D’ici la fin de l’année, la cité Boutaric dans le quartier des Grésilles ne sera plus qu’un souvenir. Pilotée par Grand Dijon Habitat, sa déconstruction, par la méthode du « grignotage », est en cours. Au total, ce sont plus de 4 000 Dijonnais qui ont vécu dans cette tour emblématique depuis sa genèse en 1958.
Une page se tourne aux Grésilles. Le dernier représentant des grands ensembles, qui sortaient de terre comme des champignons à la fin des années 50 et dans les années 60 pour résoudre la crise du logement de l’époque, va s’effacer progressivement. La cité Boutaric, qui avait vu le jour en 1958, vit, en effet, ses derniers jours. Enfin ses derniers mois, devrions-nous plutôt écrire, puisque la déconstruction de cette barre de 9 étages, où ont été répartis jusqu’à 146 logements, s’achèvera au mois de décembre prochain. C’est en effet la technique du « grignotage » que le bailleur Grand Dijon Habitat a retenu pour faire table rase de cet ensemble réhabilité en 1998 mais devenu bien trop obsolète pour pouvoir continuer de franchir l’épreuve du temps. Si bien que, depuis le 21 août, une mâchoire en acier, surpuissante, dévore le béton et les traverses métalliques.
« Moins coûteuse et beaucoup moins contraignante, en terme de sécurité notamment, qu’une implosion, nous avons choisi cette méthode. Ce bâtiment va disparaître définitivement du paysage après un choix murement réfléchi. Il nous est apparu, après études, que des travaux de réhabilitation étaient impossibles car ils n’auraient pas participé à l’amélioration du cadre de vie des locataires, que ce soit en terme de confort ou d’économie d’énergie », explique Hamid El Hassouni, président de Grand Dijon Habitat, non sans préciser : « Nous sommes certes rodés à l’exercice car nous avons dû déjà déconstruire toute une série d’immeubles mais c’est toujours un moment empreint d’émotion. La cité Boutaric, c’était un village dans la ville, avec une ambiance particulièrement conviviale ».
Une amphore… souvenir
Cet état d’esprit ne disparaîtra pas totalement, puisque, comme a également insisté l’élu dijonnais, « un véritable travail de mémoire a été porté par Zutique Production pour accompagner les habitants dans ce changement ». Depuis 2006, cette association bâtit, en effet, avec de nombreux partenaires, un projet de développement culturel dans le quartier. Ainsi est née la Coursive Boutaric, au sein même de l’édifice, à qui l’on doit nombre d’événements culturels mais aussi des expérimentations économiques. Un court métrage documentaire, actuellement en cours de montage, sera diffusé d’ici la fin de l’année… et une amphore accueillant en son sein des témoignages et des gravures sera enterrée sur le site à un endroit tenu secret. Seuls les archivistes municipaux seront dans la confidence…
Quant aux derniers habitants (110 logements étaient encore occupés en 2021) sur les 4 000 qui, au total, ont vécu dans ce site emblématique depuis son origine, ils ont bénéficié d’une opération de relogement qui a débuté en mai 2022. Comme l’a souligné Nuray Akpinar-Istiquam, adjointe déléguée au logement et à la politique de la ville, « deux personnes à temps plein de Grand Dijon Habitat sont allés à la rencontre de tous les ménages pour répondre au mieux à leurs attentes et effectuer un véritable travail de dentelle ».
Seconde vie
Et de poursuivre : « L’attachement au quartier est fort, puisque 63% des personnes relogées ont souhaité demeurer dans ce quartier qui est, il est vrai, particulièrement bien desservi et doté de nombreux équipements ». Et ce taux atteint même 93% chez les retraités qui résidaient à Boutaric…
Une chose est sûre, qu’ils soient actifs ou bien qu’ils ne le soient plus, tous conserveront un souvenir (ému) de leur passage. Le fait que certains des matériaux de leur lieu de résidence puissent avoir une seconde vie les a, qui sait, touchés… A titre expérimental, Grand Dijon Habitat s’est tourné, en effet, vers Bobi Réemploi qui a, entre mars et mai derniers, cédé à des prix très attractifs radiateurs en fonte, cumulus, escaliers en métal, portes palières, etc.
Et sur les 12 000 tonnes escomptés de gravats, 100 tonnes pourront également être réemployées. Les ferrailles rejoindront des fonderies et les déchets inertes seront concassés à Arcelot afin d’être utilisés comme sous-couche lors de travaux routiers. Autant d’initiatives qui apportent leur pierre à la préservation de la planète…
Quant à l’avenir du site proprement dit, comme l’a mis en exergue Hamid el Hassouni, « ce ne sera pas un terrain en jachère » : « Nous allons apporter de l’animation sociale durant la période de transition. La réflexion se poursuit quant à l’avènement de résidences en accession sociale ». A des années lumières de ce que le triptyque d’architectes Beck, Balme et Ducruet avaient imaginé à l’origine. Mais c’était il y a 65 ans !
Camille Gablo
Crédit photo : Lyon Drone Service