La chambre départementale des notaires de Côte-d’Or a un nouveau président en la personne de Didier Levray qui remplace François Martin. Un mandat de deux ans qui ne s’annonce pas de tout repos pour le notaire dijonnais qui doit faire face aux inquiétudes de toute une profession dans l’obligation de faire évoluer ses pratiques et de bien négocier les grands chantiers qui s’ouvrent.
Dijon l’Hebdo : Qu’est-ce qui génère de l’inquiétude chez vos confrères ?
Didier Levray : « C’est la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Cette loi croissance a un côté révolutionnaire dans le sens étymologique. C’est un changement brusque. On a imposé à notre profession une baisse drastique du tarif, une liberté d’installation, des nouveaux confrères, de nouvelles structures… On va dans le sens d’un plus grand libéralisme. Le notaire, avec sa casquette d’officier public, qui agit pour le compte de l’Etat qui, au passage, lui met des bâtons dans les roues, qui délivre un service public, est en droit de s’inquiéter. On lui demande de faire plus avec moins de rémunération, avec un maillage territorial différent, avec de plus en plus de concurrence ».
DLH : Les notaires « ruraux » pourraient être rapidement dans la tourmente ?
D. L : « Cette loi génère effectivement beaucoup d’inquiétude pour le notariat rural qui nous concerne tout particulièrement en Côte-d’Or. Cette loi a changé la donne par rapport à la rémunération des notaires. Une rémunération revue à la baisse pour les petits actes, par exemple les ventes de biens de faible valeur notamment celles qui se font sur les zones rurales. Là-dessus, les notaires ne gagnent plus leur vie. C’est désespérant, pour un chef d’entreprise d’être obligé, dans le cadre du service public de proximité, de faire un travail à perte. C’est catastrophique ».
DLH : Voilà qui est de nature à ne pas encourager les jeunes notaires à s’installer à la campagne ?
D. L : « On touche là la liberté d’installation et notre inquiétude se porte sur le maillage territorial. Conséquence des difficultés économiques rencontrées sur les territoires ruraux : la majeure partie des nouveaux arrivants se dirige vers des études citadines. On va droit vers une désertification. Ce qui est particulièrement fâcheux quand on sait qu’en certains endroits où les services de santé, la Poste, le percepteur, l’école, parfois même la gendarmerie, ont disparu, nous sommes les derniers représentants du service public.
L’idée que le notaire est quelqu’un qui gagne très bien sa vie est une idée absolument parisienne. La loi Croissance a fait peser sur les « petits » l’effort qu’elle prétendait obtenir de toute une profession. Le notariat de grande ville, de grande métropole, n’est pas impacté dans ses revenus en raison du flux des actes mais aussi parce que les prix sont soutenus sur ces secteurs-là.
Tous les ingrédients sont là pour contribuer à un exode rural du notariat vers la ville. Au final, ce sont les citoyens qui vont en subir les conséquences ».
DLH : Et la loi Croissance prévoit l’installation de nouvelles études ?
D. L : « La loi croissance a prévu 1 650 nouveaux notaires. En Côte-d’Or, cela représentera, à court terme, 18 études supplémentaires. La plupart, à Dijon. Nous accueillerons ces nouveaux confrères comme il se doit, avec bienveillance, dans le respect des règles de la profession. Nous les accompagnerons sur le terrain de la création d’entreprise car ils vont partir de zéro. Ils seront ainsi soutenus dans la solitude du créateur d’entreprise. Cela me paraît fondamental.
Ils auront besoin d’être encadrés parce qu’ils intègrent une profession structurée, qui a une déontologie, une éthique ».
DLH : Quel est le profil de ces nouveaux notaires ?
D. L : « J’avoue qu’il y a une certaine opacité. On ne les connaît pas tous. Ils ont été tirés au sort avec tout cela suppose comme iniquité. Ce ne sont pas forcément les plus méritants qui sont appelés à nous rejoindre.
En tout cas, ce sont tous des gens qui ont un diplôme de notaire. Des jeunes mais pas seulement. Ce sont des notaires qui travaillent dans des études de Côte-d’Or mais aussi à l’extérieur du département, qui ont postulé dans la région dijonnaise souvent parce qu’ils y ont des attaches. Ce sont des « primo-accédants ». C’est intéressant de le souligner car cela correspond à l’esprit de la loi ».
DLH : Vous n’avez pas participé au tirage au sort ?
D. L : « Absolument pas et ça ne me dérange pas. C’est la loi qui l’a voulu. Cela a été organisé au ministère de la Justice dans des conditions inattaquables. Ce qui a dérangé le notariat, c’est l’idée même du tirage au sort. Le conseil supérieur du notariat a toujours défendu l’idée que l’on pouvait faire un concours national comme c’était le cas avant. Le même système que les médecins. Nous étions à même d’organiser ce genre de concours pour les personnes qui ont postulé pour s’installer comme notaire ».
DLH : Aujourd’hui, vous n’avez pas d’autres choix que de vous inscrire, vous aussi, dans la course au numérique ?
D. L : « C’est une obligation. Une grande partie des échanges – notaires/clients et notaires/administration – se font déjà par voie numérique. Mais il faut aller plus loin et nous adapter aux nouveaux comportements de la clientèle qui a toujours plus besoin d’informations rapides et de transparence ».
DLH : Voilà qui casse quelque peu l’image du notaire qui apparaît plutôt comme un homme patient, qui prend son temps ?
D. L : « C’est vrai. C’est un peu antinomique avec la profession notariale dans la mesure où les notaires ont plutôt tendance à prendre leur temps. Pas parce qu’ils sont lents mais parce qu’ils interviennent dans un domaine où il faut prendre son temps notamment sous des angles juridiques ou encore administratifs qui nécessitent de respecter des normes qui ne cessent de se multiplier. Le droit, ce n’est pas un produit de consommation courante. La constitution d’un acte, c’est souvent, pour les clients, un projet de vie avec l’acquisition ou la vente d’un bien, un contrat de mariage, une donation partage… Le notaire ne fait pas que la rédaction de l’acte, il est là pour conseiller.
L’idée, ce n’est pas mon idée personnelle, c’est qu’il faut que le notariat s’adapte, encore plus, avec des outils numériques toujours plus performants, à ce nouvel environnement qui nous permettra d’être encore plus proche de ses interlocuteurs sans pour autant qu’ils se déplacent ».
DLH : Cela sous-entendrait-il que la signature à distance sera bientôt possible ?
D. L : « L’un des chantiers qui va être mis en place par le conseil supérieur du notariat, c’est la visio-conférence qui pourrait répondre à votre question : « Pourquoi pas la signature à distance ? » Nombreuses sont les personnes qui ont du mal à se libérer pour signer un acte dans la journée. Et c’est parfois une véritable galère de fixer un rendez-vous pour réunir toutes les parties.
On ne va pas changer fondamentalement le métier du notaire mais on va l’adapter à cette course au numérique. C’est un point essentiel qui va grandir encore l’image du notariat auprès du public et qui va améliorer aussi la gestion et la rentabilité des offices ».
Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE
Une chambre, ça sert à quoi ?
La Chambre départementale des notaires de Côte-d’Or est composée de 11 membres avec un bureau qui comprend un président, un vice-président, un premier syndic, un 2e syndic, un trésorier, un secrétaire. Chacun a son rôle. Celui du président est essentiellement de représentation de ses confrères mais aussi de surveillance, de discipline et d’animation. En cela, il est secondé par un vice-président. Le premier syndic est plus particulièrement chargé des relations entre notaires. Le 2e syndic s’occupe des relations avec la clientèle qui souhaiterait poser des réclamations auprès de la chambre des notaires.
La chambre est avant tout un moteur, un apporteur d’idées pour mettre en place des actions capables de faire avancer la profession au niveau local. Elle est aussi le lien avec les autres instances.