Tous individualistes ?

Dans son discours d’investiture du 20 janvier 1961, John Fitzgerald Kennedy lançait cette phrase : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Curieusement, dans notre pays, elle n’a été reprise par aucun des candidats actuels à la magistrature suprême ; sans doute parce qu’ils se souviennent de cette réflexion de Pierre Daninos dans les Carnets du Major Thomson : « La France est le seul pays du monde où, si vous ajoutez dix citoyens à dix autres, vous ne faites pas une addition, mais vingt divisions ». Ce n’est pas faute d’exalter la France, quitte à battre le rappel des Gaulois ; pourtant, rien n’y fait, l’individualisme va croissant et au passage tout ce qui fait la Nation France se délite un peu plus chaque jour. La faute à qui ?
En premier lieu, à l’Etat qui, à force d’interventionnisme tous azimuts, est désormais perçu comme le deus ex machina aux poches pleines d’argent, devenu omnipotent et donc impotent ; des avalanches de lois (près de 11 000) et de décrets (plus de 127 000) sont sensées régir notre vie quotidienne bien mieux que les Dix Commandements. En second lieu, tout ce fatras de textes juridiques n’est que la résultante des multiples groupes de pression venus pleurnicher dans le giron de l’Etat pour obtenir une dérogation, un petit privilège, quelques menus subsides, etc. A la fin, la mère poule n’y retrouve plus ses petits et les candidats aux Primaires, puis à l’élection présidentielle, en sont réduits à des numéros d’équilibristes susceptibles de satisfaire toutes ces demandes corporatistes.
Jugez-en plutôt, coté forces de blocage, pour n’en citer que quelques-unes, nous avons des syndicats archi politisés, voire ultra-marxistes ; des associations comme SOS Racisme qui oublie de mettre un S à racisme ; des intermittents du spectacle qui veulent être payés comme à plein temps. Coté travail, nous voyons des chefs d’entreprise épris de liberté mais qui réclament des aides au premier coup de torchon ; des chômeurs hésitant entre retrouver un emploi et les indemnités ; des entreprises qui délocalisent tandis qu’on prône le « made in France ». Coté fonctionnement de l’Etat, nous avons des fonctionnaires protégés par un statut unique, en surnombre, mais qui restent indéboulonnables ; nous subissons de nouvelles régions bâclées, un mille-feuille administratif hallucinant, des lois de plus en plus imposées par Bruxelles.
Coté société, nous maternons des islamistes fanatiques qui n’ont que faire de nos lois, prêchant la haine pratiquement sans risques ; des Roms qui refusent d’être assimilés ; des gens du voyage qui bloquent une autoroute pour un oui ou un non ; des Zadistes vaguement écolos, capables de stopper un projet pourtant débattu démocratiquement pendant plus de trente ans ; des voyous assassins qualifiés bizarrement de simples « sauvageons » ; des dealers qui brûlent des caméras de surveillance assurés de la plus parfaite impunité ; des migrants que plus personne n’ose appeler des clandestins et qu’on essaime un peu partout en claironnant « problème réglé ! ».
Coté vie de monsieur tout le monde, nous regardons des paysans qui crèvent de faim mais rechignent à s’adapter ; des jeunes auxquels on donne un baccalauréat de pacotille et qui s’étonnent de n’être pas embauchés rapidement ; des partisans du travail qui célèbrent les 35 heures et jouissent des RTT jusqu’à plus soif ; des ménages qui voudraient bien s’acheter un toit mais se voient opposer un refus par les banques au prétexte qu’ils ne disposent pas de 30% d’apport ; des retraités qui survivent avec des pensions gelées et riquiqui tandis que députés et sénateurs se votent des retraites indécentes ; des prisons tellement surpeuplées que notre justice doit prononcer la relaxe des délinquants plutôt que de les sanctionner ; des centres ville désertés pour cause de loyers démentiels et qui ne survivent qu’à grand renfort de braderies ; des automobilistes qu’on supplie d’acheter des voitures pour faire tourner les usines mais qui se font rançonner dès qu’ils s’en servent ; des impôts sur le revenu jugés scandaleusement élevés y compris et surtout par les 54% de Français qui n’en payent pas ; des services d’urgences débordés où chaque patient s’attend à être prioritaire et où les médecins avouent que seuls 20% des cas relèvent des dites urgences.
Rajoutez encore le casse-tête d’une dette devenue démentielle mais qui n’empêche pas nos dirigeants de trouver encore et toujours un peu de blé à moudre, histoire de calmer telle ou telle catégorie… Je m’arrête là car la liste des individualismes et de leurs corollaires – les récriminations – est quasi illimitée !
Le moment serait pourtant bien choisi pour rappeler à tout ce petit monde qu’une Nation ça se construit collectivement, ce qui, a contrario, sous-entend qu’elle se démolit par la somme des individualismes, évidemment financés par d’autres. Comment s’étonner que les candidats politiques peinent à donner un peu de cohérence à leurs programmes, contraints qu’ils sont de résoudre la fameuse quadrature du cercle ? C’est qu’il faut ratisser large pour être élu et que demander des efforts n’est pas très vendeur ! Alors, nous écoutons les sempiternels catalogues de recettes prétendument miraculeuses et les magiciens d’hier se présentent sans complexe comme les sauveurs de demain…
Je laisserai le mot de la fin à Coluche : « La droite a gagné les élections. La gauche a gagné les élections. Quand est-ce que ce sera la France qui gagnera les élections ? ».