Comme principal sujet de rentrée pour le maire de Dijon, le projet phare de Métropole connectée qu’il a dévoilé récemment aux côtés des grands patrons de Bouygues, Suez, EDF et Cap Gemini. Mais François Rebsamen nous dévoile entre autres et en exclusivité un nouvel investissement de taille pour le CHU et la future composition de sa majorité…
Dijon l’Hebdo : Vous venez de présenter votre projet de la Métropole connectée avec Suez, Bouygues, EDF er Capgemini. A l’instar de ce que vous avez mis en place pour la future Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin, c’est un nouveau Partenariat public-privé (PPP). Est-ce la nouvelle méthode de gestion de François Rebsamen ?
François Rebsamen : « Le partenariat public-privé, je pourrais dire qu’il représente presque la méthode du gouvernement que nous avons choisie, pour les nouveaux projets bien évidemment. J’évoque les nouveaux projets parce que nous sommes attachés au service public, et lorsque celui-ci fonctionne bien, il n’y a pas de raison de le changer. Prenons ainsi l’exemple de la restauration scolaire où nous sommes en régie. On se félicite d’ailleurs de la qualité des repas qui sont servis à nos enfants. Là, cette démarche inédite de Métropole connectée représente évidemment une nouveauté. Et c’est un véritable projet partagé, à l’image de l’alimentation en électricité à l’occasion du tramway. Notre compétence n’était pas suffisante pour l’assumer tout seul, aussi fallait-il des grands groupes qui portent leurs capacités intelligentes d’innovation. Pour cette Métropole connectée, nous avons des groupes mondiaux qui nous accompagnent : Bouygues, EDF, Suez, Capgemini… C’est un magnifique projet qui va être évolutif, qui va permettre à terme de faire une gestion performante de tout l’espace public, de le connecter. Les habitants eux-mêmes pourront s’en emparer et en améliorer le fonctionnement. Ils pourront devenir des citoyens participant, actifs et engagés ».
DLH : Le montant de ce projet est estimé à 105 M€ sur 12 ans avec des investissements de la Ville de Dijon et de la Métropole s’élevant à 53 M€. Vous annoncez des économies de 15 M€ dans le même temps…
F. R. : « Sur la maintenance, nous allons réaliser, en effet, des grandes économies de fonctionnement, et nous allons dans le même temps renouveler, moderniser tout notre parc d’équipements de l’espace public. On a là un chantier qui va durer et qui va évoluer. J’ai demandé à Martin Bouygues mais à Suez également avec sa notoriété, à EDF et à Capgemini d’installer un démonstrateur à Dijon dès 2018 afin que les ingénieurs de toutes les villes du monde puissent venir voir ce qui se fait à Dijon. J’en attends un rayonnement supplémentaire en matière d’innovation, pour la Ville. Dijon servira de référence dans ce domaine à l’échelle mondiale ».
« Cela n’impactera pas la fiscalité »
DLH : Que répondez-vous à ceux qui craignent, avec de tels projets, une hausse des impôts ?
F. R. : « Cela n’impactera pas la fiscalité. J’espère pouvoir annoncer aux Dijonnais que, l’année prochaine, nous ferons encore 0% de hausse d’impôts comme cette année. Si le gouvernement ne nous taxe pas trop, parce que, nous, les efforts, nous les avons déjà faits. Justement, à ce sujet, j’ai dit au Premier ministre qu’une comparaison effectuée avec les 17 plus grandes villes de France montre qu’à Dijon le pourcentage des dépenses de personnel de la Ville est inférieur à 50%. C’est le plus bas de toutes les villes de France de plus de 150 000 habitants ! »
DLH : Avec cette Ville connectée, vous annoncez la création de 45 emplois directs et nombre d’emplois indirects. Quels seront ces emplois induits ?
F. R. : « Je donnais l’exemple de ce que j’avais fait avec Pôle Emploi quand j’étais ministre du Travail. Nous avions ouvert les données de Pôle Emploi à tous les créateurs de start-up en leur disant : « Emparez-vous en et améliorez le dispositif ! » Ils ont inventé des choses formidables. Donc il va se développer, à partir des applications nouvelles, des start-up. Nous aurons, dans le même temps, la Food Tech qui va s’installer à la Cité de la Gastronomie et nous aurons des bâtiments dédiés qui accueilleront ces entreprises d’avenir. Ce ne sont pas forcément des grands bâtiments. Dans les start-up, les gens travaillent différemment, ce sont des jeunes inventifs… »
DLH : Vous devrez, à n’en pas douter, faire face aux craintes de ceux qui crient au loup contre Big Brother. Comment allez-vous gérer l’épineuse question de la protection des données à caractère personnel ?
F. R. : « Nous ne communiquerons surtout pas les données personnelles. Elles ne seront pas vendues et, s’il le faut, je mettrai en place une commission d’éthique pour vérifier tout ça, bien évidemment. Elles seront sûrement beaucoup mieux protégées qu’elles ne le sont aujourd’hui pour tous les utilisateurs de smartphone qui utilisent Google ou leurs cartes bleues.
« Le 1er bâtiment connecté de réadaptation au CHU »
DLH : Les grands groupes partenaires ont tous précisé que c’était une première mondiale ! Est-ce réellement le cas ?
F. R. : « Des expériences ont eu lieu sur un quartier, sur un immeuble pour voir comment on pouvait tout connecter. Mais à l’échelle d’une métropole de 250 000 habitants, réaliser un démonstrateur unique de gestion, un Open Data, un accès libre à tout, c’est unique. Les grandes métropoles ne le font pas encore mais elles vont se servir de ce démonstrateur pour essayer de le reproduire. J’attends la reconnaissance de la Métropole dijonnaise mais aussi un développement de l’attractivité. Sans oublier un développement du tourisme qui j’en profite pour le préciser, a explosé cet été, avec une hausse de 11%. Ce sont les premiers effets du classement des Climats de Bourgogne au Patrimoine mondial de l’Unesco ».
DLH : Restons dans l’univers des innovations : le centre de cancérologie Georges-François-Leclerc et le CHU de Dijon sont les premiers, en France, à bénéficier d’un TEP-Scan numérique afin de favoriser la détection des tumeurs…
F. R. : « Oui et sachez que j’ai porté à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, il y a 8 jours, un grand projet du CHU : un bâtiment de réadaptation qui sera le premier connecté pour le suivi des personnes dans les conditions de suite. Un bâtiment, donc, qui évoluera en fonction des guérisons des personnes. C’est un grand projet de 45 millions d’euros qui va contribuer à faire rayonner le CHU ».
DLH : Après le décès cet été d’André Gervais, l’un des piliers de votre majorité, mais aussi les législatives, vous devez réorganiser votre équipe municipale. Comment cela va-t-il se passer ?
F. R. : « Dès le prochain conseil municipal, je nommerai une adjointe qui reprendra pour la partie dijonnaise, une partie des responsabilités que portait André Gervais, notamment le stationnement, les équipements urbains… : Dominique Martin-Gendre. Mais c’est très compliqué, les nominations des adjoints à la ville parce qu’il faut respecter la parité. Au niveau de la Métropole, je nomme 4 nouveaux vice-présidents : Thierry Falconnet reprendra les compétences transports et conservera la politique urbaine ; la voirie sera reprise par Rémi Détang ; Danielle Juban la compétence économique de Didier Martin ; Sladana Zivkovic la compétence tourisme international. Deux maires sont également promus vice-présidents : le maire de Bressey-sur-Tille, Patrick Moreau, qui s’occupe de l’accessibilité et du handicap, et puis le maire d’Ouges, Jean-Claude Girard, pour la commission d’appels d’offres. José Almeida se sépare de la compétence enseignement supérieur. Je scinde celle-ci en deux : pour tout ce qui concerne la vie étudiante, la vie scolaire, je promeus vice-présidente Anne Dillensenger. En ce qui concerne les grandes écoles, je confie la responsabilité à Denis Hameau. Cela bouge à la Métropole et cela va continuer ! Cela fait beaucoup de mouvement : nous reposons les bases et nous avons des grands projets à terminer avant mai/juin 2019 ! »
DLH : Quels sont les rapports avec les élus d’En Marche après les tensions – et c’est un doux euphémisme – qui sont apparues lors des campagnes électorales ?
F. R. : « Ils sont bons. De toute façon, je suis un Républicain. Didier Martin a été élu député de la 1ère circonscription de Dijon et je souhaite qu’il travaille avec nous. Il reste conseiller municipal et il est député. Donc j’espère et je n’en doute pas qu’il va défendre les dossiers de Dijon à l’Assemblée Nationale ».
« Réforme du Code du Travail : Je n’ai pas été trop sévère »
DLH : Un mot sur la Réforme du Code du Travail, par ordonnances, du gouvernement d’Emmanuel Macron…
F. R. : « Je n’ai pas été trop sévère car je considère que cela n’a pas lieu d’être mais il y a des points qui me semblent être des lignes rouges. Je regrette, notamment la réduction d’appel des entreprises en cas de plan social. Je prends l’exemple de Nokia. Les grands groupes internationaux pourront prendre un prétexte ou organiser des difficultés pour fermer un établissement en France sans être appelées, c’est-à-dire que les entreprises peuvent faire des bénéfices par ailleurs sans être inquiétées. Je l’avais refusé dans ma loi car je pense que c’est une erreur. Cela avait été mis dans la loi El Khomri puis retiré. Les avancées prises pour les PME sont bonnes mais il ne faut pas oublier la sécurité des salariés. Nous verrons donc ce que donne le fait de renvoyer à l’entreprise, éventuellement lors de référendum d’entreprise, et donc en lien avec les branches, le 13e mois, les primes, etc. C’est un texte d’essence libérale, qui donne de la souplesse aux entreprises notamment aux petites – et c’est très bien – mais il pêche en ne renforçant pas les droits des salariés. Il manque un volet sur la flexi-sécurité. Je reste raisonnable dans mes critiques mais je regrette que l’on n’ait pas une amélioration de la sécurité des droits des salariés »
DLH : Vous avez évité à l’Université du PS de la Rochelle de couler en organisant un séminaire de la FNESER (Fédération nationale des élus socialistes et républicains) que vous présidez. Prendrez-vous part à la reconstruction du Parti socialiste, que vous avez appelée de vos vœux ?
F. R. : « Pourquoi pas ! Tout cela va s’achever par un congrès au mois de février. Il faudra désigner de nouveaux dirigeants. Je prendrai part au débat mais je ne prendrai plus de responsabilités au sein du Parti Socialiste. J’ai beaucoup donné. Si on me le demande, je ferai part de mon expérience, j’aiderai mais sans la moindre volonté de prendre part à des responsabilités a posteriori ! »
Propos recueillis par Xavier Grizot