Michel Renault : « Je suis fier d’avoir placé Dijon à ce niveau-là »

Battu sur le fil par Limoges en demi-finale du championnat de France de basket… Un parcours que personne n’imaginait en début de saison et on a l’impression que vous n’êtes toujours pas redescendu sur terre ?
Franchement, qui n’aurait pas été sur un petit nuage après ce que l’on vient de vivre ? Mais rassurez-vous nous sommes vite redescendus sur terre. On a perdu à Limoges le 27 mai pour une raison simple : nous étions cuits, les organismes étaient usés. Ensuite, jouer ce cinquième match dans une ambiance de folie où l’on a pu mesurer continuellement 125 décibels, c’était franchement insupportable. Maintenant, des regrets on en a évidemment. Ce qu’il faut retenir avant tout c’est que Dijon figure parmi les quatre meilleures équipes françaises. Et nous en sommes très fiers.

Aviez-vous déjà vécu des instants pareils dans votre longue carrière de président ?
De grands moments, il y en a eu dans le passé. En 2001, nous avions atteint les quarts de finale des play off. Nous avons gagné la Semaine des As en 2004, la coupe de France en 2006, le titre de Champion des champions en 2007, on a joué la finale de l’eurochallenge également en 2007… De belles émotions, nous en avons vécues. Mais aussi fortes, aussi intenses que notre parcours en play off cette année, jamais.

Et chaque saison, vous faites mieux que la précédente ?
C’est vrai que depuis notre retour en Pro A, on ne cesse de progresser. Il y a 2 ans, nous étions 9e du championnat, l’an passé nous occupions la 7e place et cette année nous avons terminé sixième du classement avant l’entame des play-off. Sixième avec le même nombre de points que le quatrième. La différence s’est faite sur la différence des points marqués et encaissés.

Et vous avez enfin trouvé un public digne de votre statut ?
C’est vrai et c’est aussi une belle satisfaction. Il y avait beaucoup de monde pour Le Mans et nous avons affiché complet, c’est à dire 5 220 personnes, pour les deux matchs contre Limoges. Les règlementations en matière de sécurité ne nous ont pas permis d’aller au-delà. J’ai beaucoup aimé notre public. Sympathique, présent aux bons moments et qui a joué pleinement son rôle.

Au début de la saison, avec le 14e budget sur les 16 équipes engagées, votre objectif, c’était de jouer le maintien ?
Nous avions mis la barre un peu plus haute. Notre objectif était d’assurer une 9e place et éventuellement d’avoir notre billet pour les play-off. Et tenter de réaliser un bon parcours en coupe de France. Ce qui a été fait puisque nous sommes allés jusqu’en 1/2 finale où nous avons été éliminés par Nancy.

Avouez que le basket, dans un club comme le vôtre, c’est un peu la loterie… Une bonne pioche aux Etats-Unis et vous réalisez une belle saison et une mauvaise pioche et vous flirtez avec la relégation ?
Si on prend l’exemple de Gravelines cette année, c’est tout à fait vrai. Ils n’ont pas réussi à faire l’osmose entre Américains et Français. Les joueurs d’outre Atlantique ont surtout joué sur leur valeur individuelle. Et le basket, c’est d’abord un jeu collectif. Il n’y a qu’un seul ballon sur le terrain et l’obsession de certains c’est de le prendre pour shooter, se mettre en valeur et améliorer ainsi leurs stats.

Riley aura été le joueur clé de la saison. Il suscite évidemment beaucoup de convoitises. Donnerez-vous les moyens de le conserver ?
Riley… Riley… Effectivement, il a fait de bons play-off. Ce qui ne l’a pas empêché de rater le dernier match contre Limoges. Il a fait une saison chaotique en raison de blessures. Il n’a pas toujours été au top. C’est un excellent joueur. Maintenant, on va s’en tenir à notre philosophie financière. Je ne casserai pas la tirelire pour le conserver. Les demandes des agents sont très extravagantes. Ils ont multiplié par trois la valeur d’un joueur qui aura touché 80 000 euros brut pour cette saison à Dijon, sans les primes et les avantages en nature que sont la voiture et l’appartement. Vous savez il n’y aura pas beaucoup d’équipes en France qui se donneront les moyens de se payer Riley. S’il quitte Dijon, ce sera plutôt pour l’étranger. En Turquie, par exemple.

Vous ne portez pas les agents de joueurs dans votre coeur ?
Les agents annoncent n’importe quoi mais ils faut quand même que l’on dialogue avec. Le problème avec eux, c’est qu’ils proposent déjà les joueurs aux équipes environnantes avant de prendre contact avec nous pour connaître notre position et nos éventuelles propositions. Avouez que c’est désagréable de ne pas être sollicités en premier lieu. J’espère que notre partenariat va progresser et que nous aurons peut-être 200 000 euros de plus à injecter dans la masse salariale. On verra donc pour Riley… J’aimerais préciser qu’il avait une équipe autour de lui. Harris, Dobbins, élu meilleur défenseur du championnat… lui ont facilité le travail. Riley ne peut pas tout faire tout seul et s’il joue tout seul, ce sera pour faire des « grigris ».

Une équipe, c’est d’abord un entraîneur. Et dans ce domaine, vous avez trouvé la perle rare… ?
Il y a quatre ans, je suis allé à Arcachon. J’ai mangé des huitres et j’ai trouvé Jean-Louis Borg dans l’une d’elles… Sérieusement, Jean-Louis a fait une très bonne saison. Ses pairs l’ont d’ailleurs désigné meilleur entraîneur français cette année.

Jean-Louis Borg sera-t-il toujours dijonnais l’an prochain ?
Jean-Louis Borg est sous contrat jusqu’en juin 2016 et il n’y a pas de clause libératoire. Il sera dijonnais la saison prochaine.

Quels sont les joueurs qui vont partir ?
Moss et Mendy sont les seuls encore sous contrat. Tous les autres sont donc susceptibles de partir. Nous allons entamer des discussions avec leurs agents pour voir s’il est possible de tomber d’accord pour des contrats de une à deux années. Je souhaiterais conserver Harris, Dobbins, Campbell, et pourquoi pas Riley car ils constituent l’ossature de l’équipe. Sinon, il faudrait repartir de zéro.

Comptez-vous remédier à la faiblesse du banc ? Concrètement, trouver des remplaçants plus expérimentés, plus solides ?
On a joué en moyenne avec 6,5 joueurs. Ce qui explique notre usure physique en fin de saison. Nous avons tout de même disputé 53 matchs. Renforcer le banc sera donc une de nos priorités. L’idéal serait d’avoir dix joueurs : un jeune issu du centre de formation et neuf joueurs salariés. Regardez Limoges, ils ont 10 joueurs et l’effectif tourne régulièrement tout au long de la partie. Cette saison à Dijon, vous remplaciez Campbell par Mutuale et la différence sautait aux yeux.

Si vous en aviez la possibilité, quel serait les joueurs que vous aimeriez voir porter le maillot dijonnais ?
Il m’est difficile de répondre à cette question car le recrutement relève des compétences de Jean-Louis Borg. Donner une réponse le mettrait forcément mal à l’aise et je ne tiens pas à le mettre en porte-à-faux. Il y a deux ans, j’avais décidé de faire signer Dixon, le meneur, sans l’avertir. Et Jean-Louis Borg, logiquement, a toujours dit « celui-là, c’est le joueur du président ». L’intégration de Dixon a été, du coup, rendue difficile.

La JDA est en « vacances » depuis le 26 mai au soir… Le championnat ne reprendra que fin septembre. Comment gère-t-on une période aussi longue ?
Pour l’heure, nous entrons dans une gestion administrative et financière. L’entraîneur, dans un premier temps, va entrer en contact avec les agents pour constituer l’équipe de la saison prochaine. Ensuite la reprise de l’entraînement se fera début août. Quant au championnat, il reprendra le 27 septembre. Il y a un point important qui va jouer : nous allons disputer l’Eurocoupe. Nous serons, dans un premier temps, dans une poule de six équipes. Donc dix matchs européens à jouer et dix occasions pour nos joueurs de briller sur la scène européenne. Sans compter une présence possible au second tour de cette épreuve. C’est un détail important qui n’échappe pas aux joueurs avant de décider de leur avenir.

On a souvent mis en avant les difficultés financières de la JDA. Où en êtes-vous sur ce terrain ?
En début de saison, il nous manquait 200 000 euros. Nous déposerons nos comptes à la DNCG avant la fin du mois de juin et nous devrions présenter un léger bénéfice. Et si on veut faire une équipe compétitive sur tous les tableaux, il nous faudra trouver 200 à 300 000 euros supplémentaires pour la saison prochaine.

Et le Palais des Sports de Dijon, avez-vous l’espoir de le voir un jour s’agrandir ?
Soyons raisonnable. Cela me semble compliqué. Compliqué techniquement et compliqué financièrement. La structure qui a été montée en 1977 est difficile à modifier. L’idéal serait de faire une salle complètement dédiée au basket et libérer ainsi le Palais des Sports aux clubs de hand masculin et féminin. C’est un voeu pieux au regard des disponibilités financières des collectivités…

En créant un club affaires voici 20 ans, vous avez fait figure de pionnier dans le basket français. Où en est ce club aujourd’hui ?
Le club existe toujours et compte environ 120 entreprises adhérentes. C’est difficile de faire mieux en terme d’adhésions car les sollicitations sont nombreuses et la situation économique que l’on connait amène les chefs d’entreprise à faire des choix. Mais dans l’ensemble, c’est un club qui fonctionne bien.

La finale du championnat de France se joue donc entre Limoges et Strasbourg. Quel est votre favori ?
J’ai été surpris de la qualification de Strasbourg malgré des joueurs absents ou diminués pour causes de blessures. Limoges a une belle équipe et je la vois aller au bout.

Quel est le club français qui vous impressionne le plus ?
La JDA. Pour le rapport qualité-prix ! Mais le club le plus complet qui monte en puissance, c’est Nanterre.

Qu’est-ce que vous aimeriez voir changer dans le basket français ?
Le 18 juin prochain, l’assemblée générale de la Ligue se prononcera sur le nombre d’équipes en Pro A. On saura si on est 18 clubs à disputer le prochain championnat de France. Ce serait une bonne chose car il y aurait deux matchs de plus à domicile. Sinon, j’aimerais que le basket soit diffusé plus largement à la télévision sur les chaînes gratuites.

Vous vous êtes fixé quelles limites dans le temps pour présider la JDA ?
La limite qui est fixée pour l’instant, c’est le 30 juin 2015. Ce sera la fin de mon mandat. A la fin du premier trimestre 2015, je ferai part de mes intentions sur ma volonté de continuer ou non.

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE