En cette période d’élection présidentielle, comme vous amis lecteurs, je lis les programmes des prétendants à la magistrature suprême. Ayant ‘épluché’ ces déclarations péremptoires où la certitude des uns s’oppose au flou savamment étudié des autres, j’ai noté au moins un commun dénominateur : ces programmes valsent avec les milliards de façon déconcertante ! Du temps de l’ancien franc, on agitait déjà des milliards ; au temps du nouveau franc c’étaient encore de milliards qu’il s’agissait ; à présent, ce sont encore et toujours des milliards qui fusent, mais en euros cette fois. L’unité de compte est décrétée et ce sont les milliards que nous n’avons pas qui vont nous sauver. Jésus est bel et bien de retour ! Les Catholiques me pardonneront cette image, la multiplication des petits pains c’était de la gnognotte à côté de cette génération quasi spontanée d’une pluie de billets de 500 €… Que nous promettent les principaux ténors de cette course à l’Elysée ?
A gauche, deux hommes se détachent : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Le premier a fait du revenu universel pour tous, fixé initialement à 750 €/mois, une des mesures phares de son programme ; devant l’énormité des sommes nécessaires à son financement (entre 305 et 425 milliards d’euros), le candidat a raboté son initiative et la chiffre désormais à « seulement » 35 milliards, repoussant à la fin de sa seconde éventuelle élection la réalisation de sa promesse initiale. Le second, adepte d’une relance forte de l’économie, veut injecter 100 milliards d’euros dans la machine économique et jure ses grands dieux qu’en impôts, taxes, charges sociales, cela va rapporter à l’Etat 190 milliards. J’ai beau m’efforcer à de l’objectivité, je me dis que dans ces deux cas Jésus va devoir leur donner un sérieux coup de pouce pour que de pareils miracles aient lieu…
Au centre (aïe aïe aïe, je vais me faire taper sur les doigts car il se dit « ni de droite ni de gauche » !), un candidat surgi de nulle part ou presque, Emmanuel Macron, veut lancer un grand plan d’investissement de 50 milliards sur 5 ans ; il a au moins le mérite de nous dire pour quoi faire : « Ce plan sur 5 ans sera mis au service des qualifications de tous les citoyens, de la transition écologique, de la révolution numérique, de la modernisation des services publics et de la rénovation urbaine ». D’où sortent ces 50 milliards ? D’économies à venir paraît-il. Pour le moment, ce n’est pas Jésus qui va devoir intervenir mais de grands banquiers pour nous prêter ces milliards en espérant pouvoir les rembourser un jour…
A droite, vainqueur inattendu d’une primaire, quelque peu empêtré dans des affaires pas bien claires, François Fillon, ne parle « que » de 10 milliards comme boosters du pouvoir d’achat. Il préfère inverser la donne en voulant s’inscrire dans un cercle vertueux et parle d’abord d’économies à réaliser, notamment sur le train de vie de l’Etat ; la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires nous vaudrait 15 milliards d’économies ; en rajoutant d’autres mesures, son programme devrait aboutir à 100 milliards sur 5 ans. Au pays du « y’a qu’à faut qu’on », annoncer un train de mesures vaudrait-il garantie de résultat ? J’ai des doutes ; mais quand on a la foi l’essentiel c’est d’y croire…
Encore plus à droite, Marine Le Pen nous a présenté 144 mesures qui, selon elle, vont sauver la France et nous assurer des lendemains qui chantent. Pourquoi pas ? Beaucoup plus prudente que les autres candidats, elle ne se risque cependant à aucun chiffrage global de son programme. Ses opposants évaluent à 145 milliards le coût de ses mesures. Si tel est le cas, ce sont les Rois Mages qui vont devoir apporter cette manne …
Que faut-il retenir de ce très bref aperçu des solutions préconisées par les ténors de la présidentielle qui au passage en prennent chacun un peu pour leur grade ? C’est que le temps des magiciens est revenu en même temps que la pêche aux voix ! Demain, l’eau sera changée en vin, les petits pains (pas forcément au chocolat) seront à la disposition de tous et la foi en un monde meilleur sera une réalité… Etant lucide, j’aimerais qu’on me dise d’où vont venir tous ces milliards que nous allons dépenser et, surtout, pourquoi tout ce qui a été fait depuis plus de quarante ans n’a jamais porté les fruits escomptés ?
Je regarde ce que font nos voisins, notamment nos amis Suisses qui savent se contenter de 33,1% de déficit public de leur PIB alors que la moyenne européenne est de 85%, la France frôlant désormais les 100 %. Il est vrai qu’en Suisse la dépense de l’Etat n’est que de 32,5% du PIB alors qu’en France elle culmine à 56,80% (source Eurostat). Même si récemment le chômage a un peu augmenté en raison du renchérissement du Franc Suisse, il n’est que de 5,1%, soit pratiquement la moitié du nôtre… Jésus n’est pas né en Suisse mais, pays catholique à 78%, ses habitants ont surtout retenu qu’au lieu de jongler avec des milliards imaginaires, il valait infiniment mieux les créer en travaillant 42 heures par semaine, durée légale. Résultat, la Suisse ressort régulièrement en tête du classement des pays où le bonheur est le plus grand, juste derrière le Danemark (source : World happiness report 2016) ; la France n’est que 32e de ce classement, perdant 9 places depuis 2012. A méditer…
Alors, mesdames, messieurs les candidat(e)s, à quand un peu moins de décontraction avec l’argent des contribuables et à quand une vraie explication du salut national par les efforts de tous ?