Vignette écologique ?

Amis lecteurs, nous allons devoir apposer sur nos pare-brise une nouvelle vignette si nous voulons nous rendre dans certaines métropoles où l’air est particulièrement pollué. Limitée pour le moment à Paris et Grenoble, ne nous faisons pas d’illusions, cette vignette va s’étendre à bien d’autres villes ; sont d’ores et déjà ciblées par ce Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) : Avignon, Béthune, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Douai-Lens, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Pointe-à-Pitre-Les-Abymes, Rennes, Rouen, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulon, Toulouse, Tours, Valenciennes. Bizarre, Dijon n’y figure pas… Patience, ça ne saurait tarder, car il faudra bien contenter les quelques écologistes fanatiques de la taxation systématique qui sévissent un peu partout.

Vous l’aurez déjà compris, je ne suis pas un grand admirateur de cette énième décision supposée apporter un correctif aux conséquences des activités humaines. Non pas que la cause écologique m’indiffère, bien au contraire. Simplement, je constate que si le but recherché est noble, les moyens employés relèvent une fois de plus des vieilles méthodes recyclées et sont parfaitement discriminatoires pour ne pas dire inutiles.

Dans Les Femmes savantes, Molière fait dire à la servante Martine « Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ». Il en est de même pour l’automobile et « qui veut tuer la bagnole l’accuse de pollution » ! Pour ne pas tomber sous le coup d’un procès en rigidité, l’administration s’est voulue sélective et a instauré 6 catégories permettant d’identifier ainsi les « vertueux » et les « pollueurs ».

Le principe est simple : si vous roulez en véhicule diesel, vous êtes mal vus ; si vous roulez dans un véhicule immatriculé avant 1997, vous êtes très mal vus ; et si vous roulez dans un diesel d’avant 1997, on vous priera sans ménagement de rester chez vous. Pour vous déplacer sans soucis, vous voici donc sommés d’apposer cette vignette moyennant la modique somme de 4,18 €, disponible uniquement par internet ; il vaudra mieux obtempérer car en cas d’absence, ou de vignette erronée, une amende de 68 € sera infligée aux voitures et de 135 € aux camions. Je vois d’ici les agents comptables du trésor se frotter les mains à l’idée de cette nouvelle manne financière qui, à défaut de faire un tant soit peu baisser la pollution, aura au moins le mérite de renflouer les caisses désespérément vides d’un Etat par ailleurs fort dispendieux.

Bon, admettons le principe de cette vignette… Qui vise-t-elle ? Etonnamment, uniquement les voitures, les cars et les camions. Démonstration : Les avions ? Pas touche ! Un avion émet environ 140 grammes de CO2 au kilomètre par passager contre environ 100 grammes au kilomètre pour un automobiliste mais, allez savoir pourquoi, le kérosène bénéficie d’une exonération intégrale de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE, ex-TIPP). Pas de taxe, pas de vignette et adieu le principe du pollueur-payeur…

Les paquebots ? Bien que fort rares à Dijon je le concède, mais bien présents à Marseille ou Nice, pour ne citer que ces deux villes, ils polluent autant à l’arrêt qu’un million de voitures en termes d’émission de particules fines et de dioxyde d’azote (source : France Nature Environnement) ; leurs moteurs continuent en effet de tourner à l’escale, ne serait-ce que pour assurer l’électricité nécessaire à bord ; là aussi, pas de taxe, pas de vignette et adieu le principe du pollueur-payeur… Les usines ? Elles croulent déjà sous un amas de normes et en rajouter une couche serait dangereux pour les emplois. Les vaches nous polluent en générant autant de méthane que 15 millions de voitures (source : INRA) et pourtant il n’est pas prévu de leur coller une vignette sur le museau, allez comprendre pourquoi (non, non, je suis très sérieux). Nos cheminées ? L’idée a bien effleuré certains d’en interdire ou d’en limiter l’usage mais il y avait un plus gros gibier en vue et on s’est donc concentré sur le bouc émissaire le plus facile, la sacro sainte bagnole et ses grand-frères camions ou autocars.

Faisons quelques calculs. En Côte-d’Or, 267 365 automobiles particulières de moins de 15 ans sont recensées et, au total, en France ce sont 32 324 999 véhicules privés qui sillonnent nos routes (source : ministère de l’Environnement au 1er janvier 2016). Multipliez ces nombres par 4,18 €, prix de cette fameuse vignette Crit’Air, et vous obtenez une recette fiscale potentielle de 1 117 585 € pour notre département et de 135 118 496 € pour tout le pays, sans compter le produit des inévitables amendes à venir. Tentant, n’est-ce pas, surtout quand on sait que 83% des Français possèdent une voiture (INSEE)…

Par ailleurs, des experts (?) ont jugé que les véhicules immatriculés avant 1997 (hors véhicules d’urgence et dits de collection) seraient désormais interdits de circulation à Paris intra-muros en semaine. Au total, en France, ce sont 850 000 véhicules qui sont potentiellement concernés (source : Association 40 millions d’Automobilistes). Lors de l’achat, avait-on prévenu leurs acquéreurs qu’au bout de 20 ans ils devraient soit en racheter un autre neuf, soit le mettre à la casse ? Bien sûr que non et tant pis pour les foyers modestes.

On le voit bien, rien de tout ceci ne fera baisser sérieusement la pollution qui est pourtant la cause de 9% des décès en France. Par contre, cette vignette viendra allonger la liste déjà exceptionnelle des impôts et taxes qui sont la marque de fabrique d’un Etat ayant toujours privilégié le punitif plutôt qu’une stratégie à long terme. Bref, comme d’hab’…