Parents, élèves, ça vous intéresse !
L’admission post-bac (APB), on le sait, a été l’objet de violentes critiques. Le gouvernement d’Edouard Philippe avait promis de procéder à une totale refonte du système : le futur processus en ligne devrait être « plus simple » et « plus rapide », plus proche aussi des aspirations des candidats à la Fac. On attend les décrets d’application, d’ici à fin novembre/début décembre 2017. Au vu des documents de travail sur lesquels viennent de plancher les universitaires de Bourgogne Franche-Comté, l’APB revue et corrigée s’appliquera aux lycéens passant le bac en juin 2018. Elle est assortie de la suppression de la plateforme de sélection par algorithmes – objet de dysfonctionnements endémiques. Point de mire et de… l’ire générale, le tirage au sort (qui s’appliquait aux filières universitaires dans lesquelles le nombre de places était inférieur à la demande) est donc supprimé. Les lycéens pourront émettre jusqu’à 10 vœux non hiérarchisés, sur lesquels les enseignants seront conduits à donner un avis circonstancié, dès le 2e conseil de classe du 2e trimestre. Chaque dossier sera ensuite transmis aux universités, qui auront voix au chapitre. En cas d’appréciations défavorables, le lycéen se verrait offrir la possibilité de maintenir sa candidature sous certaines conditions (par exemple, suivre au préalable un stage ou une formation). Dans la perspective de cette très prochaine restructuration de l’APB, Dijon L’Hebdo a demandé à Jean-Jacques Boutaud, directeur de MASCI (Master en Stratégie de Communications Internationales) à l’Université de Bourgogne d’en évoquer les principes fondamentaux. D’autre part, Pierre Laffitte, directeur général du Groupe Saint-Bénigne ainsi que de Georges Bon, directeur de l’enseignement général et technologique nous livrent leurs réflexions dictées par une longue expérience.
Jean-Jacques Boutaud : « Les doyens se sont réunis récemment, pour livrer leurs commentaires ainsi que leurs observations sur des éléments de la réforme qui sont d’ores et déjà stabilisés et ne changeront plus. Au vu des documents qui nous ont été soumis, il s’en dégage le schéma suivant : faciliter l’accès à l’enseignement supérieur, tout en favorisant la réussite des étudiants inscrits. Pas question de se contenter d’un système mécanique d’inscriptions qui génère un grand nombre d’échecs ! On table sur la réussite de chacun. Comment ? En tenant compte du profil de l’élève et de son projet, et ce, dès le 1er trimestre. Voilà qui implique l’engagement étroit des lycées et l’Université. Je tiens à dégager des textes examinés trois points absolument novateurs :
1) Les deux professeurs principaux de classe de Terminale prendront en charge chaque élève, en tenant compte de ses résultats, de son profil et de leur cohérence avec le projet dudit lycéen.
2) Deux semaines vont être dédiées à l’orientation de ces jeunes gens. Ils iront suivre des courts « ouverts » en Fac. Des journées Portes Ouvertes complèteront ce cursus de découverte.
3) Le conseil de classe devra émettre un avis précis et circonstancié sur l’orientation des élèves de Terminale, dès la fin du 1er trimestre. Les deux professeurs principaux de chaque classe de Terminale se voient ainsi investis d’un véritable rôle de mentor. A eux de mettre en garde l’élève sur ses ponts faibles, sur la nécessité de modifier sa méthode de travail, de faire montre d’une attention plus soutenue en cours, etc. La réforme de l’APB prévoit d’encourager la contribution – elle se pratiquait déjà dans de nombreux lycées – des meilleurs élèves au bénéfice de camarades moins performants.
Tous les nouveaux modus operandi qui se dessinent vont constituer une étape décisive dans le devenir de des futurs candidats à l’enseignement supérieur : dès la fin du 2e trimestre, le conseil de classe de Terminale formulera un avis sur les choix d’orientation des lycéens. Avis qui sera transmis aussitôt, via des fiches dites « d’avenir », aux universités ou aux établissements d’études supérieures ! Au 3e trimestre, il conviendra bien évidemment pour chacun de faire toutes ses preuves au bac, tout en sachant que les mentions obtenues seront prédominantes, au moment des inscriptions … J’ajoute que l’Université de Bourgogne Franche-Comté va maintenir ses capacités d’accueil dans le cadre d’un dialogue permanent avec le Rectorat académique de gestion dont le siège est à Besançon ».
Pierre Laffitte et Georges Bon : « L’ancien APB, si décrié, était un outil qui gérait jusqu’ici 85% des jeunes bacheliers. Il faut savoir qu’il concernait non seulement les entrées en Université, mais également celles en IUT comme dans certaines Ecoles supérieures de Commerce. Les professeurs de Terminale, comme nous-mêmes, émettions un avis qui n’était en rien décideur, même si en se connectant sur ce fameux logiciel on avait le choix entre trois formulations de portée globale : « très favorable », « favorable », « réservé ». Rien d’autre ! Alors que Saint-B se distingue justement par un accompagnement personnalisé de chacun de nos lycéens.
Nous espérons que le nouveau dispositif accorde à nos notations une importance réelle. Après la dernière session du bac 2017, où rien n’avait été anticipé, nous avons eu la tristesse de voir de très bons profils être écartés de la filière souhaitée. Tandis que des jeunes gens avec un cursus scolaire médiocre ont été sélectionnés. Parmi ces derniers, beaucoup ont déjà décroché… On chiffre à 30% le nombre d’abandons à la date de la Toussaint ! Nous sommes, là, face à un effet pervers d’un système d’admission aléatoire qui bloquait tout, interdisant toute seconde chance à ceux injustement mis sur la touche.
Voilà qui fait de nous des partisans d’une plate-forme qui redonnerait enfin toute sa place au mérite. Jusqu’ici, on avait baigné sous couvert d’un pseudo-égalitarisme dans un climat d’hypocrisie générale. Tout le monde sait qu’une filière très demandée – comme l’est Médecine – sélectionne sur dossier : un avis prépondérant « tombe » dès mars, mois où les candidatures sont posées. Nous souhaiterions vivement que certaines filières soient expressément réservées à des types de bac bien précis. Un exemple ? Un bachelier STM (Sciences Technologie Management) devrait être dirigé soit en IUT, soit en BTS, quitte à aller plus loin s’il le désire.
Bref, il faudrait que les auteurs de la réforme APB érigent deux principes : cohérence et adéquation des profils des candidats avec les choix exprimés ! Autre facteur à mettre absolument en avant et qui irait dans le bon sens : faire de nous, les enseignants, de véritables co-partenaires dans les choix de l’orientation à l’enseignement supérieur. Nous attendons qu’on porte enfin à notre connaissance les décrets d’application de la nouvelle réforme de l’APB… »
Propos recueillis par Marie-France Poirier