Le cadre d'accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ? Avec une telle question -qui figurait dans son programme de candidat à la présidentielle- le président Macron n'a-t-il pas ouvert la boîte de Pandore ?
Cette question, elle est posée à un échantillon de citoyens, représentatif de la population française, qui se réunit au sein d'une convention citoyenne depuis décembre 2022 jusqu'à mars 2023. Cette assemblée de citoyens tirés au sort doit plancher pendant quatre mois sur la façon dont on meurt en France. En parallèle, des consultations ont déjà été lancées par l'exécutif auprès de parlementaires, de professionnels de santé et de Français désireux de prendre part à la réflexion. Des conclusions seront rendues en vue d’un éventuel changement de « cadre légal » sur la fin de vie. Sans être mentionnée explicitement par le chef de l’Etat, la question est de savoir si la France va aller plus loin dans son approche de la question et rendre possible l’accès à une « aide active à mourir » comme le font déjà un certain nombre de pays européens. Ce débat sur la fin de vie interroge également la place actuelle accordée aux soins palliatifs, dont l’offre est, on le sait, répartie de manière inégale sur l’ensemble du territoire.
Question abyssale
On comprend la passion qui pèse sur le débat sur la dépénalisation sous conditions de l'euthanasie et du suicide assisté. Débat d'ailleurs paradoxal à bien des égards notamment parce que la décision de mourir échappe souvent au principal intéressé. L'euthanasie pourra-t-elle un jour entrer dans nos moeurs, paré des beaux atours de l'humanitaire et trouver une place « morale » dans une société qui admet, par ailleurs, de faire mourir les enfants à naître ? Est-il possible de comprendre la fin de vie alors que chacun d’entre nous qui en parle ne l’a pas vécue jusqu’au bout ? Faut‐il légiférer sur l’acte d’inscrire la mort sur son emploi du temps ? Questions abyssales qui justifieraient un vaste débat démocratique, et pas seulement une convention citoyenne.
Certains considèrent que c'est un sujet dont le soubassement est plus moral que médical, que l'évolution de la loi est inconcevable, contraire au principe fondamental du respect de la vie humaine. D'autres font valoir que « le droit à la vie » donne à chaque individu le droit de décider s'il veut vivre ou mourir, et comporte donc un corollaire, « le droit de mourir ». Les questions se bousculent, s'entrechoquent :
- Le but de la médecine est-il de faire vivre les hommes le plus longtemps possible, jusqu'à la limite biologique théorique ?
- Jusqu'où intervenir pour prolonger la vie ?
- La mort volontaire, interdite par la loi, n'est-elle pas déjà une pratique médicale répandue dans nos hôpitaux ?
- En se focalisant sur l'euthanasie et le suicide assisté, ne prend-on pas le risque de négliger les soins palliatifs requis par la très grande majorité des malades en fin de vie qui ne seront peut-être jamais effleurés par l'idée de recourir à l'assistance au suicide ?
Agir sur le vivant n'est pas anodin dans une société qui s'efforce surtout de repousser la mort par la science et la technique. Le combat entre l'impossible et l'acceptable est donc une nouvelle fois engagé même si la vie n'appartient pas aux politiques. Il est en effet difficile de penser que la loi puisse trancher le débat pour ou contre l'euthanasie car il s'agit bien d'un choix personnel ou familial et qui doit le rester. Mais ce n'est pas en verrouillant un dispositif juridique qui stipule, in fine, que l'euthanasie est associée à un homicide volontaire, que l'on va résoudre des problèmes qui se posent au quotidien.
Avec l'euthanasie, on touche au mystère de l'existence. On a là une question restée trop longtemps taboue. Et difficile à cerner comme si la mort donnée dans le secret d'une chambre d'hôpital n'existait pas... Car chacun projette sa vision d'une fin idéale. Certains y voient une mort douce, d'autres une façon de s'éteindre dans la dignité. Et personne ne s'accorde sur les moyens d'y parvenir.
Pour avancer dans ce débat pour le moins délicat, nous avons interrogé deux Dijonnais qui ne partagent pas la même vision de la question posée sur le cadre d'accompagnement de la fin de vie. Il s'agit du docteur Jean-David Mossé et de Maxime Moulazedeh. Nous vous proposons de les retrouver dans les deux pages qui suivent.
Pierre Solainjeu