La Promesse de l’Aube

 

LA PROMESSE DE L’AUBE, biographie exaltée d’Eric Barbier avec Pierre Niney, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Jean-Pierre Darroussin, Finnegan Oldfield et la très belle Catherine Mc Cormack !

 

 

De son enfance difficile en Pologne en passant par son adolescence sous le soleil de Nice, jusqu’à ses exploits d’aviateur en Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale… Romain Gary (Pierre Niney habité par le rôle) a vécu une vie extraordinaire. Mais cet acharnement à vivre mille vies, à devenir un grand homme et un écrivain célèbre, c’est à Nina (Charlotte Gainsbourg méconnaissable), sa mère, qu’il le doit. C’est l’amour fou de cette mère attachante et excentrique qui fera de lui un des romanciers majeurs du XXe siècle, à la vie pleine de rebondissements, de passions et de mystères. Mais cet amour maternel sans bornes sera aussi son fardeau pour la vie…

« Une bonne promesse de daube » écrivait injustement l’hebdo culturel Les Inrocks à la sortie du sixième long-métrage d’Eric Barbier. Le jeu de mots est un peu facile et ne rend pas hommage à cette adaptation intelligente du roman autobiographique de Romain Gary, portée par deux comédiens exceptionnels. Comme si l’ambition affichée de cet ancien élève de l’Idhec depuis son premier film LE BRASIER irritait plus qu’elle ne provoquait l’admiration. Un mal très français, où la presse est plus encline à porter aux nues des auteurs américains inégaux (on attend évidemment avec impatience le « chef-d’œuvre » annuel de Woody Allen) ou des pseudo-comédies françaises narcisso-psychologiques, plutôt que de célébrer des œuvres romanesques, épiques et lyriques.

En 1985, Eric Barbier n’a que vingt-cinq ans lorsqu’il tourne le pré-film du BRASIER, un projet très coûteux qu’il ne concrétisera que cinq années plus tard. Le jeune réalisateur fait preuve d’une ambition rare dans le cinéma français, puisque ce premier long-métrage est une fresque historique sur l’univers des mineurs dans la France des années 30. Parmi les atouts du film, la star Jean-Marc Barr, fraichement sorti du GRAND BLEU, en fils d’immigrés polonais épris de la trop belle Maruschka Detmers, sulfureuse actrice hollandaise, alors très en vogue dans le cinéma européen des années 80. Prix Jean-Vigo en 1991, LE BRASIER est pourtant un cuisant échec commercial éreinté par la critique, éloignant durablement Barbier des plateaux de cinéma. L’audacieux cinéaste réalisera par la suite l’ennuyeux TOREROS en 1999, l’efficace thriller LE SERPENT en 2007, puis le divertissant polar DERNIER DIAMANT en 2014 avec le tandem Yvan Attal et Bérénice Bejo. Restait alors la promesse d’un grand film populaire …

« Avec l’amour maternel, la vie vous fait, à l’aube, une promesse qu’elle ne tient jamais.» En adaptant l’autobiographie sublimée de Romain Gary, Barbier ne cache pas sa dette au LITTLE BIG MAN (1969) d’Arthur Penn (avec Dustin Hoffman et Faye Dunaway), plongeant le spectateur dans une fresque ébouriffante, historique et insolite comme le cinéma français ne nous offre que très rarement. Seul le sous-estimé Jean-Jacques Annaud fait preuve de cette même trempe.

L’académisme originel et la tentation du pathos s’effacent peu à peu pour laisser place à un grand film romanesque, inventif visuellement et narrativement, porté par un souffle héroïque, à l’image du couple mère/fils formé par le tandem Gainsbourg/Niney : un casting très audacieux au jeu précis et nuancé, qui nous emporte dans un récit palpitant et foisonnant, où les autres personnages gravitant autour de ce duo exceptionnel et extrême, ont finalement peu les moyens de s’exprimer et d’exister. Charlotte Gainsbourg surjoue sa vie comme son personnage l’exige, et Pierre Niney garde au plus profond de lui cette folie juvénile qui le pousse à devenir un héros.

Dans une France de la tolérance, idéalisée par les réfugiés qui la composent, LA PROMESSE DE L’AUBE est bien celle d’un amour indestructible d’une mère pour son enfant : promesse également de réussite, de grandeur et de vaillance d’un fils pour une femme trop souvent offensée, mais également éloge du courage et de la volonté dans ces périodes violentes et tourmentées de notre Histoire.

Eric Barbier réalise avec panache, humour et ironie, un admirable travail d’adaptation littéraire. Il nous fait le récit d’un romancier mythomane et extravagant : un Romain bientôt Gary qui n’hésite pas à provoquer en duel un homme pour une dame trop bavarde qu’il n’aime pas ; un pilote au bord de la folie qui a l’audace de s’attaquer à un moustique avec un pistolet ; un écrivain célébré qui se plaint d’une tumeur au cerveau provoquée par de la mie de pain au guacamole enfoncée dans ses oreilles. Plus mythe que réalité ? Peut-être littérature et cinéma, tout « simplement » !

Raphaël MORETTO