirassé Potemkine.
Roger Loustaud