Législatives : La lutte finale

De la dynamique des forces en mouvement… Vous pourriez croire que nous faisons référence au grand théoricien de la physique quantique, Albert Einstein. Pas du tout, c’est la nouvelle loi de la relativité qui sévit dans le monde de la politique post-2017 ! Et cela avance à la vitesse de la lumière. Le premier tour des législatives, qualifiant 4 candidats Ensemble, 3 de la NUPES, 2 du RN et 1 de LR, en fut une nouvelle preuve.

La dynamique… En physique, le dictionnaire en donne la définition suivante : relatif aux forces, s’oppose à la statique. En didactique : qui considère les choses dans leur mouvement, leur devenir. Autant, en politique, le monde de 2022 n’a plus rien à voir avec celui d’avant 2017, autant la dynamique demeure une loi d’airain. Que ce soit physiquement ou didactiquement, tout, le 12 juin au soir, fut une question de dynamique.

Après avoir manqué à nouveau son mano a mano tant espéré avec Emmanuel Macron au soir du 1er tour de la Présidentielle (pour 421 308 voix, soit un peu moins qu’en 2017, où il avait été orphelin de 465 496 voix), Jean-Luc Mélenchon a réussi le tour de force de l’imposer au 3e tour, autrement dit lors de ces législatives. Du 3e homme de la Présidentielle – la place la plus ingrate, équivalent, il faut bien l’avouer, à la 4e aux Jeux olympiques lorsque les sportifs regardent les larmes aux yeux les médaillés sur le podium), il s’est invité dans un face-à-face final inédit avec le président de la République aux législatives. Et ce, sans être même candidat à ces élections, ayant décidé de pas jeter l’ancre à nouveau dans les Bouches du Rhône, au bord de la Méditerranée.
Ce nouveau revers aurait pu le plonger dans la mélancolie et lui faire relire Les Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand, sirotant, oisif, un « pastaga », autrement dit un petit jaune, à la terrasse d’un des cafés du Vieux Port de Marseille. Il n’en a rien été, et il a préféré réécrire l’histoire (constitutionnelle) afin de remettre au goût du jour la couleur rouge. En se déclarant, alors qu’il venait d’être battu à la course suprême et qu’il allait regarder en spectateur le duel final entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, « candidat au poste de Premier ministre ». L’union des gauches jusque-là irréconciliables qu’il a opéré derrière, en faisant naître la NUPES (tous savent dorénavant prononcer cet acronyme !), lui a mis du vent dans les voiles.

Cette dynamique a, il faut le dire, été bien aidée par les atermoiements de la majorité présidentielle. La nomination trop tardive du gouvernement, avec des ministres bâillonnés par la période de réserve, l’affaire Abad ou encore la gestion calamiteuse du Stade de France (comme quoi, même le foot et la Ligue des Champions s’invitent dorénavant dans les campagnes !) lui ont facilité les choses.

Les griffes et les dents

A l’instar de l’atonie, au sortir du 2e tour de la Présidentielle, de Marine Le Pen, dont l’objectif de constituer un groupe à l’Assemblée nationale n’était pas du tout du même calibre que la cohabitation prônée par Jean-Luc Mélenchon… Et faisait bien moins rêver ses troupes alors que le Rassemblement national, qui avait limé les griffes acérées de Reconquête et les dents ambitieuses d’Éric Zemmour, n’avait jamais enregistré autant de suffrages lors de la Présidentielle : 107 866 voix en Côte-d’Or, le 24 avril dernier, soit 18 745 de plus que 5 ans auparavant.

Les sondages plaçant, dans les derniers jours de la campagne, la NUPES… aux trousses de la majorité présidentielle, le président Emmanuel Macron s’alarma de ce mauvais film. Si bien qu’il descendit dans l’arrête et planta des banderilles, en mettant sur le même plan Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen : « Le projet de l’un ou de l’autre, c’est le désordre et la soumission ! »

Seulement, autant lors de la Présidentielle, où il avait revêtu aussi très tardivement le costume de toréador (rappelez-vous sa visite à la Fontaine d’Ouche sur les terres de François Rebsamen qui venait de le soutenir), cela avait fonctionné, autant cette fois-ci, il n’a pas eu – et les aficionados de la Corrida me pardonneront l’expression – les oreilles et la queue de son adversaire de La France Insoumise. Car les sondages se confirmèrent au soir du 1er tour des législatives. Certes la quête de Matignon devrait rester comme un Graal pour Jean-Luc Mélenchon mais avec 190 sièges (au mieux selon les projections) au palais Bourbon, la NUPES a tout pour siéger, comme hôte honneur, à la table de la Cène de l’opposition. Et Ensemble pourrait, dans le même temps, manquer la majorité absolue (289 sièges), si bien que le 2e mandat d’Emmanuel Macron pourrait susciter quelques aigreurs à la majorité, obligée de négocier ses textes de loi.

« La terre des Didier »

En Côte-d’Or, la majorité présidentielle peut, au demeurant, obtenir le même nombre de sièges qu’en 2017 puisqu’elle est présente au 2e tour dans 4 des 5 circonscriptions. Seulement, elle a déjà perdu l’une de ses députées sortantes : Yolaine de Courson (Modem) est sortie 4e, derrière Stéphane Guinot (NUPES), qui a manqué d’un cheveu (enfin d’une touffe de cheveux, 212 voix plus précisément) la qualification. Le maintien de la candidature de la maire de Montbard, Laurence Porte, qui lui avait disputé vainement l’investiture macronienne, n’est pas étrangère à sa défaite.

C’est le maire de Châtillon-sur-Seine, Hubert Brigand qui est arrivé deuxième (18,21%), en coiffant sur le poteau Stéphane Guinot et qui affrontera, au 2e tour, Jean-Marc Ponelle, le candidat RN décrochant la première place (21,14%). Le même Hubert Brigand qui a sauvé l’honneur de LR dans le département… Une droite, qui, sans cela, aurait vécu, le 12 juin, une soirée cauchemardesque !

Comme en 2017, le RN s’est également invité au 2e tour sur la 5e circonscription, avec René Lioret. Enregistrant 2 885 voix de plus qu’il y a 5 ans, celui-ci (23,70%) n’a pas empêché le député sortant d’Ensemble, Didier Paris, de dominer les débats.

A l’instar de son collègue de la majorité Didier Martin (ce qui fit dire, au demeurant, à Éric Dupond-Moretti que « la Côte-d’Or était la terre des François mais aussi des Didier ») sur la 1ère circonscription. Avec 31,19%, ce médecin domina le 1er tour, avec, certes, une posologie des urnes moins forte qu’en 2017 (il perd 2 885 voix) mais c’est lui qui obtint le score le plus élevé dans le département pour la majorité. En revanche, ce ne sera pas le remake d’il y a 5 ans puisqu’il affrontera, au 2e tour, Antoine Peillon (25,6%), le frère de l’ancien ministre de l’Éducation, qui, en une soirée, a fait oublier son qualificatif de parachuté… tout comme son prédécesseur implanté de La France Insoumise, Arnaud Guvenatam.
Toutes celles et tous ceux qui avaient mis une pièce sur le président de la fédération LR de Côte-d’Or, François-Xavier Dugourd, dans une revanche de 2017, en ont été pour leur frais, le vice-président du Département (14,83%) étant parti avec l’eau du bain (national) de la droite. Les centaines de personnes présentes à ses réunions et sa mobilisation de tous les instants n’ont rien changé et il a coulé dans une circonscription qui avait, rappelons-le, placé Jean-Luc Mélenchon en 2e position au 1er tour de la Présidentielle. Et il n’est pas certain que ses 2 243 voix de plus que Valérie Pécresse n’aient suffit à lui redonner le sourire.

Sur la 3e circonscription, l’autre députée sortante de la majorité, présidente tout de même de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Fadila Khattabi, est également sortie en tête… mais de seulement 91 voix ! Avec 25,65%, elle devança la candidate de la NUPES, Patricia Marc (25,38%), qui, 5 ans plus tôt, au titre seulement de la France Insoumise à l’époque, avait récolté 10,75%… sur la circonscription voisine (la 2e) ! Le RN – cette fois-ci avec Dominique Alexandre-Bourgeois (22,71%) – n’a pas réussi à rééditer sa performance des dernières législatives (où il avait été 2e), même s’il fit considérablement fructifier son nombre de voix (+ 1909). Tout s’est joué dans un mouchoir de poche et, in fine, ce territoire fait partie des 272 circonscriptions où la majorité affrontera la NUPES.

La dynamique… finale

Il en est allé de même sur la 2e circonscription, où, là, la NUPES fit encore mieux, puisque sa candidate, l’écologiste Catherine Hervieu, décrocha la 1re place avec 29,27%. Alors même que, lors du 1er tour de la Présidentielle, Jean-Luc Mélenchon n’y avait été que 3e. La seconde place qualificative est revenue au candidat de la majorité présidentielle, le conseiller départemental Benoît Bordat (27,04%), choisi par Emmanuel Macron sur les conseils de François Rebsamen. Le RN, avec Mélanie Fortier (20,69%), n’a pas été en capacité de s’inviter dans le combat final. A l’instar de LR, qui n’a pas réussi la passation de pouvoir entre le député sortant, Rémi Delatte, et son collaborateur parlementaire, Adrien Huguet, 4e avec seulement 11,43%. Une chose est sûre : tout comme sur la 4e, un nouveau visage s’imposera sur la 2e le 19 juin.

Voilà où la dynamique a conduit au soir du 12 juin : 4 candidats de la majorité présidentielle, 3 de la NUPES, 2 du RN et 1 de LR encore en lice en Côte-d’Or. La bipolarisation des (lointaines) années précédentes est bien à ranger au rayon des souvenirs, le présent étant à la tripartition. Enfin, nous ne devons pas oublier le quatrième quart : l’abstention (48,90% en Côte-d’Or), qui est majoritaire puisqu’elle représente pratiquement un électeur sur deux.

Afin de faire revenir une partie des abstentionnistes aux urnes (comme ses réserves de voix sont limitées), Jean-Luc Mélenchon a appelé « le peuple à déferler ». Histoire de ne pas perdre la dynamique… la dynamique finale devrions-nous dire, en référence, comme vous l’avez compris, à la lutte finale !

Camille Gablo