Maladroitement nommée « Loi Travail », ce mot faisant manifestement peur à certains, un texte a mis le feu aux poudres et la jeunesse dans la rue. La Loi El-Khomri est déjà à ranger dans les oubliettes tant elle a été vidée de son contenu par les reculades successives d’un gouvernement apeuré et irrésolu, tolérant (jusqu’à quand ?) des manifestations alors que nous sommes en plein état d’urgence. Pourtant, rien n’y fait et des groupes de lycéens ou étudiants – qui n’ont pas encore travaillé un seul jour de leurs jeunes vies – ont sauté sur cette occasion pour laisser libre cours à leur soif d’un monde meilleur, voulant créer « quelque chose d’autre » sans jamais en préciser les contours.
Les slogans les plus saugrenus fleurissent : « On veut tout sauf un travail », « On veut pas perdre notre vie à la gagner », « Pour un printemps infini », « On vaut mieux que ça », « L’imagination au pouvoir », etc. Ce serait amusant si ce n’était aussi puéril.
Un Collectif dijonnais déclare à qui veut l’entendre : « Depuis le 9 mars, nous, citoyen(ne)s, manifestons, occupons et nous opposons par tous les moyens possibles à la loi Travail, et, plus largement, à un système qui nous précipite, depuis trop longtemps déjà, droit dans le mur ». Le rejet de la loi Travail n’était donc qu’un prétexte pour remettre en cause un « système » ? Rassurez-vous, on l’avait bien compris ! Un peu partout en France il y a des débordements, des universités et des lycées saccagés, des commissariats incendiés, du mobilier urbain vandalisé. Bah, les impôts de papa-maman financeront bien les réparations. Ben voyons…
A Dijon, le samedi 9 avril, environ 1 500 personnes ont défilé, en très grande majorité des syndicalistes brandissant des drapeaux ou des pancartes aux couleurs de la CGT ou de FO, éternels promoteurs de la lutte des classes dont c’est à la fois le fond de commerce et l’unique justification. Le soir venu, à peine 200 jeunes (ou moins jeunes) ont passé une partie de la nuit Place Wilson, le tout récupéré par quelques vagues artistes locaux en mal de promotion gratuite. On y a parlé, on a échangé, on a bu un peu et puis au petit matin il a bien fallu rentrer se coucher tout en se donnant rendez-vous pour une autre manif le 28 avril car il y a quand même les sacro saintes vacances de Pâques et on ne va pas se les gâcher pour changer le monde, n’est-ce pas ?
La jeunesse présente cette vertu de croire en ses rêves, de caresser des utopies, de flirter avec l’anarchie. Si l’on ne rêve pas à 20 ans, on ne rêvera jamais… Encore faut-il ne pas se tromper de combat. Laissons de coté cette petite minorité qui veut passer ses nuits debout, fuyant le réel. Voici trois conseils d’un « vieux con » à la jeunesse.
Le premier – et vous avez bien raison – c’est qu’il vous faut un travail, lequel n’est ni une calamité ni un truc bizarre, mais le seul moyen connu pour traverser la vie. En ces temps d’ubérisation accélérée, où le modèle unique du salariat vole en éclats, j’aimerais que vous vous battiez pour obtenir un seul contrat de travail, le CDI, avec comme corollaire l’embauche facile mais assortie du licenciement facile. Ce n’est pas en pénalisant les CDD, comme le propose le Premier Ministre (annonce du 11 avril), que vous améliorerez votre sort puisque cette mesure n’aura pour effet que de raréfier un peu plus les velléités d’embauches. Conséquences d’un CDI plus souple : moins de galères pour louer un logement ou pour obtenir un prêt. Ça, c’est du concret et là je comprendrais ce combat.
Le second, battez-vous pour ne plus être exploités en galérant de stages précaires en formations bidon. Vous le savez, pour les stages inférieurs à 2 mois, actuellement les entreprises ne sont pas mêmes tenues de vous rémunérer, bien que nombre d’entre elles pratiquent un « geste » ! Au-delà, la rémunération moyenne est de 668 € / mois (Le Figaro Etudiant, 18/11/2014). Franchement, arriver à Bac + 4 ou 5 et devoir passer par ce genre de fourches caudines, voici qui est ultra choquant et je ne peux que vous encourager à faire le siège de la permanence de votre député pour que la Loi 2014-788 du 10/07/2014 soit changée, loi qui prévoit à ce jour une rémunération minimum de 554,40 € pour 35 heures travaillées. Et dire que c’est sous un gouvernement de gauche qu’elle a été votée ! Il n’en reste pas moins que soit vous accomplissez un vrai travail et vous devez être rémunérés au minimum au SMIC, soit c’est l’officialisation d’un sous-prolétariat au prétexte d’une prétendue inexpérience ! Là, je comprendrais votre combat.
Le troisième : La politique vous rebute ? Les faillites de la droite et de la gauche vous ulcèrent ? Comme je vous comprends ! Mais dites-vous bien que vous êtes la vraie richesse du pays et que, demain, ce sera à vous d’en assumer le destin. Alors, plutôt que de tout casser, ayez les pieds sur terre et lancez des propositions crédibles. Au passage, n’oubliez pas que la France c’est à peine 1% de la population mondiale, 3,7% du PIB mondial, mais 15% des dépenses sociales mondiales ; clairement, ça ne pourra pas durer longtemps, à moins de vivre avec une dette toujours plus folle. N’attendez donc pas que les « vieux cons » vous mâchent le travail, c’est à vous de construire le monde de demain.
J’ai bien d’autres combats à proposer à la jeunesse et je veux croire que, tôt ou tard, elle saura les aborder avec sérieux et responsabilité. Si elle ne le fait pas, la France continuera de régresser. Alors, les jeunes, un dernier conseil en forme d’encouragement : Retroussez vos manches !
Jean-Pierre COLLARD