Les Dijonnais attendaient depuis longtemps dans leur ville, un musée de la moutarde de Dijon. C’est un Beaunois qui leur raconte l’histoire de ce produit emblématique dans un lieu qui mélange la muséographie, la production et le commerce.
Car contrairement aux idées reçues, la moutarde de Dijon est issue d’un procédé et non d’un lieu de fabrication : autrement dit, on peut en fabriquer n’importe où dans le monde.
L’atelier-boutique de la moutarderie Fallot, inauguré le 8 septembre dernier, est né d’une association de compétences formée d’un trio, un industriel et deux commerçants qui ont investi 350 000 € (hors fonds de commerce).
Pour présenter sa boutique atelier, installée rue de la Chouette, en plein cœur du centre historique de Dijon, Marc Désarménien, gérant de la Moutarderie Fallot (6,7 millions d’€ de chiffre d’affaires, 20 salariés) à Beaune, emprunte le langage d’un homme d’affaires. « Je l’ai conçu pour faire du B to B », affirme t-il.
Le lieu marie la culture d’une tradition qui fit les beaux jours de Dijon au 19ème siècle et une affaire commerciale et touristique.
En activité depuis le début du mois, le coin atelier fait toute l’originalité de la boutique. Il est constitué d’un outil de production de moutarde, très compact : une trémie qui reçoit les graines de moutarde avant d’être broyées par une meule de pierre, puis tamisées pour donner une pâte.
Belle trouvaille marketing empruntée aux moutardiers d’autrefois : cette moutarde fabriquée sur place est vendue en vrac. Le client apporte son pot ou en achète un, et le fait remplir à discrétion.
Prolongement de l’activité touristique de Beaune
Au cœur des rayonnages qui proposent toute la gamme du fabricant qui se distingue de la concurrence par une vaste palette de moutardes aromatisées, un comptoir propose des dégustations : le bilan du premier été d’activité atteste que les touristes en sont particulièrement friands.
Des écrans d’informations et une scénographie sur la devanture donnent au lieu une connotation muséographique.
« L’implantation à Dijon est un prolongement naturel de l’activité touristique de Beaune où nous avons un espace muséographique et organisons des visites de la fabrique », explique Marc Désarménien.
« Nous ne pouvions faire une ènième boutique de produits régionaux, d’où la relance de la vente en vrac et le bar de dégustation », poursuit-il.
Le moutardier entend aussi engranger des partenariats avec les restaurateurs locaux et susciter des recettes qui mettent en valeur l’emblème de Dijon.
L’installation dans la capitale régionale offre aussi à l’industriel l’opportunité de promouvoir la moutarde de Bourgogne fabriquée avec des graines de sénevé (la plante à moutarde) cultivées dans la région. Une denrée encore rare.
Une identification géographique protégée
Abandonnée vers 1950 au profit du colza subventionné par l’Union Européenne, la culture du sénevé a été relancée il y a une vingtaine d’années à l’initiative de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or et de quelques moutardiers, dont Fallot.
Aujourd’hui, on en produit 5000 ha utilisés pour faire une « moutarde de Bourgogne » bénéficiant d’une indication géographique protégée (IGP) depuis 2009.
L’IGP certifie que la production des graines de moutarde et du vin blanc, ainsi que leur transformation se déroulent en Bourgogne. Contrairement à la moutarde de Dijon qui est un procédé de fabrication réalisable n’importe où dans le monde.
Comme à Beaune où, au démarrage de son musée, il s’est appuyé sur l’office de tourisme, l’industriel a trouvé à Dijon des associés qui ont la bosse du commerce.
L’association d’un industriel et de commerçants
Guillaume Viellard, actionnaire majoritaire de la société d’exploitation de l’enseigne et Nicolas Charvy sont tous les deux propriétaires ou/et cogérants de plusieurs boutiques de produits régionaux à Dijon. Leur objectif est de réaliser un chiffre d’affaires annuel de 600 000 €.
Une ambition à la mesure de l’investissement qui atteint 350 000 € (hors fonds de commerce), dont 250 000 € d’agencement pris en charge par Fallot.
Et si l’affaire tourne, il n’est pas exclu qu’elle débouche sur une franchise.
Christiane Perruchot
(Traces écrites news)