C’était avant hier N°101 : 2 rue Claude Bernard

 

Entre FOL et bonnes moeurs

La rue Claude Bernard est l’une des plus courtes de Dijon. Elle fait tout juste 62 mètres. Elle relie la Place Saint-Bernard à la rue Devosges et son tracé date du XIXe siècle, au moment du vaste chantier qui, à l’époque, a concerné tout le secteur.

Son concepteur ? Une personnalité alors très en vue, l’architecte Adrien-Léon Lacordaire, de surcroit frère du célèbre prédicateur. L’homme avait du talent et il insère dans un espace infiniment harmonieux les places Dupuis et Saint-Bernard. Les services d’horticulture de la ville ont aménagé cette dernière de manière romantique avec des parterres qui évoluent au fil des saisons. La nuit, l’éclairage de la sculpture au centre de la place ainsi que celui des différents immeubles en demi-cercle confèrent à ce quartier de Dijon un charme fou !

Revenons à Adrien-Léon Lacordaire qui rencontra bien des difficultés à réunir les fonds pour entreprendre les travaux de la rue Claude Bernard. Avec l’aide du ciel et des bonnes œuvres de l’époque, il parvint à construire des immeubles de services. Immeubles devenus aujourd’hui des habitations ou des sièges d’activités tertiaires. Mais, au XIXe, c’est le foyer de la Protection de la Jeune-Fille qui y trouvera asile au n° 2. L’association tiendra même une permanence en gare de Dijon,  destinée particulièrement aux jeunes filles de la campagne venues trouver du travail en ville.  Morale d’une époque marquée par un catholicisme bourgeois pudibond oblige ! Il s’agissait d’apporter un soutien à ces jeunes âmes qui auraient pu s’égarer, par ignorance des mœurs de la cité, dans un océan de perdition !

Rendons à Dieu ce qui appartient à Dieu, la Protection de la Jeune-Fille s’était constituée en agence de placement, dont le but était d’offrir des emplois de domestiques dans des maisons de bonnes mœurs garanties.  Bien évidemment, tout cet arsenal vertueux n’empêchait pas les dégâts collatéraux résultant d’amours ancillaires… L’affaire de placement des filles de la campagne rencontra un tel succès qu’une annexe fut construite boulevard de la Trémouille.

Altera tempora, alterae mores : les locaux du n° 2 rue Claude Bernard devinrent par la suite le siège de la FOL (Fédération des Œuvres Laïques) au XXe siècle qui, elle, proposera enseignement et loisirs au jeune public, sans distinction de sexe. L’une des belles réussites culturelles de la FOL est liée à un stock de films-documentaires tournés en super 9 ou même en 16, qui firent le bonheur de tous les animateurs de ciné clubs de la région. Et ce, à des prix de location fort raisonnables… Parmi les films les plus loués à la FOL, citons le Napoléon d’Abel Gance. D’une manière ou d’une autre, on peut dire que la rue Claude Bernard a tenu et tient toujours le haut de l’affiche.

Roger Loustaud