Catherine Petitjean, une « marathonienne »… du développement

Catherine Petitjean, une « marathonienne »… du développement

Quelques jours après avoir posé la première pierre de l’extension de sa Fabrique, Catherine Petitjean nous dévoile la recette de la longévité de l’une des PME emblématiques de Dijon : l’entreprise Mulot & Petitjean qui fête cette année ses 220 ans. Une interview où la dirigeante n’hésite pas à se livrer…

L’extension de votre Fabrique s’inscrit-elle dans une stratégie au long cours ?

Catherine Petitjean : « En 2003, nous avions en effet déjà réalisé une 1ère extension de 350 m2. C’était à l’époque un enjeu majeur puisque nous avions investi 1 M€. Cela nous avait déjà permis de multiplier par 10 les nonnettes produites, passant de 200 000 à 2 millions. C’était une première évolution, je pourrais même dire une révolution car nous travaillions avant comme un gros artisan et nous avions évolué vers une méthode industrielle ».

13 ans plus tard, vous voyez donc plus grand…

C. P. : « C’est la 2e étape avec, cette fois-ci, une extension de 1000 m2 pour un investissement immobilier de 3 M€, puis la même somme en matériel. Nous voulons favoriser une meilleure circulation des flux – ce qui est essentiel dans les entreprises agroalimentaires – et une meilleure adéquation avec les règles de sécurité alimentaire. L’entreprise est certifiée IFS mais nous anticipons les normes de demain qui seront encore plus exigeantes. Il faut avoir une vision et cela passait, pour moi, par ce développement ».

Quel type de développement envisagez-vous ?

C. P. : « L’objectif est de poursuivre le développement avec la fabrication de nouveaux produits. Nous avons ainsi sorti en mars une belle gamme de mini-nonnettes qui représentent des produits assez forts parce qu’ils sont adaptés à la consommation d’aujourd’hui. Nous sommes les premiers à le faire, aussi aurons-nous de facto un avantage concurrentiel ».

Est-ce la raison pour laquelle vous envisagez une nouvelle ligne de production ?

C. P. : « Dans le cahier des charges, j’ai, en effet, placé cette nouvelle ligne. Notre capacité était réduite. Cette nouvelle ligne répond aussi à une vision d’un chef d’entreprise et de ses collaborateurs. Nous devons anticiper. Comme l’écrivait Saint-Exupéry, l’important n’est pas de prévoir l’avenir mais de le permettre. Nous aurons de nouveaux produits mais il est encore trop tôt pour en parler ».

Anticiper, innover… tels sont les maîtres-mots pour qu’une PME historique comme la vôtre perdure ?

C. P. : « Vous savez, pour moi, la PME familiale était la dimension qui me convenait. Elle porte en elle des valeurs de proximité avec les collaborateurs – c’est très important –, de savoir-faire qu’il faut conserver et transmettre. Cette PME incarne aussi un ancrage local, régional et national. Peut-être que des gens s’arrêtent à Dijon parce qu’ils aiment bien le pain d’épices et qu’ils ont envie de découvrir cette entreprise de 220 ans. Nous avons une cinquantaine de salariés et, à terme, avec cette extension, nous pourrions être amenés à recruter 25 personnes supplémentaires. Quand les affaires marchent, il y a de l’emploi ! Pour cela, il est nécessaire d’innover ! »

En voulant créer un espace muséographique dans votre Fabrique, vous innovez en vous appuyant sur le passé…

C. P. « Cet espace muséographique est à la fois un enjeu de communication mais aussi un enjeu économique puisqu’un site de tourisme industriel permet de valoriser la marque mais aussi de faire venir des clients. L’entreprise fête ses 220 ans cette année, donc cela a du sens de faire découvrir l’histoire de la famille ainsi que celle du pain d’épices. Aussi nous célébrerons officiellement cet anniversaire avec l’ouverture de cet espace ».

Comment avez-vous fait pour éviter que la tendance intégriste du 0 sucre ou du 0 calorie ne vous dévore ?

C. P. : « Sachez que le pain d’épice est pauvre en matière grasse et, à la différence des biscuits et gâteaux, il n’y a pas de beurre. Bien sûr il y a du sucre. Sachez également que nous faisons un produit qui n’est pas commercialisé sous notre marque mais qui est destiné aux sportifs. Nous sommes ainsi présents dans les packs destinés aux marathoniens. L’on peut manger sans aucun problème des nonnettes. L’on n’est pas obligé de dévorer le paquet en une seule fois ! Vous savez, quand l’on mange des haricots verts, il me semble que l’on met un peu de beurre dessus. Soyons raisonnable à la fois dans l’alimentation et dans le tout-santé ! »

Lors de la pose de la première pierre, le maire de Dijon, François Rebsamen, a déclaré que vous « aviez su allier tradition et modernité mais surtout vous adapter à la globalisation ». Cette recette vous correspond-elle ?

C. P. : « Oui complètement ».

Où en êtes-vous en ce qui concerne l’export ?

C. P. : « Nous sommes au début du processus. Je suis une marathonienne et le long terme me va bien. Je n’aurais pas été bonne au 60 m. La ténacité du marathon me correspond. C’est la même chose pour le développement à l’export. Chaque année, nous investissons et nous nous développons. Nous sommes au Japon. Là, direction la Chine, Hong Kong, Taïwan. Nous aurons avec la prochaine Fabrique un outil susceptible de répondre aux normes américaines ».

Vous lancez votre nouvelle Fabrique après le classement des Climats de Bourgogne à l’Unesco et alors que se profile la Cité internationale de la Gastronomie. Ce n’est évidemment pas le hasard…

C. P. : « Il y a une concomitance, c’est vrai. C’était le moment pour l’entreprise pour les raisons que je vous ai expliquées mais c’était aussi le moment pour moi. Si je laissais passer le temps, ce n’était plus mon projet. Cela aurait pu être celui de mes enfants ou de mon successeur. Pour une PME comme la nôtre, c’est le projet majeur depuis que j’ai pris les rênes, c’est le sentiment du devoir accompli par rapport à ce que l’on m’a confié ».

C’est, en quelque sorte, une façon de laisser sa trace dans l’histoire dijonnaise…

C. P. : « Je ne pense pas que l’on laisse sa trace dans l’histoire à moins d’être Jules César ! C’est le sentiment d’avoir rempli ma mission si l’on peut penser que l’on a une mission sur terre ! »

Propos recueillis par Xavier GRIZOT