A la Mode au XVIIIe : Le Musée des Beaux-Arts porte beau

Soyez sport-chic décontracté, ou ne soyez pas ! Vous êtes à la page dans le chaussant iconique Nike ou Adidas, le Musée des Beaux-Arts, lui, est « à la Mode», à l’occasion de cette exceptionnelle exposition dédiée à l’Art de Paraître au XVIIIe siècle (jusqu’au 22 août). Époque florissante, où s’amorçait déjà – certes avec une élégance et un raffinement inouïs - la vogue grandissante du « négligé-déshabillé » ! C’est d’ailleurs l’une des quatre thématiques de ce vaste panorama historique où tout n’est que luxe et beauté de vivre ! Le bruissement des étoffes précieuses, le crisse- ment de la soie ou des brocards, le chatoiement ensoleillé de l’or des bijoux des élites de l’époque incite à un voyage à la Watteau ou à la Fragonard.

Glissons-nous dans les garde-robes du XVIIIe siècle qui préfigurent l’apogée de la haute-couture française créée par Charles Frédéric Worth en 1858… Dès l’ère des troubadours et de la Renaissance, les tenues féminines et masculines ont fait la démonstration de la puissance créative de leurs créateurs, de leurs couturières. Grâce aux œuvres des peintres tels Watteau, Poussin ou Fragonard ou des sculpteurs comme Pigalle et Houdin, notre mémoire collective est imprégnée de ces habits somptueux portés par les hommes comme par les femmes de l’aristocratie ainsi que de la haute-bourgeoisie. Paris donnait le ton alors à l’Europe entière : l’art de paraître, l’ébéniste- rie, la littérature, le théâtre, l’opéra d’un Rameau ou d’un Lully témoignent d’un imaginaire, d’une magnificence qui constituent la quintessence de l’époque. La mode reflète les divers flux de ces sociétés, révélant la part prépondérante ou non des femmes par rapport aux hommes dans ces cercles très fermés de l’aristocratie de robe et d’épée, ou encore dans les sphères bourgeoises.

Au-delà de la beauté des parures, des habits de cour ou du vestiaire porté au cours des fêtes, l’exposition met ainsi l’accent sur les codes qui permettent de décrypter tous les dessous de la mode et son évolution jusqu’à la fin de la monarchie. Elle offre également aux visiteurs l’opportunité d’appréhender un contexte élargi, en abordant l’importance ainsi que l’émergence de nouveaux métiers de la couture, de la passementerie etc, ainsi que d’une presse spécialisée.

Sandrine Champion-Balan, conservateur en chef des musées et commissaire général de l’exposition de Dijon s’est attachée à mettre en scène ces thématiques là, montrant le chassé-croisé entre les œuvres d’art et les parures. Ou mettant en scène la concurrence que se livraient les classes sociales par le biais des parures. Le regard du visiteur est séduit d’emblée par le parti pris éminemment esthétique qui a présidé à la scénographie, à la muséographie des différentes salles dédiées à l’exposition et réaménagées à la façon des suites d’un palais. Et ce, grâce à la collaboration de Loretta Gaïtaris et Irène Charrat qui ont su jouer avec les ombres, les lumières, les couleurs de chacune des salles du musée.

Un dialogue vivant se noue ainsi entre les costumes, le drapé des parures, bijoux ou accessoires de mode et les quelque 140 tableaux ou planches à dessin et croquis exposés, tout au long du parcours des visiteurs ou des amateurs d’art. L’histoire des habits d’apparat ou du vestiaire plus intime de la noblesse et de la haute-bourgeoisie nous est contée autour de quatre thématiques : les phénomènes de mode ou la compétition entre l’aristocratie et les classes montantes, les acteurs de « la fabrique de la mode » antichambre des futures grandes maisons de couture des XIXe et XXe siècles, le va-et-vient entre artistes et créateurs de vêtements. Enfin est abordée sur ce parcours si féerique une histoire du négligé-déshabillé qui, trois siècles plus tard, nous permet de lire la mise-à-nu du corps social de toutes ces élites françaises à la fois brillantissimes et pourtant piégées dans les vestiges d’une structure monarchique fissurée…

Marie-France Poirier

L’Habit côté cour et jardin

L’Art de paraître au XVIIIe siècle au Musée des Beaux-arts a requis entre autres partenaires la collaboration de musées prestigieux tels que le Palais Galliera de la Ville de Paris, le musée de Nantes, ou la contribution exceptionnelle du Château de Versailles. Leurs prêts à l’occasion de cette exposition participent au roman de la mode française, à l’histoire où se lit l’évolution des usages vestimentaires soumis à une élégance paradoxalement audacieuse et codée ! Et ce, qu’il s’agisse des fêtes galantes dans les jardins de l’aristocratie, des costumes de théâtre, des habits de cour ou de la mise-en-scène des opéras de Rameau ou de Lully ou encore de Gluck. Pour Christine Martin adjointe à la Culture, l’exposition « A la Mode » point-phare de la saison touristique 2022 avec la toute nouvelle Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, était plus qu’une évidence : « Toutes d’eux témoignent d’un art de vivre dans l’excellence. La boucle est bouclée : dès le XVe siècle, le duc de Bourgogne Philippe Le Bon a marqué son intérêt pour la mode en s’habillant de noir. C’était à l’époque une couleur très difficile à produire, et donc la marque du pouvoir, la conscience aigüe d’appartenir au rang social le plus élevé. Il existe par ailleurs une autre continuité, une résonance plus contemporaine de l’exposition avec notre histoire régionale, puisque le public pourra admirer quelques pièces provenant de la donation Perrin de Puycousin ! Il convient de souligner que l’attractivité dont jouit la Cité de la Gastronomie fait écho et renvoie à Dijon, à ses musées et tout spécialement à cette exposition de la Mode. Son caractère - un peu inattendu par rapport à des rétrospectives plus habituelles - va aiguiser la curiosité tant des Bourguignons que des touristes. A cet effet, nous mettons en place un large affichage aussi bien au plan hexagonal qu’à l’international. »

M-F. P