A la belle étoile

Midi ensoleillé. Les terrasses se remplissent pour profiter cash d’un petit reliquat d’été. Je sors du Musée, encore tout pénétré de pieuses images et de scènes médiévales qui vivent leur renaissance dans les premières salles rénovées. Porté peut-être par le goût du patrimoine, je file la diagonale sur la Place de la Lib. Me voilà chez Jean-Pierre Billoux, au Pré aux Clercs.

Je sais, vous allez vous dire, petit rictus aux lèvres, qu’à peine lancé dans mes chroniques gourmandes je révise pépère mes classiques au lieu d’aller courir fiévreusement la nouveauté.
Billoux, Père & Fils, un restaurant et plus encore, une institution. Rien de péjoratif dans le terme. C’est déjà bien pour une ville d’avoir quelques places fortes pour attaquer la table par le bon goût. Quoi de mieux pour faire le siège d’une Cité gastronomique que cette place centrale, le centre historique de l’antique Divio, face au palais des Ducs de Bourgogne. Une place royale dont le compas s’ouvre sur tables et terrasses où bat le cœur d’une ville désormais bien réveillée. Le fief de Jean-Pierre Billoux y prend ses aises, entre restaurant, brasserie et résidence.

Jean-Pierre lui-même c’est une institution. Berceau charolais, apprentissage à Digoin, avec Georges Bonnevay à l’Hôtel de la Gare, avant de reprendre l’affaire familiale et de la hisser à deux étoiles. A bonne école avec Alexandre Dumaine à Saulieu, chef légendaire baptisé « cuisinier des rois et roi des cuisiniers ». Puis la Cloche à Dijon, avant d’installer ses quartiers sur la Place et d’y étendre son rayon d’action.
Voilà pour la leçon d’histoire, car il faut bien replacer l’homme à son rang véritable. D’ailleurs, j’ai toujours en tête, quand je pense à Jean-Pierre Billoux, ce tableau parodique de la Leçon d’anatomie de Rembrandt, où il figure au centre d’un aréopage, avec les plus grands chefs des années 70.

Mais n’allez surtout pas croire que l’institution Billoux, je n’ose dire la dynastie, même si Alexis fils complète le tableau, rime avec momification et muséification. D’abord j’y vois plutôt une vie de famille. Autour du triangle familial, une garde rapprochée. Une figure, parmi d’autres, comme symbole de fidélité et de discrétion, Patrice Gillard, sommelier et veilleur permanent, avec Marie-Françoise, des moindres détails pour le soin des convives. Entre tous, un ballet bien réglé de services et d’attentions.

Et la table, me direz-vous ! Il faut bien parler cuisine. Ne comptez pas sur moi pour entamer le descriptif et détailler par le menu et à la lettre, l’esprit des lieux et l’âme des plats. Terroir et vérité du produit, mariés avec une cuisine créative et délicate. Le résumé est bien court, mais l’essence du geste culinaire est là. Comme il faudra vivre à l’heure internationale de la Cité gastronomique, disons-le d’une formule, avec l’accent shakespearien : sur le parcours étoilé, Billoux, or not to be.
Restaurant Jean-Pierre Billoux, le Pré aux Clercs, 13 Place De la libération – 21000 Dijon